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3 corsets Vivienne Westwood iconiques racontés par Alexander Fury
À l’occasion de l’exposition “Vivienne Westwood Corsets, de 1987 à aujourd’hui”, à visiter jusqu’au 30 avril 2023 dans la boutique parisienne de la marque, Numéro a rencontré Alexander Fury, historien d’art, journaliste et collectionneur, qui nous raconte trois corsets emblématiques de la carrière de Vivienne Westwood.
Par Erwann Chevalier.
Parmi les trésors de la mode, le corset Vivienne Westwood est une des pièces les plus prisées. Innovant et extravagant, ce vêtement a marqué au fer rouge la carrière de la créatrice britannique dès la fin des années 80 et s’est imposé en leitmotiv alors qu’il se décline depuis dans presque chacune des collections de la maison. Nichée dans le sous-sol de la seule boutique parisienne Vivienne Westwood, l’exposition “Vivienne Westwood Corsets, de 1987 à aujourd’hui”, à visiter jusqu’au 30 avril 2023, rend hommage à ces petits bijoux de l’histoire de la mode. Numéro a rencontré Alexander Fury, historien d’art, journaliste et collectionneur, qui raconte trois corsets emblématiques de la carrière de Vivienne Westwood.
1. Le tout premier corset Vivienne Westwood
En 1987, Vivienne Westwood présente sa collection automne-hiver, intitulée “Harris Tweed”. Guest-star du show : son premier corset, à l’apparence sobre – tout de noir satiné – mais qui révolutionne sa maison et la mode des années à venir. Pour Alexander Fury, ce corset encapsule en effet tout le génie avant-gardiste de Vivienne Westwood, qui ré-interprète ici les codes et la coupe d’un vêtement classique et contraignant pour en faire l’emblème de son esthétique punk et révolutionnaire.
“Vivienne était passionné par l’histoire des costumes européens et la ré-interprétait pour la rendre pertinente, la refaire vivre dans la mode moderne” explique Alexander Fury : elle remplace alors les laçages étouffants du corset par une fermeture à zip dans le dos et coupe les baleines qui compressent les hanches des femmes au dessus du ventre. Ainsi, là où les femmes des 17e et 18e siècle étaient contraintes de porter un corset et d’être aidées pour réussir à l’enfiler, les clientes de Vivienne Westwood ont non seulement le libre-choix de le porter, la possibilité de le mettre et l’enlever seule et de respirer avec sans être compressées.
Galvanisée par la structure de ce corset qui prend, un temps, le nom de “Statue de la liberté” (pour l’allure fière et droite), la créatrice britannique souhaite que toutes les mannequins de son défilé de 1987 en portent. Si pour des raisons de logistique son souhait ne se réalise pas – difficile d’enlever et d’enfiler ce même corset sur les modèles entre chaque passage –, le vêtement intègre la majorité de ses collections pour les quatre prochaines décennies.
Sa collection automne-hiver 1990 achève d’en faire une pièce iconique : la créatrice anglaise réutilise la forme de son premier corset, sur lequel elle imprime une peinture de François Boucher, Daphnis et Chloé (1743). Ce qui était, à l’origine, une pièce de lingerie s’élève alors au rang d’œuvre d’art et connait un succès fulgurant – jusqu’à intégrer le salles de la Wallace collection à Londres, exposé aujourd’hui parmi les toiles du peintre baroque.
2. Le corset Vivienne Westwood inspiré par l’histoire française
Plus qu’une révolution dans l’histoire de la mode féminine, le corset de Vivienne Westwood s’inscrit également dans un héritage historique plus large. Déjà passionnée par les costumes d’époque, la créatrice se plonge dans l’histoire des cours européenne des 17e et 18e siècle au milieu des années 90, après sa rencontre son futur mari et collaborateur, Andreas Kronthaler.
“C’est sous son impulsion que Vivienne Westwood commence à utiliser le corset comme structure pour d’autres vêtements” considère en effet Alexander Fury, ajoutant que la culture de ce dernier, originaire d’Autriche, apporte une nouvelle dimension historique à ses créations. À l’image de cette robe de la collection printemps-été 2012, dont la structure du buste reprend celle de son corset de 1987 et revisite également la coupe des robes portées à la cour française de Louis XIV à Louis XVI : très restrictive, la forme ovale de la poitrine coupe – littéralement – les bras de celle qui porte la robe et lui impose ainsi une position raide.
Importées par le roi Charles II à son retour en Angleterre en 1658 après avoir fui en France pendant la seconde guerre civile, les modes de la cour de France telles que ces robes infusent la création textile anglaise de la fin du 17e siècle et, ainsi, la création de Vivienne Westwood. Dans les notes de cette collection, la créatrice écrit vouloir transformer ces corsets et robes en “armures” : réinventés sous la forme de robe moulante au buste dégagé ou encore en veste oversize brodés du motif Tudor fleuris, le corset se libère de ses carcans et donne aux mannequins une allure de dur à cuir, “tel un soldat ou un motard”. Un lien avec l’histoire française qui se prolonge jusque dans le rayonnement de la maison de Vivienne Westwood, qui déplace à partir de 1991 ses défilés à Paris.
3. Le corset sous toutes ses formes et pour les hommes
“Dans l’histoire de la maison Vivienne Westwood, il y a eu beaucoup d’échanges entre les vêtements pour hommes et ceux pour femmes” déclare le spécialiste Alexander Fury. En effet, chez Vivienne Westwood, les genres entretiennent un dialogue sans limite dès les années 1970. En témoignent ses archives : dans son sulfureux et célèbre Sex Shop, la créatrice imagine déjà des tee-shirts floqués de poitrines féminines destinés à être portés par des hommes.
À partir de 1996, elle arrête cependant d’imaginer des collections mixtes, dévoilées sur les podiums, et commence à présenter des vêtements pour hommes au sein de vestiaires uniquement dédiés à la gent masculine. Sans pour autant perdre son essence punk et disruptive, la créatrice leur fait porter des corsets féminins et ose un langage visuel audacieux. Aujourd’hui érigé au rang de pièce signature de la maison Vivienne Westwood, le corset — synonyme d’asservissement — s’adapte sans difficulté au corps masculin. La maison londonienne présente cette pièce, sans structure baleinées, fabriquée à parti d’un léger coton orange et blanc embelli d’un imprimé jacquard floral.
Même s’il ne s’agit pas du premier corset pour homme signé de la marque anglaise, le vêtement fait un retour remarqué sur les podiums au sein de la collection printemps-été 2020, Rock Me Amadeus, imaginée par Andreas Kronthaler. Inspiré d’un morceau éponyme sortie en 1985 du chanteur allemand Falco, cette collection “propose une symphonie de références culturelles, émulant la curiosité de la maison pour l’art, l’histoire et la politique” et la mode du 17e et 18e siècle.
Là où les corsets féminins soulignaient la forme de la poitrine, cette pièce traditionnellement considérée comme féminine est ici pervertie épousant le buste masculin à merveille. La taille est légèrement plus basse, sans l’étrangler, un détail qui imite davantage les corsets du 18e siècle que les premiers corsets de Vivienne Westwood coupés plus haut.
“Vivienne Westwood Corsets, de 1987 à aujourd’hui”, jusqu’au 30 avril 2023 dans la boutique Vivienne Westwood du 175 rue Saint Honoré, Paris 1er.