10
10
UFC Paris 2025 : comment le MMA a pris d’assault la France
Samedi soir dernier avait lieu le quatrième UFC Paris, événement star de MMA, Mixed Martial Arts, qui confirmait l’amour du public français pour ce sport de combat à la fois ultra spectaculaire et technique. Star de la soirée, le Français Nassourdine Imavov, champion à la fois charismatique et respectueux.
par Delphine Roche.
L’UFC Paris, rencontre phare des stars du MMA
Le 6 septembre 2025, à l’Accor Arena, avait lieu le quatrième UFC Paris. Soit l’événement de l’UFC, principale fédération de MMA (Mixed Martial Arts), dont les stars présentes ou passées comptent aujourd’hui parmi les sportifs les plus célèbres et les plus riches du monde.
Parmi ces derniers, on citera notamment l’inénarrable Conor McGregor dont les frasques et délits (rixe collective au Barclays Center à New York, condamnation récente pour viol) ont malheureusement terni le charisme extraordinaire et le bilan sportif. Ou encore le champion des poids lourd Jon Jones, fils d’un pasteur et fascinante figure mi-angélique mi-démoniaque, à la façon du personnage de Robert Mitchum dans La Nuit du chasseur (1955). Mais aussi le roi invaincu Khabib Nurmagomedov, qui a combattu un ours à mains nues alors qu’il n’avait que 9 ans au Daghestan, en Russie, où il a grandi et où le fort ancrage de la lutte, extrêmement pratiquée dès l’enfance, a ouvert la voie à une génération de champions de MMA.
Si l’UFC est américain (sous la houlette de son président, Dana White), son rayonnement est mondial et son règne sur le MMA indiscutable. En France, l’engouement est tel que les recettes du premier événement parisien organisé par l’UFC en 2022 à l’Accor Arena établissaient un record absolu. Quatre ans plus tard, les places pour l’événement s’arrachent à peine mises en vente, laissant bon nombre de fans désespérés sur liste d’attente.
La Cage, l’univers du MMA selon Netflix
Attestant de cette gigantesque popularité du MMA en France, Netflix diffusait l’année dernière la série La Cage, réalisée par Franck Gastambide. Le jeune acteur extrêmement prometteur Melvin Boomer y campait le rôle d’un aspirant champion qui voyait son rêve de gloire devenir réalité, au prix d’un entraînement qui ferait passer le personnage de Rocky incarné par Sylvester Stallone pour un petit joueur.
Véritable carton d’audience, la série alignait un casting de stars de l’UFC d’hier et d’aujourd’hui : le Canadien Georges Saint-Pierre, encore considéré aujourd’hui par certains comme le GOAT du MMA, the Greatest Of All Times, mais aussi le Français Ciryl Gane, surnommé le Bon Gamin et classé aujourd’hui N°1 mondial, qui a plusieurs fois combattu pour le titre de champion de sa catégorie, ou encore un autre Français très respecté, Salahdine Parnasse, et l’Américain Jon Jones lui-même, alors champion du monde des poids lourds de l’UFC.
Un sport né au Brésil et aux États-Unis
Le MMA est pourtant un sport né récemment, dans les années 90. Parmi ses fondateurs figurent les Gracie, figures de proue du jiu ji-tsu brésilien, qui depuis le début du XXe siècle, organisaient au Brésil des combats “vale tudo” [tous les coups sont permis]. En 1993, à Denver, naît l’UFC, Ultimate Fighting Championship, de l’alliance de Rorion Gracie avec un businessman et un producteur télévisuel américains. L’idée est à la fois révolutionnaire et anti-sportive : sans catégories de poids, sans limites de temps, avec très peu de règles, des combattants de toutes disciplines de sports de combat s’affrontent. Le premier tournoi réunit ainsi le kickboxing, le karaté, la lutte, la boxe anglaise, le taekwondo et le jiu ji-tsu brésilien avec Roye Gracie, qui en sortira vainqueur.
Les levers de boucliers ne manquent pas face à ce spectacle total qui relève davantage de l’événement médiatique, ou de l’affrontement de gladiateurs, que du sport proprement dit. Souffrant de cette image, le MMA restera ainsi interdit en France jusqu’en 2020. Mais la discipline qui se pratique de nos jours n’a plus rien en commun avec ses débuts ultraviolents et chaotiques.
Après le rachat de l’UFC en 2001 par Dana White et les frères Fertitta, gérants de casinos à Las Vegas, le sport s’organise, se régule. Aujourd’hui, ses pratiquants de haut niveau qui s’affrontent notamment dans les affiches de l’UFC, sont des athlètes extrêmement mobiles et complets, capables d’allier les techniques des sports de frappe (boxe anglaise, kickboxing, muay-thai) et du grappling (lutte, jiu ji-tsu…).
L’essor du MMA en France
La légalisation des combats de MMA en France a également été compliquée du fait de l’opposition des disciplines martiales déjà organisées et puissantes en France – on pense naturellement au judo, où les Tricolores excellent dans les compétitions mondiales. En 2020, après d’âpres débats, c’est finalement sous la tutelle de la fédération de boxe anglaise que sera placée la naissante Fédération française de MMA et aujourd’hui, la réussite de championnes et champions nationaux (Manon Fiorot, Ciryl Gane, Nassourdine Imavov…) et la popularité du sport auprès du public ont permis de bien rattraper ce retard.
Samedi soir dernier, la ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative [du gouvernement de François Bayrou] Marie Barsacq, était d’ailleurs présente à l’Accor Arena pour soutenir l’essor du MMA en France et les combattants français en lice. Pour faire honneur au public hexagonal considéré par certains athlètes comme le “meilleur du monde”, entonnant sans cesse des chants, des encouragements (ou aussi, des invectives), la fight card du 4e UFC Paris faisait la part belle aux Français : Oumar Sy, William Gomis, Axel Sola, Benoit Saint-Denis, avant le main event opposant Nassourdine Imavov à Caio Borralho.
Nassourdine Imavov, grand vainqueur de l’UFC Paris
Alors que trois des cinq Français en lice s’entraînent aujourd’hui avec Nicolas Ott, tandis que le Brésilien Caio Barralho et son compatriote Mauricio Ruffy qui affrontait Benoît Saint-Denis, font partie du club des Fighting Nerds à São Paulo, la soirée présentait un enjeu particulier – certains commentateurs allant jusqu’à évoquer la finale de la Coupe du monde de football 1998. Résultat des courses : les victoires de William Gomis, de Benoît Saint-Denis et de Nassourdine Imavov sont venues conforter la place de choix occupée aujourd’hui par Nicolas Ott au sein du MMA français.
Grand vainqueur de la soirée, Nassourdine Imavov s’imposait à la décision au terme d’un combat en cinq rounds. Ce n’était certes pas le résultat escompté par celui qu’on surnomme le sniper, qui lors de la fight week, annonçait qu’il comptait en finir avec Caio Barralho par KO au 2e round. Gêné par une blessure à un tendon du pied, le Français n’était pas aussi mobile qu’à l’accoutumée, mais il s’est montré calme et méthodique, imposant sa domination de façon de plus en plus claire.

“Je représente le Caucase, le Daghestan, mes ancêtres (…) les parents immigrés qui sacrifient tout pour leur enfant.” Nassourdine Imavov
Alors que Caio Borralho possède un certain talent pour rester à distance, Nassourdine l’a frappé de plusieurs puissants directs du bras arrière. Le combat n’est pas allé au sol et Nassourdine a ainsi montré son aisance debout, sa capacité à vaincre sans même déployer son très beau grappling. Alors qu’il cumule cinq victoires lors de ses cinq derniers combats, le Français, en conférence de presse, a réitéré son souhait de se voir proposer par l’UFC un combat pour le titre de champion des poids moyens. Avec cette victoire sur Caio Borralho, invaincu depuis dix ans, Nassourdine Imavov s’affirme comme un contender légitime au title shot, alors que la ceinture de la catégorie est détenue par l’impressionnant Khamzat Chimaev depuis le 16 août (UFC 319).
Charismatique, enclin au respect (rechignant à pratiquer le “trash talk”, ces fausses invectives par réseaux sociaux interposés, qui créent l’excitation autour des combats), Nassourdine Imavov se montrait égal à lui-même en conférence de presse post-match. Dans une vidéo très émouvante qu’il postait en février de cette année, juste après sa victoire contre le mythique ancien champion de la catégorie des poids moyens Israel Adesanya, Nassourdine donnait en effet un aperçu de ses valeurs humaines et de son vécu d’immigré daghestanais en France : “Je représente le Caucase, le Daghestan, mes ancêtres (…) les parents immigrés qui sacrifient tout pour leur enfant. Je représente les banlieusards, les zones rurales, les négligés de la société. Je représente ma France.”
Vers une démocratisation du MMA en France ?
Belle réussite, la soirée du 6 septembre 2025 confirmait donc l’amour du public français pour le MMA en France. La discipline jadis honnie a été comprise, et son développement est encouragé par les pouvoirs publics. Depuis la vitrine que représente le sport professionnel, les effets ruissellent jusqu’au sport amateur : les salles se multiplient à Paris et partout en France, de même que les cours pour adolescents et pour enfants, qui confirment le fait que comme tout sport de combat, le MMA peut être pratiqué en toute sécurité, de façon “euphémisée”.
Avec l’exemple de Manon Fiorot, et de tant d’autres championnes internationales d’aujourd’hui ou d’hier, le MMA féminin rayonne également d’une belle légitimité. Si, au niveau médiatique, la discipline reste malheureusement entachée par des amitiés politiques douteuses et des déclarations controversées de certains champions (aux relents notamment fortement masculinistes), elle devrait néanmoins connaître un beau développement en France et devenir, comme tout autre sport, un vecteur positif d’image.