13 oct 2020

Dans les coulisses de Miniso, l’enseigne chinoise qui débarque en France

Fondée en 2013 par l’entrepreneur chinois Ye Guofu et le designer japonais Miyake Junya, la chaîne Miniso, spécialisée dans les biens de grande consommation – des casques bluetooth aux peluches moelleuses – débarque en France avec la ferme intention de concurrencer des géants tels qu’Amazon ou Alibaba. Numéro a rencontré Ariel Wizman, DJ et ancien journaliste de Canal + reconverti en homme d’affaires, qui a obtenu la franchise exclusive du label chinois pour son implantation en France.

Crédit photo: Miniso France.

L’établissement se dresse au 58, rue de la Chaussée d’Antin, dans le 9e arrondissement de Paris. La devanture immaculée – apparue comme par magie à quelques mètres du Printemps Haussmann – rappelle, pour le moment, celle d’un laboratoire d’analyses médicales. On ne discerne que le logo rouge, semblable à celui d’Uniqlo, qui tranche avec la façade blanche : un carré surmonté d’une hanse et figurant un sac de course. Quant au panneau, à quelques centimètres, il annonce clairement la couleur : “Miniso, 4200 boutiques dans plus de 80 pays.”

 

 

C’est un homme au visage familier qui met fin à nos observations d’espion industriel de pacotille : “Évidemment, tout cela va dégager. Il y aura une belle enseigne et des écrans un peu partout à l’intérieur. Vous verrez, ça va vraiment envoyer.” Autrefois journaliste et animateur pour la chaîne Canal +, Ariel Wizman, 58 ans, prend très à cœur sa reconversion professionnelle, surexcité par ce “projet fou” auquel il a pris part : installer confortablement Miniso dans l’hexagone, cette chaîne chinoise d’inspiration japonaise spécialisée dans les biens de grande consommation. Une entreprise florissante qui ensorcelle jusqu’aux plus blasés, incités à sortir de ses boutiques les mains pleines d’ustensiles de cuisine en tout genre, de petits carnets, de mugs Spiderman et de jolies peluches moelleuses.

 

 

Des adversaires de taille

 

 

Le projet de Miniso est né en 2013, initié par deux hommes que tout oppose : l’entrepreneur chinois Ye Guofu et le designer japonais Miyake Junya. Le premier est “un visionnaire qui propose des boutiques pensées comme une sorte de balade digitale, souligne Ariel Wizman, le second est “un type étonnant, au croisement entre David Bowie et le pianiste Ryūchi Sakamoto…” Sur le papier, Miniso intrigue. En grattant davantage, on découvre que son chiffre d’affaires dépasse les 10 milliards d’euros, que le géant compte seize bureaux de création à travers le monde et qu’il s’est même offert les franchises Disney (et Marvel au passage) ou encore Hello Kitty. Fort de son succès en Asie ou en Amérique latine, Miniso s’attaque donc au marché européen et envisage le casse du siècle : “Ye Guofu ne voit pas Hema ou Flying Tiger comme des adversaires, glisse l’ex-journaliste, ses concurrents principaux, ce sont Amazon et Alibaba. Et pour les affronter, il a des projets de vente au détail sensationnels.

Crédit photo: Miniso France.

Un cabinet de curiosité qui prône le luxe abordable

 

 

Bijoux et accessoires bon marché, éléments de décoration sobres au design soigné, électroménager, sacs en tout genre, objets connectés… Miniso mise principalement sur son réseau tentaculaire qui lui permet de proposer un catalogue interminable. Un cabinet de curiosité 2.0 qui a même inspiré certains Youtubeurs, proposant des tutoriels beauté ou testant les produits les plus improbables dégotés dans ses rayons. Si l’on en croit Ariel Wizman, le fondateur chinois ne signe qu’avec des fournisseurs capables de lui assurer des produits de qualité aux normes en matière d’écologie. D’ailleurs, l’ancien journaliste balaie nos “interrogations vertes” d’un revers de la main en affirmant que Miniso “n’incite pas à la surconsommation mais invite à une consommation discernée sur un modèle écologique”. En 2020, les entreprises n’ont visiblement pas d’autres choix que de proposer un modèle responsable. Une autre expression nous fait tiquer, celle du “luxe abordable”, célèbre notion antinomique dont les commerciaux raffolent : “Miniso propose du lifestyle. Certaines enseignes vous vendent un humidificateur moche et cher, mais nous, nous proposons un humidificateur design au même prix, objecte Ariel Wizman. La notion de luxe prend autant de place que celle du désir. Autrement dit, plus la marque est chère, plus on provoque le désir. C’est une philosophie à court terme que nous refusons. Personne ne change de statut en achetant des choses extrêmement chères.

 

 

La France, un marché ambitieux

 

 

Fasciné par les galeries et les passages couverts du Paris commercial d’antan, Ariel Wizman évoque la capitale lumineuse de Baudelaire et de Walter Benjamin. Selon lui, Miniso était l’occasion rêvée de se lancer dans un projet ambitieux. Car aujourd’hui, sans ambition, il est impossible de s’installer dans la vie réelle. C’est une rencontre avec le spécialiste de la data Jonathan Siboni – qui travaille depuis un bon moment avec la Chine via sa start-up Luxurynsight – et Nicolas Rey, directeur général de Miniso France depuis août 2020, qu’il prend conscience de l’ampleur du projet : la France sera le point d’ancrage de Miniso en Europe.

 

 

Puisque la crise sanitaire a transformé drastiquement les habitudes des consommateurs, Miniso planche déjà sur de nouveaux modèles de vente, privilégiant quoi qu’il arrive l’“in-store pickup” qui invite les consommateurs à récupérer en magasin les produits achetés sur internet. Si l’on en croit Ariel Wizman, l’entreprise croule déjà sous les demandes et sera bientôt installée dans “les centres commerciaux, les gares et un peu partout.” Son objectif ? Produire en France, développer un studio de design qui produira exclusivement pour Miniso et proposer des collaborations originales avec des designers de renom.

 

 

Miniso, 58, rue de la Chaussée d’Antin, Paris 9e. Ouverture le 15 octobre 2020.

Crédit photo: Miniso France.