L’interview joaillerie de Quentin Pontonnier, créateur des bijoux Tant D’Avenir
Alors qu’il dévoile une nouvelle collection intitulée Workers d’une dizaine de pièces de joaillerie personnalisables, le créateur Quentin Pontonnier, à la tête du label Tant D’Avenir depuis 2017, s’est confié à Numéro sur ses inspirations, sa relation à la mode et aux bijoux, son style et ses plus beaux moments de carrière.
Propos recueillis par Louise Menard.
Des bijoux rock aux références architecturales
C’est dans son atelier, situé à deux pas de la Place de la République, que Quentin Pontonnier passe la plupart de son temps à dessiner, à polir ou à laminer le métal des pièces qui constitueront ses prochaines collections. Fondateur du label Tant D’Avenir et créateur au talent porté par une passion constante, Quentin Pontonnier a su imposer sa vision de la joaillerie et son amour de l’artisanat à travers des bijoux volumineux entre minimalisme des lignes et splendeur des gemmes.
Tout en gardant à l’esprit les modèles qui ont construit l’ADN de sa marque, comme une chevalière martelée d’un emblème gréco-romain, une chaîne rehaussée d’un mousqueton, portée par le rappeur Damso dans son clip Du feu (2023), une médaille dorée ornée de la tête de Méduse ou encore des bagues aux courbes sinueuses et organiques inspirées des ovnis, Quentin Pontonnier n’a eu de cesse, saison après saison, de poser son regard ailleurs afin de chercher d’autres inspirations.
À travers l’or et l’argent, les diamants et les pierres de lune transparentes de Ceylan, sa dernière collection intitulée Workers – dont le dessin rappelle celui des outils des artisans – prouve encore une fois sa capacité, à dépasser ses limites créatives et à faire de ses pièces des bijoux forts dont l’esthétique imparfaite et singulière fait tout le charme.
L’interview de Quentin Pontonnier
Numéro : Quel est votre premier souvenir lié aux bijoux ?
Quentin Pontonnier : Je crois que, comme beaucoup, mon premier souvenir joaillerie est lié à ma mère. Elle portait des espèces de boucles d’oreilles en clip, typiques des années 80, que j’adorais essayer, et une petite chaîne en or qu’elle mettait tout le temps.
Quel est le premier bijou que vous avez acheté ou reçu ?
Comme j’ai grandi au-dessus d’une patisserie et que tout le monde était boulanger dans ma famille, mes premiers bijoux ont été les colliers en bonbon. J’ai aussi eu des colliers de surfeur en bois que je m’amusais à transformer, à ré-assembler et à personnaliser en leur ajoutant des pics et d’autres petits éléments. Puis à 14 ans, j’ai acheté ma première bague chez Nozbone, un skateshop dans le 10e arrondissement.
À quel moment de votre vie avez-vous décidé de faire carrière dans ce milieu, et pourquoi ?
Je n’ai pas vraiment choisi de faire carrière dans ce milieu mais c’était plutôt un coup de chance. Initialement, je voulais aller en école d’art pour après faire de la mode. Mais, comme j’avais des difficultés à l’école, mon dossier n’était pas assez solide, notamment pour rentrer à l’école Boulle en arts appliqués. J’ai quand même tenté ma chance en passant le concours, à la suite duquel je me suis trouvé sur liste d’attente. Lors de la rentrée, un étudiant en cursus de joaillerie ne s’est pas présenté et j’ai donc pris sa place. Je pense qu’on peut parler de bonne étoile… À ce moment-là, j’avais 14 ans et j’ai réalisé que je pouvais finalement utiliser la joaillerie comme tremplin pour accéder à l’univers de la mode.
“J’ai besoin de liberté pour faire ce que je fais. Pour créer, il faut être libre.”
Quentin Pontonnier
Pourriez-vous partager votre parcours en quelques mots ?
À l’école Boulle, j’ai suivi un CAP Art du bijou et du joyau puis un Brevet des métiers d’art, spécialisé dans la haute joaillerie. Pendant quatre ans, j’ai étudié le dessin, la fabrication du bijou, le métal, la sculpture, la 3D, le gouaché traditionnel, l’histoire de l’art… Et en dernière année, j’ai fait un stage chez Chanel. Puis, directement après mes études, j’ai brièvement travaillé pour une marque de bijoux où je me suis rendu compte que je n’étais pas fait pour avoir un patron. Je suis donc allé voir la mairie de mon arrondissement avec mes dessins sous le bras et je leur ai dit : “Je n’ai pas d’argent mais j’aimerais monter ma boîte”. Ils m’ont orienté vers un organisme qui m’a aidé à élaborer un business plan et à réaliser une simulation financière. Grâce à ça, j’ai commencé avec un micro-crédit, sans apport, en travaillant depuis ma chambre, chez mes parents. Tout en étant cuistot pendant deux ans avant de travailler pour une marque de bijoux fantaisie, j’ai monté ma boîte et au bout de quatre années et j’ai pu ouvrir ma première boutique à Voltaire et enfin prendre mon premier apprenti.
Comment est née l’envie de lancer votre marque ?
J’aime être libre dans mes choix et je n’aime pas qu’on me dise quoi faire. Alors lancer ma propre marque était un peu une évidence pour moi. J’ai besoin de liberté pour faire ce que je fais : pour créer, il faut être libre.
Le style des bijoux Tant D’Avenir
Quelles sont vos inspirations ?
Je faisais partie d’un groupe de skate avec lequel on traînait souvent place d’Italie dans le 13e arrondissement puis vers Gare de Lyon, ou dans le 5e et aussi à Bastille. J’ai passé beaucoup de temps sur ma planche à arpenter les rues, les yeux rivés sur l’architecture haussmannienne, ses colonnes et ses façades inspirées du style gréco-romain, ce qui a fortement influencé mes premières pièces. Au fur et à mesure, mes inspirations ont ensuite évolué et chacune de mes collections est construite autour d’un thème différent qui me sert de fil rouge. Si l’architecture reste pour moi une source d’inspiration majeure, d’autres influences viennent s’y ajouter : l’histoire de la mode, bien sûr, le cinéma, la musique, mais aussi la peinture et la sculpture. L’impulsion créative peut vraiment me venir de partout.
“Je souhaite que mes créations intègrent la vie des gens, qu’elles deviennent personnelles à chacun.”
Quentin Pontonnier
Comment décririez-vous le style de vos collections ?
Tout d’abord unisexe. Même si tout part de l’architecture, soit quelque chose de visuellement très concret, je me concentre ensuite sur des formes beaucoup plus abstraites et aussi sur le choix des pierres, qui reste pour moi primordial.
Que voulez-vous transmettre à travers vos bijoux ?
Je veux vraiment transmettre cette notion de savoir-faire, que ce soit dans le design, dans les épaisseurs ou dans les pierres. On a tous des bijoux qui font partie de nous, qui nous ont été donnés ou qu’on a achetés. Je souhaite que mes créations intègrent la vie des gens, qu’elles deviennent personnelles à chacun. Ce petit bijou qu’on porte tout le temps, qu’on enlève très rarement, qui est pour nous un métal précieux, qu’on transmet, qu’on offre à sa fille, qu’on donne à quelqu’un qu’on aime. C’est un peu ça le goal, je trouve. Je voudrais que mes bijoux traversent les âges.
Depuis que vous avez lancé votre marque, avez-vous vécu un moment dont vous êtes particulièrement fier ?
J’ai lancé ma marque il y a environ 10 ans, ce qui commence à faire un petit bout de temps et j’ai donc énormément de souvenirs mémorables. Parmi eux, quand j’ai déménagé mon atelier de ma chambre à ma première boutique, quand j’ai eu mon premier apprenti, la première fois qu’on a fait une couverture de magazine, d’album, la première fois que j’ai vu mes pièces sur une célébrité… Même si mon plus beau souvenir, reste sans doute celui où, pour la première fois, j’ai croisé une personne inconnue dans la rue, qui portait une de mes créations. C’était fou.
En tant qu’entrepreneur, quel est le plus gros challenge auquel vous êtes confronté ?
Ces dernières années, en tant qu’entrepreneur, d’autant plus dans la mode, c’est assez compliqué. Après le Covid et les guerres, toutes les matières premières ont augmenté. Mais on fait face ! C’est difficile d’être une petite marque et de se confronter à de gros groupes, difficile de grossir. Il faut sans arrêt faire du contenu sur les réseaux sociaux et ça coûte une fortune. Puis tout faire fabriquer en France coûte également extrêmement cher… C’est du plein temps, jour et nuit, ce qui n’est pas forcément négatif, en tout cas pour moi, car mon travail est devenu mon style de vie et je l’aime ainsi.
Tant D’Avenir, 44 rue Albert Thomas, Paris, France 75010.