Desire, I Want to Turn Into You de Caroline Polachek
La chanteuse américaine Caroline Polachek a choisi le jour de la Saint-Valentin pour dévoiler son nouvel album, Desire, I Want to Turn Into You. Une date qui fait sens tant l'auteure-compositrice de 38 ans sait enflammer nos cœurs. Ce disque onirique, annoncé par les très réussies Bunny is a Rider et Welcome to my Island offre de nouveaux morceaux de pop synthétique, ambitieuse et aventureuse, ainsi qu'un titre en collaboration avec Grimes et la chanteuse des années 2000 Dido. On pense souvent à Suzanne Vega, à EBTG, aux Cocteau Twins et à Enya, même si Caroline Polachek parvient toujours, grâce à sa voix spectaculaire, à façonner des chansons qui ne ressemblent qu'à elle. Celle qui a collaboré avec Redcar, Beyoncé, Charli XCX et Sébastien Tellier confirme ainsi tout le bien que l'on pensait d'elle avec ce successeur inspiré et osé (on y entend de la cornemuse, de la jungle et de la guitare acoustique) de l'excellent Pang (2019) qui parle des turpitudes de l'amour et du désir. (VS)
Desire, I Want to Turn Into You (2023) de Caroline Polachek, disponible.
Did You Know That There's a Tunnel Under Ocean Blvd de Lana Del Rey
Le neuvième album de Lana Del Rey, Did You Know that There's a Tunnel Under Ocean Blvd, sorti le 24 mars 2023 redonne envie d'aimer follement la chanteuse. L'Américaine dévoile sur ce disque des chansons sensuelles, vulnérables, douces-amères et intranquilles qui révèlent pleinement leur intensité, leur beauté et leur complexité au fur et à mesure de leur écoute. Mieux, la star de la pop-folk impressionne avec ses sonorités trap, jazz, folk ou gospel, ses auto-références subtiles à sa discographie (elle reprend son titre Venice Bitch sur le morceau Taco Truck x VB) et ses invités inattendus comme la rappeuse canadienne Tommy Genesis. Grande poétesse, la chanteuse évoque à travers des textes aux airs de haïkus, la famille, la mort, la spiritualité, la guérison ou l'amour, avec des formules qui touchent en plein cœur, Elle s'éloigne ainsi des images d'Épinal de l'Amérique des gangsters et des starlettes pour retranscrire des souvenirs et des émotions à la fois intimes et universels. Avec ses nouvelles chansons bouleversantes, Lana Del Rey a regagné son trône (celui sur lequel elle était assise dans le clip de Born to Die) et sa couronne de fleurs. Mais cette dernière comporte bien plus d'épines et beaucoup moins de plastique que celle qu'elle arborait autrefois. (VS)
Did You Know That There's a Tunnel Under Ocean Blvd (2023) de Lana Del Rey, disponible.
Scarlet de Doja Cat
Après une performance à couper le souffle aux MTV VMAs 2023, dans laquelle elle mettait en scène ses trois derniers morceaux - Attention, Paint the Town Red (l'un des tubes de l'année) et Demons -, Doja Cat a dévoilé en septembre 2023 Scarlet. On y retrouve de nombreux morceaux fascinants, notamment le lancinant Balut. Scarlet met en lumière les talents de rappeuse de l'Américaine. “Je suis nécessaire/Je suis compétitif, tu es incompétent/Je n'ai pas d'autre choix que de copier les grands, c'est ma stratégie/Mais attention, tu ne peux pas copier mes statistiques,” prévient-elle dans la chanson Balut. Une chose est sûre, Doja Cat a pleinement tourné une page de sa carrière et se révèle plus forte que jamais malgré les polémiques suscités par de virulents propos envers ses propres fans. (EC)
Scarlet (2023) de Doja Cat, disponible.
Madres de Sofia Kourtesis
Sorti le 27 octobre, le premier album de Sofia Kourtesis, Madres, n’est clairement pas passé inaperçu. Salué unanimement par la presse, ce disque à la pochette écarlate vaporeuse propose des compositions électroniques éminemment théâtrales pensées comme des collages. La musicienne d’origine péruvienne y mêle la frénésie des clubs et quelques éléments propres au huayno, musique traditionnelle du Pérou qui existait déjà à l’époque précolombienne. Aussi improbable que cela puisse paraitre, elle intègre le 7e art à ses morceaux. On y perçoit les drames de Pedro Almódovar, les contes occultes de Guillermo del Toro et, pour reprendre ses propres termes, “l’effet Waouh” du cinéaste allemand Wim Wenders. (AT)
Madres (2023) de Sofia Kourtesis, disponible.
Black Classical Music de Yussef Dayes
Un super album de jazz moderne résumé en un live vidéo de 33 minutes tout aussi splendide. Il est vrai que peu de batteurs du genre parviennent à s’imposer à ce point sur le devant de la scène… Si Yussef Dayes est tant respecté par ses pairs, c’est certainement parce que sa pratique ne se résume justement pas… au jazz. Du grime au funk des années 70, le collaborateur du pianiste Kamaal Williams (on retient le duo génial Yussef Kamaal formé en 2015) était bel et bien de retour en 2023 avec Black Classical Music, nouvel opus de 19 titres pensé comme un voyage spirituel. (AT)
Black Classical Music (2023) de Yussef Dayes, disponible.
Jaguar II de Victoria Monét
Nommée dans 7 catégories aux Grammy Awards 2024 dont “Meilleur enregistrement de l’année”, “Meilleur album de R’n’B” ou encore “Meilleure prestation R’n’B”, Victoria Monét est enfin reconnue à sa juste valeur. Son opus Jaguar II, suite directe de son album homonyme de 2020, est tout simplement un sans faute. Il faut dire que la compositrice de 34 ans est trop longtemps restée dans l’ombre : elle a produit les tubes de Chris Brown, Nas, Kendrick Lamar (Memories Back Then), du duo Chloe x Halle ou encore l’iconique Thank u, next d’Ariana Grande. (AT)
Jaguar II (2023) de Victoria Monét, disponible.
Lahai de Sampha
Collaborateur de Kendrick Lamar, Solange ou Frank Ocean, le pianiste londonien Sampha défendait cette année le lumineux Lahai, son second album studio, cinq ans après le succès de Process qui avait remporté, à l'époque, le Mercury Prize. Et dès les premiers extraits, Spirit 2.0 et Only, tout le monde est tombé amoureux de ce disque. Sampha y évoque autant les films du studio Ghibli qu’un océan endormi sous une nuit d'encre. Mention spéciale au titre Jonathan L. Seagull, hommage au roman Jonathan Livingston le goéland (1970) de Richard Bach. (AT)
Lahai (2023) de Sampha, disponible.
My Back Was a Bridge For You to Cross (2023) d'Anohni and the Johnsons
La géniale Anohni, prêtresse soul transgenre à l'origine d'Antony and the Johnsons, est de retour. Et en grande pompe. Sous le nom d'Anohni and the Johnsons, elle sort cette semaine l'envoûtant My Back Was a Bridge For You to Cross, sur lequel on trouve des merveilles de soul luxuriante et hantée tel que le single It Must Change, qui marche sur les traces de Marvin Gaye et d'Al Green. Avec sa voix d'ange écorchée, ses paroles engagées, ses clips aux airs de courts métrages et ses mélodies qui prennent aux tripes, Anohni and the Johnsons signe l'un des plus beaux projets de l'année. (VS)
My Back Was a Bridge For You to Cross (2023) d'Anohni and the Johnsons, disponible.
I Was Mature For My Age, But I Was Still A Child de Grouptherapy
Le quatuor de Los Angeles rappelle fortement le collectif Odd Future (Tyler, The Creator, Earl Sweatshirt, Syd, Frank Ocean…), notamment dans sa façon de défendre un rap alternatif qui se fiche éperdument des conventions. Grouptherapy refuse la simplicité et les top line mainstream et s’abandonnent plutôt à ce hip-hop sombre, un peu barré, fait d'étranges synthétiseurs à l'agonie et de riffs de guitares saturées. Jadagrace, KOI, TJW et RHEA ont dévoilé fin juin I Was Mature For My Age, But I Was Still A Child, album de 16 titres qui se classe, pour Numéro, dans la liste des meilleurs disques de 2023. (AT)
I Was Mature For My Age, But I Was Still A Child (2023) de Grouptherapy, disponible.
Raven de Kelela
Sur son nouvel album, Raven, l’artiste américaine Kelela dévoile 15 titres aux sonorités presque célestes, semblant venir d’un autre monde. Envoûtante, elle l’était déjà sur Take Me Apart, son premier disque survenu en 2017. Depuis cette claque auditive, l’artiste de 39 ans s’était faite discrète à part des remix et quelques singles (Washed Away, 2020). Aujourd’hui, elle revient avec la fougue et l’intensité club qu’on lui connaissait sur des titres comme Happy Ending ou encore Bruises, autant qu’avec des ballades pop et soul plus vaporeuses (Missed Call, Holier). Avec ce second album solo, Kelela réussit à cristalliser tout ce que nous rêvons de trouver dans nos oreilles au réveil : une pop futuriste légèrement ponctuée de références techno et soul. (NM)
Raven (2023) de Kelela, disponible.
Praise a Lord Who Chews but Which Does Not Consume d'Yves Tumor
Deux ans après son brillant EP The Asymptotical World, le ténébreux Yves Tumor a dévoilé son nouvel album studio au titre à rallonge : Praise a Lord Who Chews but Which Does Not Consume; (Or Simply, Hot Between Worlds). L’artiste américain garde le cap et collabore avec Noah Goldstein – ingénieur de Kanye West aux manettes de l’opus My Beautiful Dark Twisted Fantasy (2010) et le producteur star Alan Moulder (Artic Monkeys, Depeche Mode, U2). Résultat : un album art rock à la fois merveilleux et terrifiant de douze titres qui révèlent la panoplie d’Yves Tumor… définitivement inarrêtable. Il réconcilie une bonne fois pour toutes les amateurs de R’n’B lancinant, les mélomanes en extase devant des guitares hurlantes et les esthètes à la recherche de “matières sonores” jusqu'alors abandonnée. (AT)
Praise a Lord Who Chews but Which Does Not Consume; (Or Simply, Hot Between Worlds) (2023) d'Yves Tumor, disponible.
Les autres meilleurs albums de 2023 :
New Blue Sun d'André 3000
Heaven Knows de PinkPantheress
Red Moon in Venus de Kali Uchis
God Games de The Kills
The Land is Inhospitable and So Are We de Mitski
Internal Affairs (2023) de Buzzy Lee
Blonde Venus de Sam Quealy
Where’s the Light de Joanna
Dernier orage d’Eloi
Falling or Flying de Jorja Smith
Everything is alive de Slowdive
Sincèrement d’Hamza
Javelin de Sufjan Stevens
Cat Power Sings Dylan: The 1966 Royal Albert Hall Concert de Cat Power
Endless Summer Vacation de Miley Cyrus
I Killed Your Dog de L'Rain
Guts d'Olivia Rodrigo
Elowi de Yamê