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20

Sleep : le meilleur film d’horreur du moment sort en salle

Cinéma

Grand Prix du Festival du film fantastique de Gérardmer, Sleep, du réalisateur sud-coréen Jason Yu, nous plonge dans la chambre d’un couple dont la routine est bouleversée par le somnambulisme du mari. Dans son sommeil, il se transforme en monstre incontrôlable. En salle le 21 février.

Jung Yoo Mi (à gauche) et Lee Sun Gyun (à droite) dans “Sleep”, le premier long-métrage de Jason Yu.

Sleep de Jason Yu, récompensé par le Grand Prix du Festival du film fantastique de Gérardmer

 

En ce mercredi 31 janvier, les cinéphiles retardataires sont bien en peine. Plus un seul siège libre dans la salle Henri-Langlois, le plus grand espace de la Cinémathèque française. Et pour cause,  ce soir l’organisme privé diffuse Sleep, le premier long-métrage du cinéaste sud-coréen Jason Yu, 34 ans, récompensé par le Grand Prix du Festival du film fantastique de Gérardmer quelques jours plus tôt. Les plus chanceux avaient déjà eu l’occasion de découvrir cette œuvre à la croisée des genres – de l’angoisse pure à la comédie noire jubilatoire – lors de la Semaine de la critique du Festival de Cannes. Mais il en était malheureusement reparti bredouille. 

 

Quelques minutes avant la diffusion, la Cinémathèque s’autorise une introduction bienvenue : “Avec Sleep, Jason Yu propose une chronique conjugale sombre, et verse dans la description clinique – et terrifiante – des troubles du sommeil. En filigrane, le conflit entre la raison et l’omniprésence de certaines forces occultes.” Car le Sud-Coréen nous invite dans le foyer d’un couple de trentenaires dont le quotidien est bouleversé par le brusque somnambulisme du mari. Dès le coucher du soleil, chaque nuit devient un enfer. Sa femme, terrorisée, tente alors par tous les moyens de le protéger – l’homme se mutilant malgré lui – , et surtout de mettre leur nourrisson à l’abri. Mais cette mission délicate la plonge à son tour dans l’insomnie…

 

Jason Yu, 34 ans, a véritablement découvert le 7e art pendant ses années de service militaire. Il reprendra d’ailleurs ses études de cinéma dans la foulée et commencera à tourner à son tour ses propres courts-métrages. Il devient alors l’assistant du réalisateur Bong Joon-ho qui a d’ailleurs lu le script de Sleep et découvert la première version du montage. Ce long-métrage s’inspire de l’expérience personnelle de Jason Yu pusique le Coréen a rencontré des problèmes de ronflements ainsi que des apnées du sommeil qui gênaient grandement sa propre femme… Comme il le confesse au journaliste Marc Godin dans le magazine Technikart : “Bong Joon-ho m’a dit de ne jamais raconter aux journalistes comment j’interprétais la fin du film.” 

Sleep (2024) de Jason Yu, bande-annonce.

Un thriller psychologique percutant 

 

Qu’on se le dise, avec ce film plutôt court (une heure trente-cinq) à l’efficacité diabolique, Jason Yu réussit clairement son pari. Ce quasi-huis clos permet au cinéaste de dérouler son propos sans fioritures tout en s’autorisant plusieurs effets horrifiques attendus mais jamais excessifs. Pour preuve, la paranoïa grandissante des personnages est servie par une photographie assez froide qui rappelle tout autant le Parasite de Bong Joon-ho – sans que Jason Yu n’atteigne évidemment sa maestria –, que le Swallow de Carlo Mirabella-Davis. En 2019, ce réalisateur new-yorkais présentait lui aussi un premier long-métrage, mais cette fois au festival du film américain de Deauville. Inspiré de la vie de sa propre grand-mère, son Swallow dépeignait la détresse d’une femme au foyer atteinte de la maladie de Pica, un trouble du comportement alimentaire qui la poussait à ingérer des substances non comestibles jusqu’à détruire son corps et son couple… Le film avait d’ailleurs décroché le Prix Spécial du festival.
 

Même si Sleep n’a rien d’un chef-d’œuvre absolu, il n’en demeure pas moins un thriller psychologique percutant. Car à Séoul, le foyer rassurant se mue chaque soir en piège inextricable et l’épouse dévouée finit inévitablement par craindre son propre mari qui, jusque-là, lui tenait lieu de protecteur. L’angoisse est partout. Et tout le temps. Et le monstre, dans la pure tradition du “genre lycanthropique”, détruit et dévore malgré lui. On ne connaissait qu’un court-métrage à Jason Yu, The Favor (2018), on attend avec impatience son prochain long.
 

Sleep de Jason Yu, Grand Prix du Festival de Gérardmer 2024.

En salle le 21 février.