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Numéro
30

Sacrifices, monstres, cannibalisme : 7 peintures aux histoires cauchemardesques

Art

L'histoire de l'art recèle de secrets aussi terrifiants que morbides. Artistes fous ou maudits, peintures hantées, crimes sanguinolents… Pour célébrer Halloween, Numéro vous fait découvrir sept œuvres aux légendes cauchemardesques.

Pieter Brueghel l'Ancien, "Le Triomphe de la Mort” (1562).

La guerre entre les vivants et les morts de Peter Brueghel l'Ancien

 

Au Moyen-Âge, la représentation du Jugement Dernier devient pour de nombreux artistes l'occasion de représenter des scènes aussi morbides que terrifiantes – afin de terrifier les fidèles et de les inciter à respecter les vertus chrétiennes. Il faut dire que, face à une œuvre telle que Le triomphe de la mort de Pieter Brueghel l'Ancien (1525-1569), la mise en garde semble en effet plus efficace que quelques sermons prononcés lors de la messe. 

 

Réalisée en 1562, la peinture nous plonge dans une vision post-apocalyptique dont chaque détail nous enfonce toujours un peu plus dans l'horreur. Dans ce chaos se dessine une guerre entre les vivants et les morts : encerclés d'une armée de squelettes, les humains prennent la fuite vers la seule issue possible, un large coffre orné d'une croix… sans savoir qu'une horde de démons les y attend, prêts à les enfourcher avec leur faux. 

 

Peu importe son statut social, chacun succombe à la menace de la Mort, sans distinction de classe. Ainsi un roi, étendu en bas à gauche du tableau, se fait-il dépouiller de son or, un squelette agitant près de sa tête un sablier. Tandis qu'un peu plus loin sur la droite, un festin vient d'être interrompu par ces envoyés des Enfers qui ont laissé un drôle de mets sur la table : un crâne servi sur un plateau en argent. Sans mentionner les nombreux corps égorgés, noyés, fauchés ou brûlés qui gisent ci et là de la toile… Brueghel l'Ancien dépeint une guerre sans merci, dont le titre nous indique le funeste gagnant. 

 

 

Lavinia Fontana, "Portrait d'Antonietta Gonzalez" (1552).

La curieuse histoire d'Antonietta Gonzalez 

 

Ce portrait a de quoi hérisser les poils : peint en 1552 par Lavinia Fontana (1552-1614), il représente une certaine Antonietta Gonzalez, enfant de la cour de France atteinte d'hypertrichose, affection responsable d'une augmentation de la pilosité généralisée ou localisée. Encore inconnue au 16e siècle, cette maladie attire toutes les curiosités des cours européennes qui ont fait du père de cette petite fille, Pedro Gonzales, une véritable bête de foire.

 

Né en 1535 aux Canaries, ce dernier a été vendu au prix fort par sa famille à l'âge de dix ans à des nobles espagnols, fascinés par son apparence poilue semblable à celle d'un animal. Il est alors transporté dans une cage et offert au roi de France, qui l'enferme dans un donjon pour le faire ausculter par tous les scientifiques de l'époque, qui concluent à une étrange maladie. Prise de compassion, Catherine de Médicis lui prodigue la même éducation que ses fils et l'offre quelques années plus tard en mariage à une jeune courtisane, Catherine Raffelin (qui le découvre le jour de leur fiançailles), avec laquelle il aura sept enfants, dont quatre seront atteints par la même maladie, à l'image de sa fille Antonietta Gonzalez.

 

Mais, à la mort de la reine de France en 1589, la famille plonge en disgrâce et s'exile en Italie, sous la tutelle du duc Ranuce de Farnèse, qui les sépare en les donnant à des ducs et duchesses italiens qui en font, à nouveau, des objets de curiosité. Offerte à Isabella Pallavicina, la jeune Antonietta est alors scrutée par de nombreux courtisans, dont la peintre Lavinia Fontana, qui livre ce délicat portrait à la postérité. Et, si leur vie a été plus ou moins documentée, les circonstances et la date de la mort des membres de cette étrange famille reste encore aujourd'hui un mystère…

 

 

Jan de Baen, “Les cadavres des frères De Witt” (1672-1675).

Le terrible lynchage des frères De Witt 

 

Semblables au célèbre Bœuf écorché peint par Rembrandt une dizaine d'années plus tôt (1655), les corps éventrés des Cadavres des frères de Witt réalisés par le Néerlandais Jan de Baen (1633-1702) au début des années 1670 est une merveille d'horreur – tout autant que l'histoire qui se cache derrière. 

 

À cette période, les Pays-Bas traversent une crise politique sans précédent : alors que le prince Guillaume d'Orange est seulement âgé de trois ans à la mort de son père en 1650, Cornelis de Witt, gouverneur des Provinces-Unies, prend pendant près de vingt ans les rênes du pouvoir, soutenu par son frère Johan. Mais, en 1672, la France et l'Angleterre envahissent le pays : le futur roi Guillaume III a alors atteint sa majorité et revendique son titre, auquel Cornelis s'oppose farouchement. Accusé de conspiration, ce dernier est emprisonné : alors que son frère Johan lui rend visite, une foule enragée les arrache de prison et s'adonne à un lynchage sans précédent. 

 

Tenus pour responsables des malheurs qui ont touché les Pays-Bas cette année-là, les de Witt sont alors traînés au sol, avant d'être dénudés et pendus par les pieds, puis sauvagement poignardés et éventrés… Sous le pinceau de Jan de Baen, toute l'horreur de la scène se ressent encore aujourd'hui, le sang de leurs plaies dégoulinant jusque sur leur tête et leurs mains, totalement ensanglantée. En bas à droite de la toile, un passant effrayé tend sa torche pour découvrir la scène, mettant la lumière sur les effroyables cadavres des frères de Witt.

 

 

Francisco de Goya, “Saturne dévorant un de ses fils” (1819-1823).

La vision sanguinolente des mythes grecques de Francisco de Goya 

 

S'il s'agit probablement de l'une des œuvres les plus terrifiantes de l'histoire de l'art, le thème de cette peinture de Francisco de Goya puise dans un mythe grec aux détails bien moins monstrueux. Effrayé par une prophétie selon laquelle ses enfants le détrôneraient, Cronos (Saturne dans la mythologie romaine) est alors pris d'une folie meurtrière et décide d'engloutir sa descendance sauf un, qui lui échappe : Zeus

 

Ce dernier sauvera par la suite ses frères et sœurs, recrachés par leur père. Or, ici, le tableau du peintre espagnol ne permet pas cette fin, représentant Cronos en train d'arracher le bras de l'un de ses fils, après avoir dévoré sa tête et son autre bras. Recouvert de sang, le corps inerte de sa victime est pressé entre ses mains puissantes, qui ne semblent ainsi lui laisser aucune opportunité de s'échapper. 

 

Autre détail frissonnant : Goya n'a pas réalisé cette toile dans le cadre d'une commande mais bien pour lui-même. Il souhaitait en effet accrocher cette peinture de Saturne dévorant l'un de ses fils dans sa propre maison – plus exactement dans sa salle à manger. De quoi se demander ce que la toile pouvait bien inspirer comme festin à ses invités… Appétissant, non ?

William Blake, “Le grand Dragon Rouge et la Femme vêtue de Soleil” (1803-1805).

Les démons qui hantent les œuvres de William Blake

 

Poète et dessinateur prolifique, William Blake (1757-1827) s'est construit sa propre mythologie. Fasciné par le mystique, l'artiste britannique doit ses représentations fascinantes à ses nombreuses visions surnaturelles, qui lui inspirent autant de monstres qui empruntent à la fois à des épisodes mythologies et bibliques. 

 

Si son œuvre effraye ses contemporains, les peintres romantiques qui lui succèdent seront quant à eux captivés par ses dessins à l'encre et à l'aquarelle, à l'image de sa série de quatre œuvres sur Le grand dragon rouge, réalisée entre 1803 et 1810 et destinée à illustrer des livres de la Bible. Mélange entre la fantaisie de l'artiste et les descriptions de la Bête de l'Apocalypse par Saint Jean, le monstre de William Blake déploie ses ailes menaçantes et son corps musculeux au dessus d'une femme effrayée, allongée à des pieds.

 

Représenté de dos, cet étrange dragon laisse à l'imagination de chacun le loisir d'inventer son visage à partir de ses cornes, ses ailes et sa queue associées à des jambes humaines. Tout au long de sa vie, l'artiste britannique continuera de dépeindre de nombreux monstres sortis de son imagination, probablement inspirés par ses visions surnaturelles…

 

 

Théodore Géricault, “Têtes coupées” (1818).

La fascination de Théodore Géricault pour les cadavres

 

Si Théodore Géricault (1791-1824) effraya ses contemporains par sa représentation terrible du drame du Radeau de la méduse (1818-1819), les nombreuses études que l'artiste réalise en amont de sa réalisation sont encore plus épouvantables tant elles ne laissent que peu de place à l'imagination. En effet, pour dépeindre les horreurs du tragique naufrage de la frégate de la Méduse au large de Mauritanie en 1816, l'artiste français se rend dans de nombreuses morgues afin d'y étudier en détail les cadavres qui y sont conservés. 

 

Putréfaction, peau bleue et déchiquetée, globes oculaires jaunis… Rien n'échappe au pinceau de Géricault, qui capture chaque détail putride sur lesquels se pose son regard aiguisé. La rumeur voudrait même que ce dernier ait possédé plusieurs corps dans son propre atelier, afin de pouvoir les observer en toute intimité… En ressortent des peintures pour le moins répugnantes, à l'image de ses Têtes découpées, peintes en 1818. 

 

Victimes d'une condamnation à mort par guillotine, ces deux malheureux trônent sur un drap ensanglanté, représentées par l'artiste dans un cadre serré offrant à nos yeux moult détails – un cou à la chair ciselée, une bouche entrouverte, un regard figé par la douleur… Théodore Géricault n'omet rien, et représente également dans une autre toile intitulée Morceaux anatomiques ce qui semble composer le reste du corps de ces cadavres, dans un amas de jambes et de bras coupés et empilés les uns sur les autres, dont les nerfs et les os sont ici laissés apparents. 

 

 

Bill Stoneham, “The Hands Resist Him” (1972). © Wikicommons, DR

Morts subites et hallucinations : le tableau hanté de Bill Stoneham

 

Réalisé en 1972 par le peintre américain Bill Stoneham (né en 1947), ce tableau intitulé The Hands Resist Him fait froid dans le dos. Devant une porte-fenêtre, deux enfants nous font face : un petit garçon au regard perdu dans le vide, à côté duquel une étrange fillette, sans yeux et semblable à une poupée, se tient, une bombe entre les doigts. Derrière eux, des étranges paires de main grattent la vitre, noyées dans une terrifiante obscurité. 

 

Mais l'histoire de ce tableau est encore plus étrange : trois hommes liés de près ou de loin au tableau décèdent à quelques années d'intervalle, parmi lesquels l'acteur John Marley, premier propriétaire de l'œuvre, suivi par un critique d'art auteur d'un texte sur celle-ci, puis par le galeriste qui l'avait exposé pour la première fois. Après quelques décennies dans l'oubli, la toile refait surface après avoir effrayé son nouveau couple de propriétaire dont la petite fille de quatre ans se plaint d'avoir aperçu le petit garçon dans sa chambre à plusieurs reprises. 

 

Ces derniers décident alors de la mettre en vente sur la plateforme en ligne Ebay au début des années 2000. Mais de nombreux internautes se plaignent d'entendre des voix et de subir de nombreuses hallucinations à la vue du tableau sur le site… L'œuvre est finalement achetée par un galeriste du Michigan, qui le conserve encore aujourd'hui à l'abri des regards.