Issy Wood, “Excuse me / your life is waiting” (2019). © Issy Wood 2023, courtesy the artist; Carlos/Ishikawa, London; Michael Werner Gallery, New York; and Collection of Sifang Art Museum, Nanjing. Photographer: Stephen James.
L'artiste Issy Wood, peintre d'un monde intime et imparfait
En quelques années seulement, Issy Wood s’est affirmée comme une des peintres figuratives à suivre, dont l'œuvre synthétise de nombreuses préoccupations de sa génération. Née en 1993 aux États-Unis et depuis installée à Londres, où elle sort diplômée de l'université Goldsmiths et de la prestigieuse Royal Academy of Arts School, la Britannique passe à la loupe dans des œuvres au réalisme presque photographique des fragments d’un monde intime et domestique, enveloppé dans une palette de couleurs sourdes, des contours flous et effets de texture veloutée. Hyperproductive, la peintre consacre par exemple des séries de toiles à des services à vaisselle, des dents ou encore des autoportraits, autant de sujets qui lui permettent de traduire avec douceur une certaine angoisse de vivre, tout en faisant saillir les imperfections du monde. Également musicienne, l’artiste utilise ces différents médiums dans une forme de rébellion contre les diktats de notre époque, souvent teintée d’un humour grinçant.
Issy Wood à Lafayette Anticipations : une première exposition personnelle en France
Première exposition personnelle d'Issy Wood en France, “Study for No” réunit à Lafayette Anticipations une soixantaine d'œuvres récentes qui livrent un riche aperçu de sa pratique picturale. Au fil des salles, l'artiste britannique dévoile plusieurs de ses thématiques phares. Le corps, surtout féminin, souvent dépeint à travers des cadrages improbables voire gros plans peu flatteurs, ainsi que son propre visage, tantôt caché derrière des lunettes noires, recouvert de tranches de mortadelle, ou plaqué contre un miroir, dans une série de toiles imprégnées par son expérience de la dépression et des confinements. Les collections d'objets, ensuite, tels que la vaisselle en porcelaine, les horloges et autres canettes en nombre, qui tels des personnages de contes semblent prendre vie jusqu'à adopter une aura parfois menaçante. Et enfin, d'autres éléments familiers tels que des intérieurs de voiture à vêtements en vinyle, allégories de proches de l'artiste, ou encore des fragments de séries populaires, de Sex and the City aux Sopranos. Un corpus traversé par le passage silencieux du temps et dont émane, par sa cohérence formelle et thématique, une mélancolie proprement contemporaine.
L’œuvre choisie par l’artiste : quand la porcelaine envahit les placards... et la toile
Sur une grande toile carrée de deux mètres sur deux apparaît un riche service à vaisselle en porcelaine. Tasses et soucoupes, beurriers et sucriers, assiettes et autres pichets… Alignés de façon presque symétrique, ces objets occupent l'intégralité la toile de bas jusqu’en haut où apparaît, en arrière-plan, le bas d’un visage chérubin souriant tronqué par le cadrage. Alors, le drap bleuté qui se dessinait derrière la vaisselle devient à nos yeux l’hypothétique vêtement d’une figure angélique mystérieuse dont on ne pourra jamais voir l’identité, perdue derrière ces précieux artefacts. Inspirée par les placards de sa grand-mère, collectionneuse assidue de porcelaine, l'artiste illustre dans cette œuvre un souvenir familial autant qu'elle met en avant la puissance de ces objets qui, selon elle ont protégé sa grand-mère lors des épreuves qu'elle a traversées – notamment son divorce. Au-delà cette dimension réconfortante, la collection dégage également, par l'échelle et la quantité de porcelaine envahissant la toile, une aura plus inquiétante.
Les mots d'Issy Wood
“Cette image est ma préférée de l’exposition. Sans doute parce que la première fois que je l’ai montrée c’était à Paris, avant la pandémie. C’était l’une de mes premières Porcelain paintings, mais l’arrière-plan le rappelle aussi mes toutes premières œuvres. Comme si je disais à la version plus jeune de moi : “Je me souviens de toi, tu m’as aidée, mais nous avons toutes les deux changé maintenant.”
L’œuvre de la semaine est à voir dans l’exposition “Issy Wood. Study For No”, jusqu’au 7 janvier 2024 à Lafayette Anticipations, Paris 4e.
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