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Numéro
26

Tout savoir sur Françoise Pétrovitch, l'artiste qui poétise l'adolescence

Art

Chaque semaine, Numéro décrypte le travail d'un artiste contemporain exposé actuellement. Ici, focus sur l'artiste française Françoise Pétrovitch, peintre et sculptrice de l'intime et du rêve, à l'affiche jusqu'au 9 mars d'une exposition à la galerie Sémiose.

Portrait de Françoise Pétrovitch au Musée de la vie romantique. Photo : Hervé Plumet.

L'artiste Françoise Pétrovitch, peintre de l'intime et du rêve

 

Peintre de l’intime, Françoise Pétrovitch déroule depuis une trentaine d’années un univers poétique où le familier s’approche des portes de l’onirisme, si ce n’est de l’étrange. Si l’artiste française née en 1964 s’illustre aujourd’hui dans différents médiums, de la céramique à la lithographie en passant par la sérigraphie et la gravure, le dessin et la peinture forment la pierre angulaire de sa pratique et posaient dès les années 90 les jalons du style qui la caractérisent : des traits fins et doux, des aplats et contrastes colorés – les teintes sont parfois vives, mais jamais agressives, éclairées par des espaces laissés vierges –, et l’application de lavis d’encre et de peinture à l’huile, qui confèrent aux silhouettes une élégante fluidité. Des jeunes filles et jeunes hommes rêveurs aux lapins, oiseaux chanteurs, papillons, chiens sauvages et autres animaux espiègles, les sujets récurrents de l’artiste parlent souvent de l’enfance et l’adolescence, de l’oisiveté, mais aussi du rapport au corps, à l’intimité et à la féminité. 

 

Souvent inspirées par la littérature, d’Edna O’Brien à Marguerite Duras, ses œuvres s’apparentent à des morceaux de contes qui forment ensemble une narration émouvante, ponctuée de touches d’humour. Certaines adoptent également un aspect plus sombre, à l’instar de sa série des Nocturnes, où des enfants dissimulent leurs visages derrière des masques légèrement inquiétants. Une ambivalence qui n’est pas sans rappeler l’œuvre de ses aînées Annette Messager et Louise Bourgeois, dont l’œuvre joue elle aussi avec les symboles enfantins pour composer un imaginaire aux confins du rêve et du cauchemar. Ces dernières années, l’artiste a exposé au Louvre-Lens, au musée de la Vie romantique ou à la Bibliothèque nationale de France, et même collaboré avec la maison Dior en 2022.

  • Françoise Pétrovitch, “Aveuglé” (2023).

  • Françoise Pétrovitch, “Sans titre” (2023).

  • Françoise Pétrovitch, “Sans titre” (2023).

  • Françoise Pétrovitch, “Sans titre” (2023).

Photo : A. Mole. Courtesy Semiose, Paris.

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Françoise Pétrovitch à la galerie Sémiose : une exposition sur la solitude adolescente

 

Réunissant une quinzaine d’œuvres inédites, la nouvelle exposition de Françoise Pétrovitch à la galerie Sémiose se concentre sur une œuvre centrale : une sculpture en bronze, intitulée Dans mes mains. Autour d’elle, les nouvelles peintures réalisées par l’artiste française continuent d’explorer sa thématique favorite, le passage de l’enfance à l’âge adulte. Alanguis ou accroupis, absorbés dans leurs téléphones ou le visage plongé dans leurs mains, ces adolescents aux corps isolés dans des lavis d’encre verte ou grisâtre incarnent ensemble une forme de nonchalance, d’ennui mais aussi de candeur, qui confinent à l’expression d’une mélancolie contemporaine – celle d’une génération en proie au doute face aux affres de notre époque. Outre ces personnages, le corpus dévoilé par la peintre se complète ici de plusieurs paysages, tels qu’une île peuplée d’une forêt de cèdres qui, grâce à la liquidité de son trait, pourrait bien être le mirage d’une nature imaginaire.

  • Françoise Pétrovitch, “Dans mes mains” (2023).

  • Françoise Pétrovitch, “Dans mes mains” (2023).

  • Françoise Pétrovitch, “Dans mes mains” (2023).

  • Françoise Pétrovitch, “Dans mes mains” (2023).

Photo : A. Mole. Courtesy Semiose, Paris.

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L’œuvre choisie par l’artiste : une fillette ambiguë sculptée dans le bronze

 

Au cœur de la galerie Sémiose, une sculpture grise en bronze étonne par son ambiguïté. À taille humaine, le corps accroupi d’une jeune fille enserre de ses mains celui d’un oiseau étendu au sol. Est-elle en train de le ramasser après une mauvaise chute, ou une mort soudaine ? Est-elle en train de le caresser, ou bien de l’étouffer, comme semblent l’indiquer ses mains placées autour du cou de l’animal et du bas de son ventre ? Difficile de connaître les intentions de ce personnage dont le visage reste dissimulé derrière sa longue chevelure. Absorbée dans son activité, la fillette évoque aussi bien une scène de genre – il pourrait s’agir là d’une chasseuse avec son gibier – qu’une forme de solitude et de mélancolie, à la manière du fameux Penseur de Rodin. Ici toutefois, l'artiste laisse apparaître sur le bronze les traces de ses doigts, mettant en exergue toute la beauté du geste créateur.

 

 

Les mots de Françoise Pétrovitch

 

Dans mes mains est ma dernière sculpture en bronze. Les précédentes rapprochaient déjà deux éléments : un garçon avec une poupée ou une fille avec un os démesuré dans la bouche. Dans ces “duos”, une tension se joue, une relation inattendue se noue et révèle des perspectives narratives dans lesquelles le spectateur peut faire son chemin. Ici, la figure féminine est dissimulée sous une cascade de cheveux, dégoulinante comme de l’eau. En l’absence de visage, toute la tension se reporte dans le geste envers l’oiseau, autour duquel s’organise la sculpture. La scène est intense mais aussi tronquée : l’évènement est passé, l’action est close. Le bronze fige le geste dans sa masse dense, sombre, aux reflets métalliques. Si au premier abord, la figure ne donne à voir que ses cheveux, à mesure qu’on la contourne, on découvre les chaussures à talons : ils incarnent les attributs d’une féminité conquérante. Conquérante et saisissante aussi, parce que ses proportions sont plus grandes que nature. Dépliée, sa taille dépasserait celle du spectateur.”

 

“Françoise Pétrovitch. Dans mes mains”, exposition jusqu’au 9 mars 2024 à la galerie Sémiose, Paris 4e.

 

 

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