Sorti en France en septembre dernier et aux États-Unis il y a quelques jours, le film Dune de Denis Villeneuve domine actuellement le box-office mondial. Pour son dernier film, le cinéaste canadien s’est inspiré du cultissime roman de science-fiction éponyme écrit par l’Américain Frank Herbert en 1965. Au sein d’un vaste empire s’étendant sur une multitude de planètes, un empereur despotique et jaloux orchestre une guerre fratricide entre les maisons rivales, en envoyant ses ennemis sur une planète qui n'est autre qu'un vaste et dangereux désert exploité pour la précieuse substance qu’il renferme, l’épice. Classique incontesté de la SF, l’ouvrage fascinant a déjà inspiré de grands cinéastes du XXe siècle, mais pas toujours avec le même succès. Car si l’adaptation de Denis Villeneuve connaît actuellement tous les suffrages, il n'en a pas été autant pour Alejandro Jodorowsky dans les années 70. Unique vestige de son projet avorté, le story-board de son adaptation cinématographique du roman, la première de son histoire, débarque aux enchères chez Christie's à Paris le 22 novembre.
Financé par John Lennon et Yoko Ono, le précédent film de l’artiste et réalisateur franco-chilien La Montagne Sacrée était déjà une prouesse fantastique. Tourné au Mexique, le film plonge dans un univers futuriste riche de fantastiques paysages et peuplé de sorciers venus d’autres galaxies, particulièrement empreint du goût pour l’ésotérisme et le mysticisme de son auteur. Fort de cette réussite, Alejandro Jodorowsky se met en tête en 1973 d’adapter au cinéma pour la première fois le célèbre roman de Frank Herbert, sorti huit ans plus tôt. Pharaonique, Dune promet déjà de marquer l'apogée de sa carrière, avec Orson Welles, Salvador Dalí, Mick Jagger et Alain Delon annoncés au casting, Pink Floyd, Tangerine Dream et Magma à la musique et l’auteur de bande-dessinée français Moebius (Jean Giraud) aux costumes.
Accompagné du producteur français Michel Seydoux, Alejandro Jodorowsky part aux États-Unis en quête de financements, car le projet monumental requiert un budget colossal. Dans leurs valises, les deux hommes emportent leur précieux story-board afin de séduire les plus grands studios américains. Malgré l’originalité du projet, les producteurs américains sont frileux devant les sommes qu’ils devront avancer pour sa réalisation. Alors, faute de financements, le projet grandiose est malheureusement abandonné en 1977, après cinq années de travail pendant lesquelles aucune séquence n’a eu le temps d’être tournée. Suite à ce projet, Dune décourage de nombreux cinéastes. Ce n'est que dix ans plus tard, en 1984, que l’Américain David Lynch propose son adaptation du roman, recevant un un mauvais accueil critique doublé d’un échec commercial cuisant. Pourtant, à mesure que le roman touche de nouvelles générations de lecteurs, le film devient culte au fil des décennies, réveillant par la même occasion la fascination pour la tentative d’Alejandro Jodorowsky.
En 2013, l'Américain Frank Pavich réalise un documentaire sur l’adaptation inaboutie du Franco-Chilien et remporte un franc succès auprès des fans de cette épopée manquée. Aujourd’hui, le story-board du projet est mis aux enchères par la maison Christie’s à Paris le 22 novembre prochain dans le cadre d'une vente de livres rares et manuscrits. Seul vestige de ce projet avorté, le précieux objet existe aujourd’hui en dix exemplaires seulement : comme une bande-dessinée, le document de travail comprend des centaines de dessins de Moebius de chaque plan et un découpage presque complet du film réalisé par Alejandro Jodorowsky. Vincent Belloy, spécialiste en charge de la vente, commente : “Le passage en vente d’un de ces exemplaires survivants est un événement majeur et une occasion extraordinaire pour les collectionneurs et les amateurs d’acquérir un document de légende dans l’histoire du cinéma.” Le lot est pour l’instant estimé entre 25 000 et 35 000 euros.
La vente du story-board de Dune aura lieu le 22 novembre prochain à la maison Christie's, Paris.
