Rencontre avec Emma Mackey, star de la série Sex Education et du film Emily
Ce mercredi 15 mars 2023, l’actrice franco-britannique Emma Mackey sera à l’affiche du film Emily, qui nous embarque dans l’Angleterre du début du 19e siècle. La star de Sex Education interprète la jeune écrivaine tourmentée par ses passions Emily Brontë. L’occasion de rencontrer cette étoile montante, effrontée et attachante, du cinéma.
par Camille Bois-Martin.
Emma Mackey, une actrice versatile, de Sex Education à Barbie
Difficile de trouver de nouvelles manières de présenter l’actrice franco-britannique Emma Mackey, à la une de la plupart des magazines internationaux et des dernières productions hollywoodiennes. Tout juste âgée de 27 ans, celle qui s’est fait connaître pour son rôle mémorable dans Sex Education en 2019, s’apprête à quitter la série à succès de Netflix pour se consacrer à de nouveaux rôles, qu’elle cumule depuis plusieurs années. Loin des cheveux roses et du look grunge de la rebelle Maeve, personnage phare de la série sur la sexualité des ados, la comédienne versatile revêt une crinoline pour jouer dans Eiffel en 2021 et une sulfureuse robe rouge sang lorsqu’elle incarne une meurtrière dans Mort sur le Nil, un an plus tard. Cette année, elle prête ses traits à l’écrivaine du 19e siècle Emily Brontë dans le film Emily, qui sort ce mercredi 15 mars 2023, avant d’apparaître bientôt dans le très attendu Barbie aux côtés de Margot Robbie – actrice à laquelle Emma Mackey a beaucoup été comparée… Quand on lui demande, lors de notre rencontre parisienne : « comment choisissez-vous vos rôles ?”, la Franco-Britannique répond avec humour “Au pif”. Avant d’ajouter : “si le scénario me parle, qu’il s’aligne avec qui je suis, j’accepte. Je marche un peu au coup de cœur.”`
Emma Mackey en Emily Brontë dans le film Emily
C’est d’ailleurs sans doute un coup cœur que les spectateurs ressentiront devant Emily. Filmée par la réalisatrice australienne Frances O’Connor – qui signe son premier long-métrage –, Emma Mackey est envoûtante dans son rôle de jeune écrivaine marginale, incapable de se fondre dans les carcans que la société anglaise de la fin du 19e siècle lui impose.
Son visage, souvent filmé de très près, occupe la majeure partie du film : heureuse, inquiète, sérieuse, provocatrice, amoureuse, possédée… L’actrice développe toute une palette d’émotions, au gré de ses sourcils bruns foncés et de son regard intense. “C’était important pour moi de rendre ce personnage historique humain” explique-t-elle, “Frances et moi ne voulions pas faire d’Emily Brontë une sorte de statue ennuyeuse et intouchable.” La vulnérabilité qu’Emma Mackey parvient à insuffler à son personnage – qui n’est pas sans rappeler son rôle de dure à cuire au cœur d’artichaut dans Sex Education – rend Emily Brontë humaine, presque tactile et l’éloigne de sa célèbre figure gravée dans le marbre par l’Histoire. Car, si cette dernière a en effet bel et bien existé, la visée du film n’est pas de retracer sa biographie : “Ce n’est pas un biopic, je l’ai déjà dit beaucoup de fois” souligne l’actrice franco-britannique. “Plus tôt on réalise cela, mieux on peut suivre l’histoire qui doit être vécue.”
“Ce qui m’a séduit dans ce rôle ?” répète Emma Mackey, amusée. “Hmm… c’était il y a longtemps maintenant.” Il est vrai qu’elle a reçu le scénario d’Emily il y a déjà trois ans de cela, soit avant toutes ses autres grandes interprétations au cinéma. “À l’époque je n’avais encore jamais eu de rôle principal à proprement parlé, donc j’étais excitée à l’idée de vivre avec un personnage de manière aussi intense.” Pour se fondre dans la peau d’Emily, elle n’a eu en revanche que six semaines de tournage, enfermée avec les costumes et avec le reste du casting dans une maison du Yorkshire, comme la vraie famille Brontë.
L’autre point commun liant Emma Mackey à son personnage ? La littérature. Comme Emily Brontë, c’est une mordue de lettres – Bac L mention très bien, études en lettres classiques à l’université de Leeds… Totalement bilingue, elle lit depuis l’enfance des ouvrages en français et en anglais et cite même du Sartre en interview (“C’est l’existence qui précède l’essence”) pour décrire l’œuvre d’Emily Brontë, Les Hauts de Hurlevent (1847). Elle trouve d’ailleurs que les scènes de cours de français réunissant le personnage de William Weightman et d’Emily sont les plus intéressantes du film et des moments clé de leur relation.
« Dans Emily, je me suis vraiment mise à nu.«
Emma Mackey.
Une bulle littéraire hors du temps qui n’est pas sans rappeler sa propre bulle intime, hors des réseaux sociaux. Depuis six mois, Emma Mackey est en effet absente des plateformes comme Instagram, Twitter ou TikTok, qu’elle a décidé de quitter totalement. Très discrète, elle fuit les paparazzi et la presse people entre les villes de Londres et de Marseille, où elle partage sa vie. Alors, quand on lui demande comment elle s’est préparée émotionnellement à jouer Emily Brontë, elle répond sur un ton qui oscille entre la défensive et l’humour : “J’ai suivi le scénario et la réalisatrice. Tout était là pour faciliter le processus. Je ne vais pas non plus aller chercher dans mes traumas personnels !” Malgré son statut de star internationale, la Franco-britannique conserve ainsi sa vie privée tout autant que son naturel et sa sincérité, qualités qui semblent lui coller à la peau comme à celle des personnages qu’elle interprète. “Moi je ne me cache pas. Dans Emily, je me suis vraiment mise à nu. Et ça coûte beaucoup. Mon personnage lâche prise, laisse sa voix prendre le dessus et réussit à s’exprimer pleinement.”
Cette liberté, Emma Mackey se l’accorde également dans ses choix de carrière, à l’image de sa décision de quitter la série Sex Education afin de pouvoir s’exprimer elle aussi pleinement dans des différents projets. “Je n’ai jamais dit oui à des choses juste pour dire oui, ce n’est vraiment pas mon genre. Pour tous les films et toutes les séries que j’ai tournés, je l’ai fait parce que ça avait du sens pour moi, à un moment précis de ma vie”. Quand elle débute, Sex Education lui offre un tremplin sans équivalent dans sa carrière de jeune actrice novice et, surtout, la série défend des valeurs qui lui sont chères. “Maintenant, j’ai surtout envie d’accorder mon temps à des projets qui en valent la peine” explique une Emma Mackey convaincue de sa trajectoire, récemment récompensée par la prestigieuse cérémonie anglaise des Bafta, où elle a obtenu le prix très convoité du “meilleur espoir” le 20 février dernier.
Le départ d’Emma Mackey de Sex Education
Une soirée des Bafta auréolée de succès, mais dont l’actrice garde un souvenir quelque peu amer, à cause du “mauvais timing” de l’annonce de son départ de Sex Education après la saison 4, le jour de la cérémonie. “Ils ont été malins” dit-elle, en parlant des équipes de Netflix, avec un humour piquant. “C’est juste un peu décevant car je gagne un prix et les questions qui m’ont été posées juste après étaient presque toutes sur Sex Education.” Les raisons de son départ ? Emma Mackey est lassée de jouer le rôle d’une adolescente alors qu’elle est aujourd’hui adulte.
L’actrice attribue sa victoire aux Bafta à toutes les équipes qui lui ont donné sa chance, des producteurs de Netflix à son professeur de théâtre de l’université de Leeds : “Je me tiens sur les épaules de tous ceux qui m’ont portée” explique-t-elle avec une éloquence qui lui a néanmoins manquée lors de la remise du prix, car la comédienne était prise dans un tourbillon de surprise.“J’ai paniqué sur le moment. Tout ce que je voyais, c’était qu’il y avait beaucoup de marches [jusqu’à la scène]” se souvient-elle. Mais la hauteur ne fait pas peur à Emma Mackey, qui continue de gravir les marches de l’industrie du cinéma. Et peut-être plus tard sous la casquette de réalisatrice, qu’elle envisage de porter dans plusieurs années : “J’ai zéro prétention, mais l’envie est là et j’ai encore beaucoup de choses à apprendre.” conclue-t-elle, aussi humble que pleine d’espoir.
Emily (2023) de Frances O’Connor, au cinéma le 15 mars 2023.