Vulgaire ou fabuleux ? Pourquoi le film Babylon, diffusé sur Canal+, divise
Dans son film Babylon, le réalisateur américano-français oscarisé Damien Chazelle (Whiplash, La La Land) s’attaque à un sujet dantesque : raconter la naissance d’Hollywood et les débuts du cinéma parlant. Mais cette fresque démesurée, sortie en janvier dernier et diffusée ce mardi 5 septembre sur Canal+, et mettant en scène Brad Pitt et Margot Robbie, est-elle aussi passionnante que son thème ?
par Violaine Schütz.
Autant le dire tout de suite, le nouveau film du réalisateur américano-français oscarisé Damien Chazelle (Whiplash, La La Land), Babylon, est sans doute son long-métrage le plus clivant. Ambitieux, vulgaire, spectaculaire et démesuré, l’objet qui dure plus de trois heures s’attaque à un sujet aussi brûlant qu’épineux. Raconter les débuts du cinéma parlant et la création d’Hollywood en rendant compte de la folie des fêtes dépravées et des tournages compliqués des années 20 et 30.
Margot Robbie et Brad Pitt, héros étincelants de Babylon
Pour se faire, Damien Chazelle opte pour la galerie de portraits en s’attardant sur le parcours de plusieurs personnages épris de gloire. Il y a l’apprentie actrice délurée et arriviste (incarnée par la sublime et émouvante Margot Robbie), l’acteur au sommet de sa gloire qui perd de son aura au moment où les films se mettent à parler (Brad Pitt, dans l’un des meilleurs rôles de sa carrière) ou encore l’assistant plateau ingénu idéaliste qui veut percer dans le milieu du spectacle sans perdre son âme (joué par l’acteur mexicain Diego Calva, vu dans la série Narcos: Mexico).
Tous se retrouvent plongés dans des bacchanales décadentes (où l’on croise une chanteuse de cabaret lesbienne envoûtante, un éléphant et des acteurs en pleine orgie) qui tournent mal et des tournages houleux, marqués par la difficulté d’obtenir un son clair, au moment où la caméra est enclenchée. À travers l’ascension et la chute de ces personnages principaux, Babylon veut nous raconter un mythe vieux comme le monde : celui d’Icare, qui finit par se brûler les ailes à force de vouloir grimper trop près du soleil.
Damien Chazelle sous l’influence de Martin Scorsese et de Baz Luhrmann
Too much, sexy, grandiloquent, foutraque… Babylon, trip hallucinant et halluciné, ose à peu près tout et nous perd, parfois, par ses longues digressions (notamment lors de scènes dérangeantes dans un sous-sol peuplé de crocodiles et d’hommes mangeurs de rats, avec un effrayant Tobey Maguire). Mais la plupart du temps, l’épopée aux airs de carnaval qui se veut une lettre d’amour contrariée au cinéma s’avère palpitante, à la manière d’une version tragique et satirique de Chantons sous la pluie (1952).
On pense également à la série Netflix Hollywood (2020) de Ryan Murphy, aux films flamboyants et multicolores de Baz Luhrmann (Moulin Rouge, Gatsby le Magnifique), à la frénésie du Loup de Wall Street (2013) de Martin Scorsese, à l’exubérance sensuelle de Boogie Nights (1998), au Once Upon a Time… in Hollywood (2019) de Quentin Tarantino et surtout au livre Hollywood Babylone (1959) du cinéaste Kenneth Anger. Un ouvrage devenu culte qui conte les dessous trash de l’usine à rêves située à Los Angeles.
Comme Kenneth Anger, qui mêle crimes et perversions sexuelles dans son texte, Damien Chazelle a pour volonté d’épingler les vices et les excès sordides du milieu du spectacle. Mais après avoir passé trois heures au milieu de cette foire aux vanités rythmée par une BO jazz tonitruante, on se sent aussi agacé que fasciné. Une fresque à l’image du vieil (et du nouvel) Hollywood, donc, dont les pêchés provoquent autant l’effroi que l’émoi…
Babylon (2023) de Damien Chazelle, diffusé sur Canal+ le 5 septembre 2023.