30 jan 2020

Sundance en 5 films cultes

Récompensant les meilleurs films indépendants de l’année, la 36e édition du Festival de Sundance se tient jusqu’à dimanche à Park City, aux États-Unis. En parallèle, la plate-forme OCS diffuse certains des films déjà récompensés lors de ce rendez-vous majeur du cinéma mondial : l’occasion pour Numéro de revenir sur cinq films qui ont marqué Sundance, du cultissime “Little Miss Sunshine” à des longs-métrages plus underground, dont le documentaire sur le rock, “Dig!”. 

“Little Miss Sunshine” (2006) Copyright Twentieth Century Fox France

Little Miss Sunshine (2006) : la thérapie sur la route

 

Tout part d’un cri strident. Celui d’Olive, sept ans, qui apprend qu’elle est sélectionnée pour un concours de mini-miss en Californie. Dès lors, tout s’enchaîne rapidement. La famille Hoover embarque à bord d’un van Volkswagen miteux et jaune canari pour une odyssée burlesque à travers les États-Unis. Les Hoover, dans le long-métrage de Valerie Faris et Jonathan Dayton, se démarquent avant tout par le caractère dysfonctionnel de leur famille. Entre un grand-père héroïnomane, un oncle suicidaire, un fils mutique et un père mégalomane, seule la jeune Olive semble échapper à la folie de ses paires. Après un passage remarqué à Sundance et un rachat des droits par la société Fox Searchlight, Little Miss Sunshine entame une tournée des festivals et des grandes cérémonies, de Deauville aux Oscars, dont il ressort récompensé pour le meilleur scénario original. 

 

Dig ! (2004) : Le rock est mort, vive le rock !

 

À travers son documentaire Dig ! (sorti en 2004), la réalisatrice Ondi Timoner, grande fan des groupes The Brian Jonestown Massacre et The Dandy Warhols, rend hommage à ses idoles, qu’elle a suivies pendant sept ans, au milieu des années 90. En opposant les parcours – pourtant liés – de ces deux poids lourds du rock psychédélique américain, la cinéaste met en lumières des artistes aussi borderline que talentueux, qui ont tous un point en commun : ils sont de véritables prodiges de la musique contemporaine. On y découvre d’un côté, Anton Newcombe, le leader des Brian Jonestown Massacre – génie drogué et suicidaire s’étant toujours appliqué à rester dans l’ombre – et de l’autre, Courtney Taylor, chanteur des Dandy Warhols rêvant de remplir des stades.

 

Entre lignes de cocaïne, concerts sabotés, bagarres générales et musiciens évincés, Dig! réunit aussi bien les inconditionnels de métal que les amateurs de rap et leur explique ce qu’est le rock psychédélique (une musique sensible, engagée et parfois très underground), le tout avec une BO qui fait tomber à la renverse. Ondi Timoner, repartie du festival de Sundance avec un Grand prix sous le bras, nous pose finalement une question : faut-il être idiot pour souhaiter être célèbre ?

“God Help The Girl” (2014) Copyright 2012 FINDLAY Productions Limited

God Help the Girl (2014) : sur les devants de la scène 

 

On connaît le goût de Sundance pour les comédies musicales de qualité. God Help the Girl est imaginé en 2014 par le musicien et chanteur Stuart Murdoch, rendu célèbre par son groupe Belle and Sebastian. Atteint du syndrome de fatigue chronique — maladie systémique qui l’empêche de travailler pendant des mois — il s’inspire de ses troubles pour imaginer le personnage d’Eve. Dans ce film sur la fin de l’adolescence, l’action se déroule dans les rues d’un Glasgow fantasmé, à l’aide de morceaux pop et d’une colorimétrie chaude et saturée, directement inspirée des années 70. Après s’être échappée d’un hôpital psychiatrique, Eve, incarné par une Emily Browning aux airs d’Anna Karina, migre vers la métropole dans le but de fonder son groupe de musique. Elle est accompagnée du chanteur Olly Alexander, leader du groupe Years & Years, ainsi que de Hannah Murray, déjà aperçue dans la série britannique Skins. Récompensé par le prix spécial du jury pour un film étranger à Sundance, le film est un teen movie aux accents naïfs dont le trio d’acteurs principaux et les mélodies pop sont l'incontestable force.

Photograph (2019) : une Inde tiraillée entre modernité et tradition

 

Sélectionné cette année au festival de Berlin et au festival de Sundance, Le Photographe (2019) de Ritesh Batra dresse le portrait d’une société tiraillée entre modernité et tradition. Tourné en Inde, le film met en scène Rafi (Nawazuddiu Siddiqui), photographe pour touristes à Bombay, plongé à la recherche d’une inconnue afin la convaincre de l’épouser et satisfaire sa grand-mère qui insiste pour qu’il se marie. Le film met brillamment en scène l’incertitude et la complexité des relations : mensonge et illusion apparaissent comme un biais nécessaire pour répondre aux injonctions de la société indienne.

 

Ritesh Batra, n’en est pas à son coup d’essai. Avec The Lunchbox, le cinéaste indien explorait déjà les relations amoureuses à travers les notions de déception, d’habitude et de solitude, et questionnait la pertinence de modèles sociaux traditionnels dans une Inde contemporaine. En utilisant les codes romantiques de la rencontre amoureuse, Ritesh Batra prend le contre-pied d’une industrie bollywoodienne recyclant à l’infini des clichés obsolètes sur la féminité et les liens sociaux.

https://youtu.be/HzUhz2XkFfE&t=29s

Clemency (2019) : l’Amérique à travers ses prisons

 

Grand prix au Festival de Sundance l’an dernier, Clemency s’impose comme une révélation. Chinonve Chukwu, la réalisatrice, nous entraîne avec vigueur dans une Amérique actuelle au système judiciaire défaillant. Bernadine Williams (Alfre Woodrard), directrice d’un centre pénitentiaire pour homme, se prépare à une énième exécution, lorsqu’elle remet en doute le traitement réservé à Anthony Woods (Aldis Hodge), un prisonnier clamant son innocence. En imaginant le rôle de la directrice sous les traits d’une femme noire, la cinéaste met l’accent sur l’aspect insidieux du racisme et du pouvoir de mort sur l’autre, et présente des individus aliénés par un système qui les dépasse.