“Spencer” : un film bancal sur le mariage désastreux de Lady Di
On espérait que le film de Pablo Larraín marque enfin une rupture avec l’image de martyre en tenues de luxe de Diana. On a été déçus.
Par Chloé Sarraméa.
À la conférence de presse de Spencer, un journaliste s’est empressé de poser à Kristen Stewart une question qui en taraudaient beaucoup : “Vous qui avez fait l’objet d’une immense attention médiatique, avez-vous ressenti des similitudes entre votre histoire personnelle et celle de la princesse Diana ?” L’actrice américaine a immédiatement botté en touche. “Je n’ai jamais autant attiré les regards que la femme la plus célèbre au monde”. L’ex-Bella Swan ne peut, en effet, pas rivaliser avec Lady Di, pourtant star d’aucun blockbuster, si ce n’est celui de sa vie. Même vingt quatre ans après sa mort, elle continue de cristalliser les passions, et son histoire, fantasmée, affabulée, raturée et corrompue, se vend encore à prix d’or – dans les bureaux d’Amazon.
Hormis le fait qu’il ait fallu être persévérant pour récolter une place à la projection film, qu’on nous baratine depuis des mois avec The Crown – où la princesse est incarnée par Emma Corrin – et que les récents ennuis de Meghan Markle avec la famille royale nous valent une pluie d’articles du Vogue sur les pseudo similitudes entre la femme d’Harry de Sussex et sa belle-mère décédée, on mourrait d’envie de voir ce biopic. On espérait surtout qu’il soit en rupture avec l’image de martyre en total look Chanel que nous sert Netflix sur un plateau d’argent. On a été déçus.
Habitué à se reposer, depuis qu’il signe des biopics dégoulinants, sur des acteurs bons élèves qui transfigurent des écrivains (Gael Garcia Bernal dans Neruda) et des first ladies (Natalie Portman dans Jackie), Pablo Larraín a tout misé sur le talent de Kristen Stewart. Jean Seberg un jour, Diana Spencer le lendemain, l’actrice est depuis deux ans préfigurée aux rôles de petites blondes au destin tragique. Et elle réussit toujours l’exercice. Ici, c’est la mise en scène qui coince. Trip halluciné – mais pas assez pour être fun – sur trois jours du dernier Noël de la princesse chez les Winsdor, Spencer peint, à coups de visions souvent grotesques, le tableau d’une mère de famille proche de la folie, qui rêve de s’échapper du palais de Sandringham, dont elle est – ou se sent, la nuance est subtile – retenue prisonnière. Diana court, hagarde, dans les couloirs et le jardin du château, à la recherche d’une issue qu’elle ne trouvera jamais. Elle est toujours rattrapée par les gardes ou le majordome menaçant du domaine. Ç’aurait pu être un film d’épouvante… mais le cinéaste chillien est trop attaché au mélo.
La recette de Spencer est simple : exagérer encore la détresse émotionnelle de Diana. C’est d’ailleurs la même qui a, dans les années 90, permis aux tabloïds de battre des records de vente. Sur une bande son jazz larmoyante, Kristen Stewart pleure, se mutile et découpe ses robes Chanel, ces mêmes robes dans lesquelles elle court se faire vomir le repas (en dix étapes) qu’elle vient d’ingurgiter. Car la Lady Di de Pablo Larraín semble autant se soucier des tenues qu’on lui impose que de ses enfants ou de la liaison – déjà rendue publique, nous sommes en 1991 – de son mari avec Camilla Parker Bowles. Dans ses rêves, elle souhaite qu’Anne Boleyn vienne la secourir, et nous, que Spencer ait été féministe.
Spencer (2021) de Pablo Larraín, en compétition à la 78e Mostra de Venise.