Pourquoi HBO règne sur le monde des séries, de “The Wire” à “Game of Thrones” ?
Créée dans les années 1970, la chaîne de télévision américaine HBO a révolutionné le monde du petit écran. Les séries à succès “Oz”, “Sex and the City”, “The Wire”, “Westworld”, “Girls” ou “Game of Thrones” ont marqué à jamais l’histoire du petit écran. Retour sur la grande histoire d’un succès planétaire alors que Lena Dunham annonce sa nouvelle série, “Camping”, sur la chaîne.
Par Marthe Rousseau.
Les séries exigeantes et avant-gardistes ont fait de l’ancien slogan de la chaîne une réalité : “It’s not TV, it’s HBO”. Lancée dans les années 1970 par Charles Dolan, la chaîne américaine câblée HBO n’avait, à l’origine, pas vocation à être une référence dans la production de séries de légendes. HBO commence à diffuser des documentaires et à retransmettre des matchs locaux, abandonnés par les canaux concurrents. Le succès débarquera réellement avec la série Oz (1997-2003), qui, à la manière d’un documentaire, dépeint le quotidien ultra-violent des détenus et du personnel d’une prison américaine. Alors que Friends (1994-2004) mettait en scène à la même époque la vie sans histoire d’un groupe d’amis à Manhattan, HBO propose quant à elle une critique acerbe du milieu carcéral qui ne fait que perpétuer la criminalité. L’histoire est racontée à travers le personnage d’Augustus Hill, doublement prisonnier sur sa chaise roulante après avoir chûté de plusieurs étages lors d’une descente de police. À l’image d’un long-métrage, la chaîne diffuse pour la première fois des épisodes d’une heure, sans coupures publicitaires, et plonge le spectateur directement dans l’intrigue.
Après le dysfonctionnement du milieu carcéral, Alan Ball crée Six Feet Under et condense les névroses d’une famille de croque-morts à Los Angeles. La série révèle d’ailleurs une brochette d’acteurs talentueux comme Michael C. Hall connu notamment pour son rôle emblématique de tueur en série dans la série Dexter. Dix ans après Oz, HBO donne naissance à une série policière (et politique) que la presse qualifie de “véritable réussite” : The Wire (Sur écoute en français). Les épisodes dressent le portrait de la ville de Baltimore, irriguée par le trafic de drogues, et du quotidien de jeunes dealers et de policiers qui enquêtent sur leur réseau. Encore une fois, HBO a ce désir de faire la chronique d’une Amérique sombre et détraquée.
Entre la violence des prisons américaines et celle du trafic de drogues, HBO s’attaque au plaisir féminin avec la série Sex and the city en 1998. Les épisodes durent moins longtemps (trente minutes) et l’intrigue narrée par la journaliste Carrie Bradshaw (Sarah Jessica Parker) suit ses déboires amoureux et sexuels et ceux de ses trois copines. Alors que Carrie cherche sans cesse l’amour sans savoir ce qu’elle veut, Miranda, elle, refuse de s’attacher, tandis que Charlotte, très fleur bleue, rêve de fonder une famille et que Miranda ne jouit que d’histoires éphémères. La clé du succès réside d’abord dans la liberté de ton de ces femmes célibataires qui osent s’exprimer ouvertement sur leur sexualité et leurs histoires d’amour (qu’elles soient heureuses ou décevantes) avec toujours énormément d’autodérision. Mais c’est aussi la relation d’amitié entre ces quatre femmes très différentes qui réunit les téléspectateurs.
En 2012, les trentenaires fashion qui boivent un Cosmopolitan dans les bars de Manhattan font place à leurs cadets fraîchement diplômées de Girls. Ces anti-héroïnes se différencient radicalement de Carrie Bradshaw et représentent une génération ambitieuse qui ne parvient pas à atteindre ses objectifs. Entre petits boulots, engueulades entre copines et lassitude amoureuse, leur vie semble parsemée d’échecs et de déceptions. Portée par Lena Dunham (qui joue le rôle de l’égocentrique Hannah), la série aborde notamment la difficulté de trouver sa place en tant que jeune adulte. Enfin, Girls met en scène des corps à l’état brut, sans artifices, et contribue ainsi à renouveler la vision de la femme loin de l’image lisse des publicités. Cette série nommée 14 fois aux Emmy Awards en quatre ans (et sortant gagnant en 2012) a d’ailleurs révélé des acteurs talentueux comme Adam Driver (le partenaire de Hannah) qui enchaîne depuis les tournages, de Star Wars au dernier long-métrage de Spike Klee Blakkklansman primé à Cannes.
Qu’il s’agisse de True Detective avec les acteurs Matthew McConaughey et Woody Harrelson ou plus récemment de Big Little Lies (qui a gagné l’Emmy Award 2017 de la meilleure mini-série) avec les superstars Nicole Kidman ou Reese Witherspoon, HBO se donne les moyens de produire des séries à la hauteur de ses acteurs. Mais c’est avec Game of Thrones, la série la plus téléchargée au monde, que HBO raflera tout. La série cumule 22 nominations pour l'édition 2018 des Emmy Awards juste devant la superproduction Westworld (21 nominations). La clé d’une telle réussite ? Un budget pharaonique qui augmente de saison en saison (chaque épisode de la saison 7 avoisinerait les 15 millions de dollars), et un univers heroic fantasy à coup d’épée, d’intenses scènes de sexe, et surtout de mort subite de personnages principaux. Rien de mieux pour conserver le suspense que de livrer ce type de scénario qui fait valser la morale et la hiérarchie. En attendant la sortie de l’ultime saison de Game of Thrones prévue pour 2019, Lena Dunham dévoilera en octobre une nouvelle série, Camping, avec Jennifer Garner, sur un couple de quadragénaires dont le quotidien est bouleversé par l’arrivée de trois personnages… Reste à savoir si HBO conservera sa place de choix face à son concurrent de taille, Netflix, lors de la 70e cérémonie des Emmy Awards qui se tiendra le 17 septembre 2018.