La Maison : Carole Bouquet et Pierre Deladonchamps nous racontent la série la plus mode de la rentrée
C’est la série la plus mode de la rentrée… Apple TV+ propose, dès ce vendredi 20 septembre, de découvrir les premiers épisodes d’un show intitulé La Maison. Le programme, qui met en scène Lambert Wilson et Zita Hanrot, pose un regard sombre et mordant sur deux familles à la tête d’une maison de couture et d’une entreprise de luxe. Au programme ? De nombreuses luttes de pouvoir et d’ego ainsi que des moments glamour que Carole Bouquet et Pierre Deladonchamps nous dévoilent, sans filtre, en interview.
propos recueillis par Violaine Schütz.
introduction par Erwann Chevalier.
2024, l’année des séries sur la mode
Une chose est sûre, l’année 2024 est, côté séries, placée sous le signe de la mode. En effet, Disney+ a dévoilé son excellente série intitulée Becoming Karl Lagerfeld sur l’immense couturier Karl Lagerfeld avec l’acteur allemand Daniel Brühl dans le rôle du célèbre créateur, ainsi qu’Arnaud Valois et Jeanne Damas. Et des séries sur Christian Dior (The New Look) et le créateur de la maison Balenciaga (Cristóbal Balenciaga) ont été proposées par Apple TV+ et Disney+.
La Maison, une nouvelle série Apple TV+ sur la haute couture
Avec ses rivalités, son aura glamour et ses défilés grandioses, la mode n’a pas fini d’inspirer les scénaristes… Et une série ou un film sur la mode est souvent gage d’intérêt de la part du public et des médias. On se rappelle du long-métrage culte Le diable s’habille en Prada (2006) avec Anne Hathaway ou bien des films sur Yves Saint Laurent (2014), avec Pierre Niney et Gaspard Ulliel, qui ont fait couler beaucoup d’encre.
Ce microcosme qui attise tous les fantasmes, tant il est opaque aux yeux des non-initiés, fait une nouvelle fois l’objet d’un projet audiovisuel dévoilé ce vendredi 20 septembre 2024 sur Apple TV+.
La plateforme – qui a sorti le documentaire Les Supermodels, dédié aux top models phares des années 90, – propose une nouvelle série française en dix épisodes (d’une heure) mordante, ambitieuse et moderne intitulée La Maison. Et le programme risque bien de faire du bruit parmi les fans de mode…
Carole Bouquet, Lambert Wilson et Zita Hanrot au casting de La Maison
Dans la lignée de Succession, La Maison, réalisée par Fabrice Gobert (Les Revenants) et Daniel Grou (Lupin), met en lumière une famille puissante et charismatique qui règne sur la mode parisienne avant qu’une controverse ne la fasse vaciller. Le créateur star Vincent Ledu (Lambert Wilson) est en effet filmé en train de proférer des propos racistes, ce qui provoque un bad buzz sur le web. À côté de la création de collections et de scènes de défilés, on a donc droit à une bonne dose de drames façon Dallas.
En effet, ce show aux finitions soignées pose un regard acéré, ironique et documenté sur les coulisses d’une maison de couture contemporaine, en proie aux luttes de pouvoir et aux combats d’égo. Un duel entre deux familles compliquées (la maison de mode et une entreprise possédant plusieurs marques) est au centre de la série : tous s’affrontent pour avoir le monopole de l’univers de la haute couture tandis que la jeune créatrice engagée Paloma Castel (Zita Hanrot) trouve en Vincent Ledu un père spirituel.
Le principal attrait de cette série acerbe, en plus de son côté cathartique (on se retrouve tous un jour confrontés à leurs problèmes familiaux ou professionnels même si on ne fait pas partie, comme eux, des ultrariches) est son son casting de haut vol. Les immenses Carole Bouquet (Rien que pour vos yeux) et Lambert Wilson (De Gaulle) y donnent la réplique à une pléiade d’acteurs brillants (et très bien habillés) : Zita Hanrot (Fatima), Amira Casar (Call Me by Your Name), Pierre Deladonchamps (L’Inconnu du lac), Antoine Reinartz (Anatomie d’une chute), Anne Consigny (Elle), Florence Loiret Caille (Le Bureau des légendes) ou encore Ji-Min Park (Retour à Séoul).
L’interview de Carole Bouquet et Pierre Deladonchamps sur La Maison
Numéro : Qu’est-ce qui vous a donné envie de jouer dans La Maison ?
Carole Bouquet : C’est le côté “drame familial” qui m’a intéressée en premier lieu. On pense aux Atrides, à la tragédie grecque ou shakespearienne, puisque les deux familles qui s’affrontent, les Rovel et les Ledu, composent presque une seule et même famille. En effet, j’ai volé un membre des Ledu (Victor, incarné par Pierre Deladonchamps) pour qu’il vienne travailler chez Rovel, mon entreprise, et il a eu un enfant avec ma fille (dans la série). Nous sommes donc reliés mais nous essayons de nous entretuer les uns et les autres. On se bat pour savoir qui aura le plus de pouvoir et qui pourra détruire l’autre pour le dominer.
Le tout enrobé dans un écrin luxueux…
Carole Bouquet : On a cette image de la mode charmante, éphémère, délicieuse, mais derrière, il existe une vraie machine pour que tout cela fonctionne. Quand on regarde de loin la mode, qu’on se tient à l’extérieur, on peut imaginer que c’est tout le temps drôle, amusant, charmant, qu’on se change et qu’on rit… Mais non, c’est forcément violent. Ce qui est beau dans La Maison, c’est qu’ils ont créé tous ces costumes et ces pièces destinées aux défilés, ce qui constitue un travail incroyable, puisque tout a été entièrement inventé. Et cela donne une belle vision de Paris et de la mode, montrant la ville comme la capitale de cet art. Mais à l’intérieur, des luttes intestines se jouent. Parce qu’au fond, c’est une question de pouvoir.
Pierre Deladonchamps : Ce que j’aime dans La Maison, c’est cette dichotomie entre le côté glamour de la haute couture, de la mode, des défilés, et la détresse de certains de ces personnages en quête de reconnaissance, de retour dans leur famille ou de trahison pour prendre leur revanche. Tout le monde veut prendre sa revanche sur quelque chose ou faire une renaissance. Et je trouve que placer l’intrigue dans le milieu de la mode, ça crée vraiment quelque chose d’assez complexe et intéressant. C’est quand même de la création. C’est artistique. On parle des créateurs artistiques et on voit à l’écran des scènes de création. Il ne s’agit pas de voitures…
“Lorsque j’avais 20 ans, en arrivant dans certaines maisons de mode, on avait l’impression d’aller chez un peintre.” Carole Bouquet
La Maison parle des guerres de pouvoir et des stratégies qui se déroulent dans le milieu de la mode… Mais cela pourrait être une métaphore de beaucoup d’autres univers impitoyables…
Carole Bouquet : Oui, tout à fait. Il se trouve que la série se déroule dans le milieu de la mode, mais on aurait pu mettre en scène cette histoire dans plein de milieux différents. Car la quête du pouvoir, quelque soit son décor (l’entreprise Total ou une autre), rend malade et vous transporte complètement hors de la réalité. Vous devenez obsédé par une seule chose : la réussite. Et pour arriver au sommet, il faut forcément tuer quelqu’un sur son passage pour y arriver.
Quelle image aviez-vous du milieu de la mode et des grandes maisons avant de jouer dans cette série ?
Carole Bouquet : En fait, cette série représente plus le milieu des affaires et des puissants que celui de la mode. En ce qui me concerne, par rapport à tout ce que j’ai vécu à travers Chanel pendant les 20 ans durant lesquels j’ai travaillé pour le N°5 et encore aujourd’hui puisque je reste proche d’eux, je n’ai vécu que le côté agréable. Et pas du tout les luttes intestines auxquelles ont droit les personnages de La Maison. Je ne suis pas au conseil d’administration. Je ne dirige pas la maison Chanel. Je suis gâtée, je ne fais que profiter, en quelque sorte. Mais je vois bien que les maisons de mode sont gérées de façon complètement différente par rapport au moment où j’ai commencé. Il s’agit d’une industrie. Lorsque j’avais 20 ans, en arrivant dans certaines maisons de mode, on pouvait avoir l’impression d’aller chez un peintre… Il régnait une liberté qui me semble beaucoup moins présente aujourd’hui. Nous sommes le pays le plus important en ce qui concerne la mode et c’est une industrie devenue colossale, mais nous avons des artisans qui n’existent plus nulle part ailleurs dans le monde et qui sont prodigieux. Je connais des artisans qui travaillent pour Chanel mais aussi pour le Moulin Rouge. Ce sont des gens extraordinaires…
Pierre Deladonchamps : Je connais moins le milieu de la mode que Carole, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur. J’ai déjà participé à quelques défilés et je connais un petit peu les arcanes de tout ce monde qui me fascine. Mais ce qui était intéressant dans cette série, c’était justement de montrer les coulisses. Il existe plein de biopics sur des créateurs et des créatrices. Mais là c’est différent. Et comme on ne dresse pas le portrait de personnes qui existent (même si on s’inspire de certains faits), on pouvait imaginer ce que l’on voulait. Ça permettait aux scénaristes d’avoir une liberté totale.
Carole Bouquet : Et puis certaines séries et films sont très romancés. J’ai travaillé sur un documentaire au sujet de Coco Chanel, j’ai vu des papiers top secrets concernant son implication avec les nazis et elle n’a dénoncé personne. Elle a certes fait sortir son neveu des griffes des SS. Mais elle n’a jamais signé le papier lui demandant d’échanger des renseignements. Quant à Yves Saint Laurent, Karl Lagerfeld ou Monsieur Dior, iles étaient beaucoup plus intéressants que ce que j’ai pu voir à l’écran.
“Je me suis inspirée d’une femme qui était à la tête d’une très grande industrie en France pour incarner Diane Rovel.” Carole Bouquet
Vous êtes vous inspirés de personnes réelles pour incarner la directrice d’un grand groupe de luxe et l’un de ses ambitieux employés ?
Carole Bouquet : Oui, mais je ne vous dirai pas qui (Carole Bouquet affiche un sourire malicieux, ndlr). Je me suis inspirée d’une femme qui était à la tête d’une très grande industrie en France… Ce que je peux dire, c’est que j’ai pensé – pour l’apparence seulement – à Liliane Bettencourt. On avait une costumière géniale et on a énormément travaillé sur les costumes. On voulait une image très précise, très casse-pieds du personnage de Diane Rovel qui demandait des heures de préparation. Il fallait deux ou trois heures de maquillage, ainsi que des retouches en permanence, afin de paraître impeccable tout le temps. Or c’est le contraire de ce que j’aime, de ma vie, de ce que je supporte. En même temps, je trouvais ça juste pour elle. Je ne pouvais pas faire autrement. Après, la personnalité du personnage est née d’un travail avec les scénaristes, les acteurs…
Pierre Deladonchamps : Moi, je ne me suis pas inspiré d’une personne en particulier, mais plutôt de beaucoup de gens que j’ai croisés dans ma vie qui détenaient un pouvoir à la fois financier et entrepreneurial. Des personnes possédant quelque chose qu’il fallait absolument faire fructifier et qui ne devait s’écrouler. Ces personnes sentent qu’il y a un danger qui les dépasse parce qu’elles savent qu’elles sont entre les mains des acheteurs qui décident ou pas d’aimer leur marque, de porter ce qu’elles créent. Et ce n’est plus, alors, une question d’art, mais de chiffres d’affaires, de comptes-rendus, de conseils d’administration… Je me suis donc inspiré de tous ces hommes et ces femmes qui ont des résultats à apporter.
Vous jouez des personnages qui semblent assez redoutables mais qui se révèlent plus humains et vulnérables au fur et à mesure des épisodes. Est-ce plus jouissif de jouer ce genre de personnages que ceux qui sont très sympathiques ?
Pierre Deladonchamps : Jouer un méchant ou une méchante, c’est assez jouissif. Bien plus que de jouer quelqu’un de très sympathique ou une victime…
Carole Bouquet : Ou alors il faut être très drôle pour jouer la personne sympathique. Mais les personnages qui se situent entre les deux, c’est assez ennuyeux.
Pierre Deladonchamps : On adore détester nos personnages de La Maison au début, puis après, on ressent de l’empathie pour eux parce qu’on découvre des choses sur leur passé, leur enfance… Chez Diane comme chez Victor, on comprend plein de choses grâce à leur background. Ça remonte à très, très loin.
Carole Bouquet : Il n’empêche que, malgré mon enfance, je suis quand même d’une méchanceté intolérable. Ce n’est pas parce qu’on a été blessé dans son enfance qu’on doit être aussi violent que je le suis dans la série. Et particulièrement envers ma fille à l’écran… Je suis en train de construire quelque chose pour ma petite-fille, mais j’utilise ma fille comme un objet. Je lui parle de manière monstrueuse et la manipule. Elle non plus, elle n’est pas aimable. Mais elle agit de façon plus masquée, en sous-marin. Moi je fonce, je vais tout droit. Je ne suis absolument jamais aimable et en permanence désagréable.
La Maison (2024), créée par José Caltagirone et Valentine Milville, avec Carole Bouquet, Pierre Deladonchamps, Amira Casar, Lambert Wilson et Zita Hanrot, disponible sur Apple TV+.