18 juil 2016

Rencontre avec Natalie Portman: “Je suis souvent tombée amoureuse de réalisateurs avec lesquels j’ai travaillé.”

Révélée par “Léon”, déterminée dans “Star Wars” et “V pour Vendetta”, brillante dans “Black Swan”, Natalie Portman enchaîne projets au cinéma et actions humanitaires… Retour sur notre entretien avec celle qui est aussi la compagne de Benjamin Millepied.

Propos recueillis par Olivier Joyard.

Numéro : Vous avez été actrice en même temps qu’étudiante à Harvard, vous êtes maintenant très impliquée dans une démarche humanitaire en parallèle à vos activités dans le cinéma. Être une seule personne à la fois ne vous suffit pas ?

Natalie Portman : Je suis née sous le signe astrologique du Gémeaux, voilà où se trouve peut-être la source de ma dualité. Mais je ne suis pas la seule ! De nombreuses personnes jouent plusieurs rôles dans leur vie, c’est assez commun. Je ne passe pas tout mon temps dans ces activités annexes. Le cinéma reste central pour moi. J’aime jouer, je trouve cela aussi plaisant qu’enrichissant. Simplement, j’apprécie également d’autres choses qui subjuguent le quotidien. Cette possibilité d’ouverture m’est d’ailleurs offerte parce que je suis célèbre. Je rencontre des gens passionnants, je découvre des lieux fascinants, ce que je n’aurais jamais pu faire dans d’autres circonstances. J’ai de la chance.

 

Pouvez-vous nous parler de votre soutien à l’association Free The Children ?
À titre personnel, je m’implique dans le domaine du microfinancement pour les pays en développement depuis plusieurs années. Là, c’est un peu différent. Une des personnes que je connais le mieux dans les milieux humanitaires m’a éclairée sur le fait que l’éducation des petites filles était une priorité pour régler de nombreux problèmes dans le tiers-monde. Leur donner une éducation digne de ce nom permet d’avancer dans plusieurs domaines en même temps. Une petite fille éduquée deviendra mère plus tardivement, elle aura moins d’enfants et prendra donc mieux soin d’eux. Elle trouvera aussi un travail beaucoup plus facilement. J’ai tout de suite compris la démarche de Free The Children, une association qui se consacre à l’éducation en général. Son approche est vraiment globale. L’association aide aussi bien à creuser des puits qu’à faire fonctionner des écoles et à proposer un meilleur accès aux soins. Ses actions s’inscrivent dans la durée. Nous avons par exemple contribué à ouvrir une école au Kenya l’an dernier. Dans ce pays, deux tiers des enfants non scolarisés sont des filles. J’ai eu envie de m’attaquer au problème.

 

Quel est votre rapport au glamour hollywoodien ?

Cette tradition et cette mystique me plaisent énormément. Avant, il y a eu Marilyn Monroe, Marlene Dietrich, Lauren Bacall, aujourd’hui Marion Cotillard, Charlize Theron, Milla Jovovich. Il y a encore quelques rôles glamour à Hollywood, même si c’est moins fréquent. Mais, en général, les cinéastes contemporains veulent rester fidèles à une histoire. Et les histoires d’aujourd’hui ont tendance à s’écarter du glamour pour aller vers le réalisme. Dans les films, on raconte le monde et on l’éclaire, plus qu’on ne le transforme.

 

Vous avez touché à tous les styles cinématographiques, mais quels sont vos genres préférés ?

J’aime tous les genres du cinéma. Je n’ai aucune frontière, aucune règle. J’essaie de privilégier le meilleur, soit dans les blockbusters, soit dans le cinéma indépendant plus difficile d’accès, soit dans les comédies romantiques. J’aime cette diversité et je sais aussi que les mauvais films, on en trouve partout !

  

Lorsqu’on vous propose un film, qu’est-ce qui oriente votre choix ? La personnalité du réalisateur vient-elle avant tout le reste ?

Non, pas forcément. J’ai besoin d’avoir la sensation profonde que quelque chose de neuf s’offre à moi. Cela peut être le sujet du film, la force de caractère du cinéaste, ou encore un personnage en forme de défi qui me procure cette sensation. J’ai vraiment besoin d’entrer dans une expérience unique.

 

Vous êtes beaucoup sortie d’Hollywood pour arpenter le cinéma mondial, que ce soit avec Luc Besson, Wong Kar-wai, Milos Forman ou l’Israélien Amos Gitai. Que vous apportent ces décentrements ?

J’adorerais tourner de nouveau avec un cinéaste étranger. Bien que je sois identifiée comme une actrice américaine, j’aime ces déplacements, ces rencontres. Retravailler dans une autre langue me ferait plaisir. J’admire beaucoup Jacques Audiard, Michael Haneke, Lynne Ramsay et Jane Campion. Hollywood n’a jamais été mon seul horizon.

 

Vous êtes une femme intelligente, mais une actrice ou un acteur a-t-il besoin d’utiliser son intelligence dans ses films ?

Je ne crois pas ! J’ai rencontré des acteurs géniaux qui sont… Disons qu’il y a différentes sortes d’intelligence. Certaines personnes lisent des milliers de livres et n’ont aucune intelligence émotionnelle. Je suis persuadée qu’il faut être intelligent émotionnellement pour être un bon acteur. Je ne suis pas du genre à discuter pendant des heures avec les réalisateurs ou avec mes camarades avant de tourner, car j’ai besoin de spontanéité. En revanche, j’aime beaucoup les recherches qui accompagnent les rôles, car ce n’est jamais une bonne chose de tout inventer à partir de rien. Le jeu n’est pas forcément meilleur quand il est construit sur du vent.

  

Quelles sont vos relations avec les réalisateurs ? Vous avez travaillé avec des gens à forte personnalité, comme les sœurs Wachowski, Wong Kar-wai ou encore Amos Gitai.

J’adore les réalisateurs. Travailler avec eux est toujours un moment fort, surtout quand ils s’ouvrent à la discussion. Ceux qui savent diriger tout en étant ouverts aux idées extérieures me plaisent énormément. En revanche, je n’aime pas beaucoup les dictateurs, et Dieu sait s’ils existent dans ce milieu. C’est très difficile de se faire une idée juste avant le tournage, qui agit comme un révélateur. J’ai déjà été piégée par des gens charmants en rendez-vous mais beaucoup moins charmants sur le plateau. Je suis aussi tombée amoureuse de réalisateurs avec lesquels j’ai travaillé, comme Anthony Minghella, Mike Nichols ou Darren Aronofsky, des artistes extraordinaires. En fait, j’aime les réalisateurs qui peuvent changer votre vie lorsque vous travaillez avec eux. C’est une demande forte, j’en ai pleinement conscience, mais elle me semble justifiée. L’expérience du cinéma est toujours intense. On passe un temps très ramassé dans un monde imaginaire avec un petit groupe de gens. Durant ce moment détaché du reste du monde, nous créons un film collectivement. Pour moi, cela relève de la magie. Enfin, quand tout se passe bien. Tout dépend du réalisateur et de sa façon de diriger.

 

Vous n’avez pas besoin de conflits pour avancer ? Certains acteurs aiment être bousculés.

Je n’ai pas vraiment besoin d’être secouée pour m’investir dans un film. Je ne confonds pas la vie et le cinéma. Mais l’expérience n’est jamais neutre. Quand ceux qui sont en face de vous ont envie d’une connexion, votre vie peut se transformer grâce à un tournage.

 

 

Entretien publié initialement dans le Numéro 135.