8 jan 2024

Rencontre avec Jonathan Cohen et Souheila Yacoub, stars du film Making of

Numéro a rencontré deux excellents acteurs qui ont le vent en poupe, Jonathan Cohen et Souheila Yacoub, duo émouvant à l’affiche de Making of, le nouveau film de Cédric Kahn qui sort au cinéma le 10 janvier 2024. Un long-métrage captivant qui raconte les coulisses mouvementées d’un tournage de film.

propos recueillis par Nathan Merchadier.

Quelques mois seulement après le succès retentissant de son film Le Procès Goldman (2023), Cédric Kahn opère déjà son retour au cinéma avec Making of, un long-métrage qui s’immisce dans les coulisses du septième art. Dans ce nouveau projet, le réalisateur (et acteur) prolifique s’attache à dépeindre les aspects méconnus du cinéma par le prisme du tournage d’un film dans le film. Alors qu’un réalisateur au bout du rouleau (Denis Podalydès) se bat pour donner vie à un film social centré sur le redressement d’une usine par ses employés, plusieurs événements inattendus vont lui compliquer la tâche. 

 

Parmi ces derniers, un Jonathan Cohen (prochainement à l’affiche du film Daaaaaali ! de Quentin Dupieux) en grande forme campe la figure d’un acteur-star qui essaie par tous les moyens de s’attirer toute l’attention, quitte à mettre en péril le bon déroulé du tournage. À ses côtés, l’excellente Emmanuelle Bercot tient le rôle d’une directrice financière éreintée par les faux bonds des producteurs. Enfin, Souheila Yacoub – déjà remarquée pour sa prestation très physique dans le film Avant l’effondrement (2023) – interprète une jeune comédienne qui tente d’exister au milieu de ce tournage chaotique lorsqu’elle ne se fait pas écraser par Alain (Jonathan Cohen), son collègue de jeu au comportement irritant.

 

L’interview des acteurs Jonathan Cohen et Souheila Yacoub à l’affiche de Making of


En réalisant Making of, Cédric Kahn réussit le pari de montrer un milieu souvent idolâtré du cinéma dans toute sa fragilité et avec sa dose quotidienne de déconvenues. En récréant l’écosystème d’un tournage de film, le réalisateur âgé de 57 ans adresse une sorte de lettre d’amour au milieu du septième art qu’il a observé depuis ses débuts dans le cinéma. Pour donner vie à cette fresque cinéphile, Cédric Kahn s’entoure de la fine fleur du cinéma français afin de donner à son film l’opportunité de briller en salles et d’être apprécié à sa juste valeur : celle d’une œuvre cinématographique complexe et teintée d’humour qui marquera à coup sûr l’année 2024.

« Mon personnage dans Making of est insupportable même s’il reste mignon. » Jonathan Cohen

 

Numéro : Dans Making of, vous interprétez tous les deux des acteurs sur le tournage d’un film centré sur le redressement d’une usine par ses ouvriers. Comment décririez-vous vos personnages ?

Jonathan Cohen : Alain est particulier car il a l’opportunité de faire ce qu’on appelle dans le métier son “Ciao Pantin” et qu’il a à cœur de donner une prestation folle donc il est très très investi. Par contre, ce qu’il coûte à l’équipe du film est compliqué à gérer. Il a envie de prendre toute la place et d’attirer l’attention de tout le monde. Il est finalement insupportable même s’il reste mignon.

Souheila Yacoub : Oui on peut dire qu’il est mignon mais insupportable. Pour ma part, je me suis plongée dans le personnage de Nadia, une jeune actrice qui débarque sur ce tournage.

 

Qu’est-ce qui vous a donné envie de rejoindre le casting du film Making of ?

Jonathan Cohen : C’est Cédric Kahn. J’adore son travail depuis longtemps et j’avais très envie de tourner avec lui. Les rôles qu’il nous a proposés étaient très intéressants. Se plonger dans le personnage d’un acteur égocentrique et passionné, qui a envie de donner la meilleure version de lui-même, c’était très challengeant.

Souheila Yacoub : C’est un film que nous avons tourné, il y a deux ans, et j’avais passé les castings avant l’épidémie de Covid 19, donc il y a près de quatre ans. À cette époque, je n’avais pas encore eu de grands rôles à proprement parler au cinéma. Quand Cédric Kahn m’a appelée pour me proposer de rejoindre son film, j’étais très excitée. J’ai adoré le scénario et l’idée de pouvoir jouer “un film dans le film”. J’ai tout de suite imaginé des possibilités et des palettes de jeux très différentes. Pendant le casting, Cédric Kahn m’avait montré à quel point il pouvait diriger ses acteurs et j’étais très impatiente de travailler sous sa direction.


Comment décririez-vous la nature de votre relation dans ce film ? 

Souheila Yacoub : Dans ce film, je subis car c’est un premier rôle pour lequel je suis très investie et je me fais massacrer par le comportement du personnage de Jonathan Cohen.

Jonathan Cohen : Effectivement, mon personnage est une sorte de rouleau compresseur qui écrase tout le monde.

« Je me suis déjà fait voler une ou plusieurs répliques sur des scènes. Il y a des gens qui n’ont pas de limites. » Souheila Yacoub

 

Dans vos carrières respectives, avez-vous déjà été confrontés à cette figure d’acteurs ou d’actrices qui monopolisent l’attention ? 

Jonathan Cohen : Je crois que j’ai eu cette chance de ne pas rencontrer ce genre de personnes sur des tournages. Je n’ai pas le souvenir d’avoir croisé des acteurs ou actrices qui monopolisaient à ce point l’attention.

Souheila Yacoub : Le personnage de Jonathan Cohen va très loin dans ce film et c’est justement en cela qui est interessant. Il pousse le curseur jusqu’au bout.

Jonathan Cohen : Complètement, ce personnage est une caricature.

Souheila Yacoub : De mon côté, je pense déjà avoir vécu ce genre de situations. Je me suis déjà fait voler une ou plusieurs répliques sur des scènes. Il y a des gens qui n’ont pas de limites. Rétrospectivement, je pense avoir déjà vécu un tournage un peu douloureux.


Dans Making of, l’acteur Denis Podalydès incarne la figure d’un cinéaste passionné qui oublie sa famille au profit de son art. Faut-il savoir prendre ses distances vis-à-vis des tournages lorsque l’on est acteur ?

Jonathan Cohen : Bien sûr, il faut savoir prendre de la distance par rapport à ce métier car cela reste du travail. Le tournage d’un film, c’est un peu comme une petite famille (avec les techniciens, les régisseurs) au sein de laquelle j’ai à cœur que tout se passe bien. J’aime le fait de pouvoir partager des discussions intéressantes, que l’on éprouve toujours un plaisir à se retrouver le matin. Notre présence sur les tournages s’étend parfois sur plusieurs mois donc c’est important d’être heureux de se rendre sur le plateau chaque jour. Après il faut aussi savoir prendre de la distance vis-à-vis de ce métier car quand il y a des difficultés, il faut essayer de ne pas prendre les choses trop à cœur. Il faut pouvoir se dire que le lendemain se passera sûrement mieux. Et parfois qu’on a fait un mauvais choix sur un film, que ce n’est qu’un mauvais moment à passer et que le prochain sera peut-être une réussite.

Souheila Yacoub : C’est sûr que c’est un métier très émotif et très intime dans lequel on dévoile beaucoup de nous-même et il faut être capable de se protéger de cela. Je suis une personne très émotive et je peux parfois vite m’emballer. J’adore la technique et j’aime aussi me dire que je vais travailler à fond sur un rôle pour donner le meilleur de ce que je peux offrir.

« La vie d’un tournage c’est une petit cellule dans laquelle on reproduit la vrai vie. » Jonathan Cohen

 

Souheila Yacoub, comme dans le film Avant l’effondrement (2023), vous incarnez dans Making of le rôle d’un personnage très engagé. Jonathan et Souheila, le cinéma peut-il, pour vous être un acte de contestation ?

Jonathan Cohen : Le cinéma peut être beaucoup de choses. Il y a des gens qui ont à cœur de contester avec leurs films, de mettre en exergue des vrais problèmes sociétaux. Il y a des films qui n’ont pas de message, d’autres qui en ont un très puissant. C’est un endroit où tout est possible, un lieu d’exploration, de débat : c’est ça la force du cinéma. Selon l’intention du réalisateur, on reçoit ce qu’il a envie de nous donner. En tant qu’acteur, on va essayer de retranscrire au mieux le message qu’il essaie de faire passer à son public.


Quel est le meilleur souvenir que vous gardez de ce tournage ?

Souheila Yacoub : Cédric Kahn a gardé au montage un moment qui ne devait pas figurer dans le film durant lequel nous sommes en fous rires. Je l’aime beaucoup car c’est vraiment une scène qui nous ressemble.

Jonathan Cohen : C’était un simple moment de vie mais c’était trop beau. Il y a beaucoup de spontanéité dans cette scène. Elle fait suite à un passage où l’on venait de s’embrouiller et on y retrouve les deux personnages morts de rires. C’est aussi ça la vie, les gens ne sont pas toujours logiques et c’est très fort. C’est là où je trouve que le film est intelligent. Il retranscrit à merveille l’humain dans toutes ses contradictions. La vie d’un tournage, c’est une petite cellule dans laquelle on reproduit la vraie vie.

Souheila Yacoub : Je trouve aussi que dans le cinéma, on a souvent tendance à suivre l’évolution type d’un personnage. C’est parfois très standardisé et la vie n’est pas faite comme ça. Là je vais très bien et peut-être que je pleurer dans cinq minutes… Et que je vais revenir en souriant. Cette scène raconte en définitive cette idée-là.


Jonathan Cohen vous serez bientôt à l’affiche de Daaaaaali ! le prochain film de Quentin Dupieux tandis que Souheila Yacoub, vous avez rejoint le casting du film Dune 2 de Denis Villeneuve aux côtés de Timothée Chalamet ou encore de Zendaya. Que pouvez-vous nous dire à propos de ces deux projets terriblement excitants ? 

Souheila Yacoub : Je suis très heureuse d’être dans le film Dune 2 que je viens de découvrir dans sa version finale. C’est fou, je n’en reviens toujours pas mais c’est génial. Je tiens à préciser que je n’ai pas passé de casting pour ce rôle, Denis Villeneuve m’a appelée directement. Je pensais carrément qu’il s’était trompé.

Jonathan Cohen : C’est fou ! Et puis il y a cette aventure incroyable que tu as vécue sur le tournage…

Souheila Yacoub : Oui car il y a eu six mois de tournage ! Ça ne veut pas dire que j’ai tourné tous les jours mais c’était quand même très éprouvant. C’était grandiose.

Jonathan Cohen : De mon côté, je suis tellement content d’avoir tourné avec Quentin Dupieux, c’était génial.

Souheila Yacoub : Au passage, je rêve de tourner avec Quentin Dupieux.

Jonathan Cohen : (Rires) Le message est passé ! C’est formidable d’être dans son univers et le film Daaaaaali ! est complètement surréaliste. C’est à l’image de la vie de Salvador Dalí. Le projet est complètement dingue et j’ai hâte de découvrir ce que le public en pensera après sa sortie en salle.


Making of (2024) de Cédric Kahn, avec Jonathan Cohen et Souheila Yacoub, au cinéma le 10 janvier 2024.