12 sept 2019

Qui est Trajal Harrell, le danseur de l’année

Le chorégraphe et performeur américain Trajal Harrell présente en septembre, à Paris, un solo qui interroge la signification même de la danse. Une lecture historique et analytique de sa discipline.

Propos recueillis par Delphine Roche.

Si New York a joué un rôle prépondérant dans sa vie et sa carrière, la ville de Paris est, pour Trajal Harrell, comme une seconde patrie. Après une première au Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles, le chorégraphe et danseur pose donc ses valises dans la Ville lumière pour présenter, à Lafayette Anticipations, sa nouvelle pièce intitulée Dancer of the Year.Point de départ de cette œuvre : la distinction honorifique de “danseur de l’année” qui lui a été attribuée par le magazine Tanz. Quand j’ai reçu un e-mail m’informant que j’avais reçu le titre de ‘danseur de l’année’, j’ai cru que c’était une blague. Puis, quand j’ai découvert que c’était bien réel, c’est devenu un sujet de plaisanteries. Ensuite j’ai pris conscience que si je plaisantais, c’était parce qu’une partie de moi était à la fois surprise et flattée. Le fait que j’en sois flatté était aussi un problème pour moi, parce qu’en tant qu’artiste je me considère davantage comme un chorégraphe que comme un danseur. Ma danse n’est pas virtuose, elle ne répond pas aux idéaux de la danse moderne, ni postmoderne. Je crée mon propre langage, et il provient surtout de mon imagination.

 

Fort de son background de théorie critique, Harrell s’emploie donc à créer un solo qui interroge la hiérarchisation des styles de danse et des danseurs, tout en questionnant sa pratique. Que signifie danser pour lui ? Comment danse-t-il au juste ? Et quelle trace espère-t-il laisser en tant que danseur ? Cette mise en perspective, à la fois critique et historique, prolonge la réflexion entamée par l’artiste à New York : avec Twenty Looks or Paris Is Burning at the Judson Church, Trajal Harrell postulait la rencontre de vogueurs de Harlem avec la scène de la danse postmoderne américaine des années 60, caractérisée par des chorégraphes comme Trisha Brown par exemple.

S’inspirant à la fois du défilé de mode et du voguing, croisés avec les principes de répétition et de minimalisme posés par Yvonne Rainer et consorts, Trajal Harrell inventait alors à la fois un protocole, un langage propre et un espace de fiction. Dans cet espace, les questions liées aux constructions identitaires et à la présentation ou à l’invention de soi occupent une place importante. De là découle l’intérêt de Harrell pour la mode : “Ce qui m’intrigue dans la mode, c’est la façon dont les gens interprètent l’aspect culturel de l’habillement. La mode a beaucoup à dire sur les identités, sur la politique, sur les comportements humains.” Les costumes de Dancer of the Year, choisis et réalisés par l’artiste lui- même, participent donc pleinement du propos de Trajal Harrell qui retrouvera avec plaisir, à Paris en septembre, la ville où Olivier Saillard lui avait ouvert, il y a quelques années, les archives du musée Galliera.

 

 

Trajal Harrell, Dancer of the Year, les 21 et 22 septembre, Lafayette Anticipations, Paris IVe.