Qui est Tom Mercier, l’acteur franco-israélien qui a séduit Luca Guadagnino ?
Après son rôle inoubliable dans Synonymes, Ours d’or à la Berlinale en 2019, l’acteur franco-israélien Tom Mercier revient dans Ma Nuit, le premier film de la célèbre directrice de casting Antoinette Boulat.
Par Chloé Sarraméa.
Le 16 janvier dernier, à Milan, Tom Mercier défile aux côtés de la star de Twin Peaks Kyle MacLachlan, de Jeff Goldblum et d’Asa Butterfield (Sex Education) pour la collection Prada automne-hiver 2022-2023. Au milieu des mannequins et des stars internationales du cinéma aux uniformes impeccables, sa présence dénote : une silhouette impressionnante, un peu rigide, et un visage inoubliable, bien que moins familier que les autres. Juste avant cette Fashion Week, Tom Mercier n’est pas encore modèle mais déjà acteur, depuis 2019, date à laquelle il est apparu pour la première fois à l’écran dans le rôle de Yoav, un ancien soldat arrivé à Paris pour fuir Israël, son pays natal qu’il exècre. Le cinéaste très engagé Nadav Lapid lui offre alors, dans Synonymes, l’occasion d’imprimer sa belle gueule atypique – grandes oreilles, regard perçant et poches sous les yeux – dans la tête de tous ceux qui ont couru en salle voir le lauréat de l’Ours d’or de la Berlinale 2019.
Né en Israël dans une ville côtière et désormais installé en France, dont il a d’ailleurs acquis la nationalité, Tom Mercier, avec ce rôle marquant qui l’a parfois amené, dans les esprits, sur le terrain du politique, est un homme ordinaire qui a pris une stature exceptionnelle. Bien qu’il ne partage pas la rage de son personnage pour sa patrie, le jeune comédien tient à préciser qu’il est aussi français qu’israélien et préfère tourner une série américaine en Italie (We Are Who We Are) avec Luca Guadagnino qu’interpréter des personnages qu’on lui propose dans son pays natal. “Après Synonymes, je me suis demandé comment équilibrer mes forces, devenir plus calme… Je me suis dit qu’il fallait aussi savoir s’amuser avec des rôles moins forts, des seconds rôles. Ce qu’on me proposait en Israël était trop ‘grand’ à mes yeux”, analyse-t-il. C’est pourquoi il a accepté, dans Ma Nuit d’Antoinette Boulat, d’incarner Alex, un type un peu loufoque qui rencontre Marion dans une rue de Paris la nuit et n’hésite pas à se jeter dans la Seine pour la faire rire et la séduire.
Garçon pensif, concentré et consciencieux, Tom Mercier, tout de Prada vêtu lorsqu’on le rencontre, est de ces acteurs qui pourraient appartenir à n’importe quelle époque. C’est un apollon propulsé, sans qu’il comprenne, au XXIème siècle. Avant de répondre à telle ou telle question, il se stoppe parfois longuement, presque dans la position du Penseur de Rodin et finit par lâcher comme s’il rappait : “Paris, c’est la cité !”. L’homme est fasciné par des figures, qui, même s’il n’en a pas conscience, ont été un jour comme lui : des types comme tout le monde prêts à faire de grandes choses. Il cite volontiers Roméo Castellucci, metteur en scène et performeur italien transgressif qui n’hésite pas à jouer dans ses propres pièces et est souvent accusé de blasphème et Luciano Pavarotti. Il raconte, des étoiles dans les yeux, la fois où le ténor a chanté à l’Opéra Bastille, en 1999, et où des gens qui n’avaient pas les moyens de se payer une place se sont postés sur la place faisant de ce jours-là celui où l’Opéra a envahi la rue.
Outre Maria Callas, qu’il admire parce qu’elle fait des “fautes”, le jeune comédien s’emballe à l’évocation du contexte politique en France. Tom Mercier, qui parle un français presque impeccable alors qu’il a débuté l’apprentissage de la langue il y a quatre ans, évoque tout de suite la guerre en Ukraine. Comment prévoir de voter Macron ou Mélenchon à l’élection présidentielle quand un pays qui tente depuis des années d’établir, en vain, un lien fort avec les démocraties européennes se retrouve bombardé ? “Peut-être pourrait-on décaler les élections…Le président ukrainien était l’acteur d’une série où il joue un président qui vient d’être élu. Là, il se retrouve en pleine guerre, ou les pistes d’aéroport sont bombardées… On dit que c’est l’affaire de la Russie ou de l’Ukraine mais que fait l’Europe ?” regrette celui qui a renoncé à une carrière de sportif de haut niveau par horreur de l’excès de rigueur. L’artiste qui, comme le montrent des vidéos postées sur son compte Instagram, voue une passion à la danse – synonyme de relaxation et d’écoute – et se plaît à fouiller pendant des heures dans les bacs du magasin du 10e arrondissement parisien Potemkime pour enrichir sa collection de DVD se perd parfois dans des questions métaphysiques – “Pourquoi les êtres humains dorment-ils ensemble ? Peut-on parler d’équilibre quand il s’agit d’argent ?” – avant d’affirmer qu’il doit pas se faire submerger par ces mêmes interrogations. Il est néanmoins certain, avec son physique et sa voix inoubliables qu’il est un acteur à part. Il sera sans aucun doute, dans les prochaines années, là où on ne l’attend pas : “Je suis un autodidacte. C’est ma chance et c’est mon enfer. Mais un bon enfer peut devenir un paradis.”
Ma Nuit (2022) d’Antoinette Boulat, en salle.