Qui est La Ribot, performeuse récompensée d’un Lion d’or à la Biennale de la danse de Venise?
Mise à l’honneur l’an dernier dans le cadre d’un grand “portrait” au Festival d’Automne, la performeuse et chorégraphe espagnole La Ribot recevra, le 15 octobre, un Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière à la 14e Biennale de la danse de Venise.
Par Chloé Sarraméa.
Un soir de septembre 2019, au premier étage du Centre Pompidou, une rousse loufoque s’est glissée nue dans une chaise pliante. Frénétiquement, elle plie et déplie l’objet autour d’elle, de plus en plus vite, de plus en plus brutalement. Cette femme n’est pourtant pas une illuminée perdue dans les couloirs du musée… c’est Maria Ribot, danseuse, performeuse et chorégraphe espagnole à laquelle le Festival d’Automne a consacré, cette année là, un grand “portrait”.
La chaise n’a pas été posée là au hasard. Elle fait partie de la scénographie des trente-quatre courtes performances de la pièce Panoramix, longue de trois heures et programmée ce soir là Beaubourg. À côté du siège en bois sont disposés une quantité d’autres objets du quotidien : un mini miroir est posé au fond de la pièce tandis qu’à l’opposé, une radio crache des voix à peine audibles, des vêtements ont été scotchés au mur et un rouleau d’adhésif semble attendre son propriétaire au milieu de la salle… Véritable catalogue de numéros, Panoramix est un enchaînement de performances ultra millimétrées, souvent drôles et surtout étranges que La Ribot exécute sans réfléchir, allant d’un bout de la pièce à l’autre, suivie par le public (certes restreint), utilisant les objets tour à tour puis les délaissant pour aller s’affairer ailleurs.
Le spectacle n’est pas vraiment inédit… Il a presque trente ans – La Ribot, elle, en a 57. Adapté des Piezas distinguidas (en référence à Erik Satie et ses Valses distinguées composées au début du XXe siècle), cinquante-trois saynètes conçues par l’Espagnole entre 1993 et 2003, Panoramix est un blockbuster. Programmés dans des théâtres, des galeries d’art et des musées, les trente-quatre tableaux minutieusement compilés, numérotés et labellisés interrogent (de manière très frontale) la place du corps féminin dans la société. Aussi, ils tournent en dérision le consumérisme et la fétichisation des objets.
Une chorégraphe comique
Un an après avoir été célébrée à Paris, La Ribot revient sur les devants de la scène, mais cette fois-ci à Venise où elle s’apprête à recevoir à la Biennale de la danse le Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière. Là, elle réinterprètera le 13 octobre – et pour la première fois en Italie – sa pièce Panoramix. Cet évènement sera aussi l’occasion pour les aficionados de danse de découvrir le travail d’une artiste inclassable…
Depuis 38 ans maintenant, la performeuse met son corps à rude épreuve. Nue dans Panoramix, essouflée dans Please Please Please (2019) – sorte de pièce de théâtre chorégraphiée plutôt hilarante et imaginée avec Mathilde Monnier et le metteur en scène portugais Tiago Rodrigues –et dévergondée dans Socorro ! Gloria ! (1991) – où elle s’essayait au strip-tease – La Ribot n’hésite pas à utiliser la chair pour raconter un féminin pluriel, libéré de tous les carcans et de toutes les injonctions du patriarcat. Bref, une femme qui n’entre pas dans le “moule”.
Formée par la danse classique au début de l’adolescence, la Madrilène se tourne vite vers le contemporain et fonde sa propre compagnie, la Bocanada Danza, en 1986. Elle a seulement 24 ans. Vite propulsée vers la reconnaissance avec ses Piezas distinguidas (initiées au début des années 90), la chorégraphe suisso-espagnole se tourne vers d’autres médiums : des vidéos – Mariachi 17 (2009), plan-séquence sur les coulisses d’une création ou Films Noirs (2014), en hommage aux oubliés de l’industrie du cinéma –, une exposition – Se Vende (2019), compilation d’archives au Centre Pompidou – et une installation – Walk the Chair, sorte d’hommage au fameux objet en bois utilisé dans Panoramix. Finalement, toutes ces oeuvres ont un ADN commun : un squelette comique indiquant ce qui se révèlera être l’objectif de La Ribot, ne pas se prendre au sérieux.
La Ribot recevra un Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière le 15 octobre à la Biennale de la danse 2020 à Venise.
Ses pièces et performances sont régulièrement en tournée en France.