Que vaut Yellowjackets, la nouvelle série de Canal+ avec Juliette Lewis et Christina Ricci ?
En 1996, une équipe de football féminine, victime d’un crash aérien, échoue dans une forêt… Si l’on pouvait redouter les clichés, cette série captivante diffusée sur Canal+ nous mène sur des terrains totalement inattendus.
Par Olivier Joyard.
Dans le flux des séries qui saturent les écrans, comment trouver la perle, celle qui nous fera rester un peu plus longtemps éveillé ? Cette question, il paraît évident que l’équipe créative de Yellowjackets se l’est posée tout au long de la fabrication de cette première saison explosive, en multipliant les pistes narratives, les points de vue et même les décors, comme s’il fallait une approche maximaliste pour parvenir à pouvoir aujourd’hui capter l’attention. Contre toute attente, le pudding reste redoutablement digeste, dans les pas d’un petit groupe de personnages irrésistibles.
Tout commence avec une équipe de football féminine dans un lycée cliché du New Jersey, qualifiée pour participer à la finale nationale à Seattle, à l’autre bout du pays. Nous sommes en 1996. L’avion qui conduit les joueuses sur place s’abîme dans une forêt, et la fiction commence, qui montre le petit groupe de survivantes isolées et révèle peu à peu les failles, les amours et les haines qui les ont menées là. Mais cela ne suffit pas. Nous voyageons en arrière, dans les mois qui ont précédé le crash, mais aussi, et c’est plus original, vingt-cinq ans plus tard, alors que certaines de ces femmes vivent une existence classique… ou presque. L’une est politicienne, l’autre femme au foyer, la troisième célibataire endurcie, et ce n’est pas terminé…
Vivre à plusieurs époques, être soi dans la multiplicité, tel est le privilège des personnages d’une bonne série contemporaine. Lost avait touché à cette idée il y a presque deux décennies, avec son petit groupe de rescapés échoués sur une île mystérieuse. On y pense ici beaucoup, mais pas seulement. La création d’Ashley Lyle et Bart Nickerson, deux scénaristes jusqu’alors cantonnés aux rôles secondaires dans les salles d’écriture de Narcos: Mexico, se nourrit aussi d’un autre souffle. On reconnaît l’influence de This Is Us, le mélo de Dan Fogelman qui achève en ce moment sa dernière saison. D’une scène à l’autre, alors que les époques se répondent et s’emboîtent, des effets vertigineux de suspens et de mélancolie se créent. Ils rendent Yellowjackets férocement originale. D’autant que les genres se mélangent.
Nous pensions nous installer devant une série ado ? Voilà que les stigmates du cinéma d’horreur se profilent. Nous étions accrochés par un thriller à clés ? Le spectre du drame réaliste apparaît. Tout s’enchevêtre et à peu près tout nous réveille. Celles et ceux qui préfèrent l’esprit “ligne claire” passeront leur chemin. Les autres y trouveront un plaisir foisonnant, d’autant que cette série diffusée sur la chaîne câblée Showtime a attiré un casting haut de gamme. En plus des ados jouées par des actrices émergentes telle la Canadienne Sophie Nélisse ou l’Américaine Jasmin Savoy Brown, Yellowjackets accueille – c’est son idée forte – deux comédiennes dont l’heure de gloire date plutôt de la fin des années 90 : Juliette Lewis et Christina Ricci, qui s’amusent beaucoup à nous entraîner dans un exercice de nostalgie tordue. À côté d’elles, l’une des figures les plus intéressantes du cinéma indépendant depuis vingt ans, Melanie Lynskey (Créatures célestes, Don’t Look Up). De quoi attendre, déjà avec impatience, la deuxième saison, en cours de tournage…
Yellowjackets (2022) d’Ashley Lyle et Bart Nickerson, disponible sur Canal+ et MyCanal.