Que vaut Halston, la nouvelle série Netflix signée Ryan Murphy avec Ewan McGregor en légende de la mode américaine ?
Sexe, drogue, mode, fièvre disco et tragédie… le cocktail de la nouvelle série Neftlix de Ryan Murphy colle bien aux obsessions du showrunner star. Consacré à l’icône de la mode new-yorkaise des années 70 et 80 Roy Halston Frowick, le biopic en cinq épisodes offre un rôle taillé sur mesure à son interprète phare, Ewan McGregor, aussi étincelant et sensuel qu’une création couture de l’ex-rival de Calvin Klein.
par Violaine Schütz.
A quoi carbure Ryan Murphy, l’un des showrunners les plus flamboyants du moment ? Celui qui compte parmi ses créations Glee, American Horror Story et Pose enchaîne les projets à la vitesse de la lumière. Après avoir développé Hollywood et Ratched, il s’attelle, avec Sharr White, à une nouvelle série dévoilée ce vendredi 14 mai sur Netflix : Halston. Le biopic en cinq épisodes est l’occasion d’aborder des thèmes cruels et clinquants qui lui sont chers : le côté obscur qui affleure sous le vernis pailleté et craquellé des milieux glamour ainsi que la chute qui succède à la gloire. La mini-série revient en effet sur la vie du couturier Roy Halston Frowick dit Halston, légende de la mode américaine des années 60, 70 et 80. L’épisode d’ouverture met en scène son tout premier succès : un bibi créé pour Jackie Kennedy porté le jour de l’investiture de son mari, le président des États-Unis John Fitzgerald Kennedy, en 1961. Un modèle qui va décoiffer les critiques et imposer le nom d’Halston sur le devant de la scène. D’abord chapelier, celui qui, enfant, réalisait des couvre-chefs pour faire sourire sa mère, lance finalement une ligne de vêtements à la fin des sixties. Très vite, ses créations élégantes et sexy aux coupes minimalistes habillent son amie Liza Minnelli (jouée par Krysta Rodriguez dans la série). Puis séduiront Bianca Jagger, Liz Taylor, Ali McGraw, Anjelica Huston, Margaux Hemingway, Lauren Bacall, ainsi que des femmes de la haute société, comme celles qui battent le pavé. Brillant et moderne, Halston faisait défiler des mannequins noires bien avant que le manque d’inclusivité dans le mode ne soit pointé du doigt et assumait ouvertement son homosexualité à une époque où encore beaucoup d’hommes célèbres se cachaient. La série nous plonge, grâce à des images chatoyantes et une B.O. grandiose (où l’on retrouve le Velvet Underground, David Bowie, Donna Summer, Cocteau Twins) dans l’ébullition du New York des années hippie, disco et new-wave. On s’amourache très vite des “Halstonettes”, ses mannequins et muses qui entourent le créateur dont fait partie l’irrésistible Elsa Peretti (la Française Rebecca Dayan) et on se prend d’affection pour l’ambivalent Halston.
Un rôle taillé sur mesure pour le charisme d’Ewan McGregor
Le créateur se décrit comme un marginal qui s’est fait tout seul. On le voit d’ailleurs se métamorphoser à coup de cols roulés, cheveux gominés en arrière et poudre bronzante sur tout le visage. Originaire de l’Indiana, le couturier se déplace rarement sans son trench, ses épaisses lunettes de soleil et ses cigarettes qu’il fume à la chaîne. Il va même jusqu’à changer son accent pour le rendre plus chic et ainsi plaire au gratin qui constitue le cœur de cible de sa clientèle. Caractériel, obsessionnel, têtu et cinglant, il lui faut s’entourer d’orchidées hors de prix – et de cocaïne – pour créer ses collections et à la moindre contrariété, l’homme boude comme un enfant. Pourtant, grâce au talent d’Ewan McGregor, complètement habité par son personnage, il est difficile de résister à Halston. L’acteur écossais qui peut absolument tout jouer, du toxicomane (Trainspotting) à l’écrivain torturé (The Ghost Writer), aussi à l’aise dans le Montmartre du début du XXe siècle (Moulin Rouge) qu’en chevalier jedi maitrisant des sabres laser (Star Wars), émeut en dans le rôle Halston. Charismatique, génial, déluré, drôle, généreux, exubérant, il fascine autant qu’il agace que ce soit lors de ses frasques et coups de sang comme dans ses moments de fragilité. Malgré sa mue en star de la mode, il cache mal ses insécurités et son enfance compliquée qui le conduisent à abuser de toutes sortes de drogues. Le couturier montre ses facettes les plus vulnérables et les plus attachantes lorsqu’il est face à ses amants, notamment le gigolo Victor Hugo (le formidable Gian Franco Rodriguez) qui lui réclame une déclaration d’amour dans une scène bouleversante. Pour entrer dans la peau de d’Halston, Ewan McGregor s’est beaucoup documenté et a même confectionné lui-même quelques pantalons à la machine à coudre. Si le rôle lui va comme un gant, on imagine que c’est aussi parce qu’il a dû puiser dans son passé et ses propres addictions. Sobre depuis le début des années 2000, il a déclaré avoir failli mourir à cause de ses excès d’alcool durant les années 90.
Des lendemains qui déchantent
Outre son casting haute couture, la grande force d’Halston, c’est sa justesse dans sa façon d’aborder le milieu de la mode. Au moment où le couturier débute, la création made in USA est souvent dans l’imitation des créateurs européens. Halston va bouleverser les codes en devenant l’un des premiers couturiers new-yorkais “stars”, de ceux qui défendront la mode américaine lors de la fameuse “Bataille de Versailles” de 1973 : un défilé exceptionnel au cours duquel des grands noms du luxe français affrontaient leurs homologues américains Dans Halston, on assiste aux grands changements qui s’opèrent dans la mode entre les années 60 et la fin des années 80. Le couturier éprouve des doutes face à la signature d’un gros contrat dans lequel il vend son nom – et une partie de sa liberté créative – à un homme d’affaires – incarné par l’inquiétant Bill Pullman – au profit d’une certaine sécurité. On sent alors un homme tiraillé entre son statut d’artiste et son indépendance et l’envie de réussir et le besoin de sécurité. Un questionnement personnel qui fait écho à des réflexions plus vastes sur l’essence de la couture et du prêt-à-porter, ou encore l’importance, pour une marque de se diversifier à travers les parfums et les accessoires. Hélas, cette profondeur thématique se heurte parfois à une réalisation classique, timorée et distante de Daniel Minahan, étrangement sobre comparée à l’univers pop et féroce de Ryan Murphy. La série ne parvient pas à nous faire ressentir la folie de l’âge d’or du disco et la décadence associée au Studio 54, club mythique fréquenté assidûment par Halston et sa bande à laquelle appartenait Andy Warhol. Les bacchanales (entre orgies filmées, alcool et drogue) auxquelles s’adonnait Halston ne sont abordées que brièvement à la fin de l’épisode 3 et dans l’épisode 4, alors qu’elles faisaient partie intégrante du mythe de cette icône de la mode. La série s’achève sur un épisode déchirant et sublime où le créateur veut repartir à zéro et se consacre à des costumes pour la compagnie de danse de Martha Graham. Dépossédé de son nom et de sa marque et très affaibli, il meurt en 1990, âgé de 57 ans, des suites de complications liées au sida. Si le couturier n’a jamais réussi à récupérer son nom, son aura est demeurée intacte, et exercera une influence majeure sur d’autres créateurs audacieux tels que Tom Ford.
Halston, série écrite par Ryan Murphy et Sharr White, réalisée par Daniel Minahan. Disponible sur Netflix.