Pourquoi le film Carmen de Benjamin Millepied est l’une de ses meilleures danses

Plus rien n’arrête Paul Mescal. L’acteur irlandais de 27 ans découvert dans la série Normal People (2020), merveilleux dans Aftersun (2023), sera à l’affiche de presque dix films entre 2023 et 2025 dont le blockbuster Gladiator 2 de Ridley Scott. En attendant on pourra retrouver sa musculature de statue grecque et son regard mélancolique dans Carmen, le premier long-métrage du Français Benjamin Millepied. Le danseur et chorégraphe star âgé de 46 ans a écrit le scénario et réalisé cette adaptation, très libre, du célèbre opéra du compositeur Georges Bizet créé en 1875. Dans la version originale, l’action se déroule à Séville, en Espagne. Lors d’une querelle, Carmen, une bohémienne fougueuse et libre, séduit un brigadier nommé Don José, déjà fiancé à Micaëla. Elle lui laisse entrevoir une belle histoire d’amour et il lui permet de s’échapper de prison mais Don José se fait emprisonner lui-aussi.  

1. Carmen 2023 : l’opéra de Georges Bizet modernisé par Benjamin Millepied

Cette histoire de passion et de violence séduit toujours mais c’est une version très moderne, avec un fond sociétal – qui met en scène l’immigration à la frontière entre le Mexique et les États-Unis -, que propose Benjamin Millepied. En effet, dans sa relecture, Carmen (Melissa Barrera), qui était au départ une bohémienne que tous les hommes veulent posséder, est plus humaine libre et possède une dimension très féministe. Elle le dit clairement : elle n’appartient à personne d’autre qu’elle-même. Chez Benjamin Millepied, c’est une jeune Mexicaine qui tente de traverser la frontière, avant de tomber sur une patrouille américaine, notamment Aidan (Paul Mescal), un ex-marine taiseux souffrant de stress post-traumatique. Alors qu’un autre patrouille veut s’en prendre à elle, Aidan lui sauve alors la vie en tuant l’un de ses collègues. Résultat ? Les deux amoureux sont désormais traqués par les forces de l’ordre, façon Bonnie et Clyde ou Thelma et Louise et doivent fuir. Ils se dirigent alors vers Los Angeles et trouvent un temps refuge dans un club, la Sombra Poderosa, temple de la danse torride tenu par une femme proche de la mère Carmen (jouée par Rossy de Palma), qui a été assassinée au début du film.

2. Paul Mescal et Rossy de Palma au casting de Carmen

Ce film flamboyant tient en grande partie sa force de son casting. Le charismatique Paul Mescal, nommé aux Oscars 2023 pour son rôle dans Aftersun, parle peu mais fait passer beaucoup de choses dans son regard triste. Face à lui, Melissa Barrera, une actrice mexicaine de 32 ans vue dans Scream VI (2023) témoigne d’une énergie farouche et séduit par son regard noir intense et sa sensualité. Le duo est d’autant plus incandescent qu’il chante et danse réellement dans le long-métrage. Paul Mescal s’accompagne même, lors d’une séquence solitaire et poétique, à la guitare. Autres choix de casting judicieux ? La fascinante Rossy de Palma et Elsa Pataky (Thor: Love and Thunder), dans un rôle camp à souhait. Pour renouveler le mythe de Carmen, qui symbolise la passion poussée à son paroxysme, Benjamin Millepied a aussi vu grand en faisant appel au compositeur Nicholas Britell (Succession, Twelve Years a Slave) pour en concevoir la musique originale. Un musicien qui n’est autre qu’un ancien ami d’université de Natalie Portman, la femme du chorégraphe…

3. Des tableaux mystiques à la beauté lyrique

S’il s’agit du premier long-métrage de Benjamin Millepied, cela ne sent jamais dans Carmen. Il faut dire que le chorégraphe avait déjà travaillé sur les films Black Swan (2011) et Dune.(2021). Cette romance qui s’inscrit dans la lignée du spectacle Roméo et Juliette de Benjamin Millepied, présenté il y a peu à La Seine Musicale, en banlieue parisienne, fait penser à des pointures du cinéma. Certains éclairages font en effet songer à l’univers de Baz Luhrmann, tandis que des éléments surréalistes et étranges évoquent David Lynch. Il y a aussi du Tony Gatlif, du Emir Kusturica, du Pedro Almodóvar et quelque chose de West Side Story dans ce Carmen lyrique et poétique. On y découvre des moments de danse flamenco mystiques, des séquences amoureuses au romantisme épique et une scène de combat, chorégraphiée comme un ballet krump, impressionnante, à la fin du film. Comme l’indiquent les touches de couleurs néons qui illuminent ce film tragique, Benjamin Millepied mène une danse hypnotique qui prouve que la musique et le mouvement peuvent offrir des instants de répit salvateur face à un destin sombre.

Carmen (2023) de Benjamin Millepied, au cinéma le 14 juin 2023.