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Pourquoi il faut (re)voir It’s a Sin, la série essentielle sur les débuts du sida
À l’occasion des 30 ans du Sidaction, ces 22, 23 et 24 mars, il faut (re) voir la série It’s a Sin, diffusée sur France 2 le 25 mars 2024 et sur France TV. Le show, écrit par le brillant scénariste Russell T. Davies met en scène cinq jeunes homosexuels (dont l’acteur et chanteur Olly Alexander) au début des années 80. Le Britannique dépeint avec beaucoup de finesse et d’empathie leur quotidien en pleine flambée de l’épidémie de sida. Un bouleversant hymne à la vie.
par Olivier Joyard.
Au début des années 80, une effrayante épidémie baptisée le “cancer gay” par la presse populaire faisait son apparition à Londres, comme dans la plupart des grandes capitales occidentales. Les mots “sida” et “HIV” n’existaient pas encore et des hommes mouraient en quelques mois sans que l’on comprenne pourquoi.
It’s a Sin, une série importante sur les débuts du sida, à voir sur France 2 et France TV
C’est ce moment précis que Russell T. Davies, l’un des plus grands scénaristes britanniques contemporains, choisit comme point de départ pour le récit de la série It’s a Sin. Lui-même avait 18 ans en 1981, soit à peu près l’âge des cinq personnages, cinq jeunes homosexuels que l’on voit débarquer dans la capitale anglaise pleins d’espoirs, de désirs et de vie. Tous fuient un milieu familial plus ou moins délétère et intolérant. L’un veut devenir acteur dans le West End, un autre travailler à Savile Row, un troisième entrer dans le monde des cabarets, etc. En cinq épisodes, nous traversons toutes la décennie des eighties, passant constamment de l’ombre à une forme de lumière malgré tout.
Une série créée par Russell T. Davies avec le fabuleux Olly Alexander
Russell T. Davies a l’habitude de proposer des séries à forte valeur historique et de témoigner sur le monde tel qu’il le perçoit, à la fois vibrant et violent. Il utilise la télévision comme une forme d’éducation, sans jamais renier ses ambitions artistiques. Ses séries ont toutes en elles une drôlerie, un sens du récit vivace et un goût pour le tragique, qui marquent les esprits.
Son premier coup d’éclat, en 1999, s’appelait Queer as Folk, première série au monde dont les personnages principaux étaient tous gays, dont le remake américain produit dans la foulée connut un succès considérable. Contrairement à beaucoup d’autres, l’homme n’a pas baissé le pied avec les années, conservant sa créativité intacte dans un système pourtant ultra concurrentiel. En 2019, l’incroyable Years and Years nous jetait de plain-pied sur une planète en crise, en suivant une famille en proie à l’enfer du climat devenu fou, à la corruption généralisée et aux tensions politiques dangereuses liées au populisme et aux inégalités. Celles et ceux qui l’ont vue en tremblent encore.
It’s a Sin – qui met en scène le fabuleux Olly Alexander – a la même ambition de faire partager une histoire au long cours, saisie dans toute son ampleur, mais avec un supplément d’intimité qui n’a pas de prix. Il y a quelque chose de bouleversant dans la série, qui n’a pas seulement à voir avec son sujet à proprement parler, lequel suscite tristesse et colère – des gens sont morts seuls, comme des pestiférés. Car Russell T. Davies tient jusqu’au bout une idée hautement politique qui n’en a pas forcément l’air.
Bien sûr, It’s a Sin montre à quel point l’homophobie a coûté des vies, mais le projet profond de la série est de confronter pulsion de vie et pulsion de mort avec une force assez fascinante. Le premier épisode est conçu comme une sorte de ballet entre des corps en pleine santé, qui font l’amour sans retenue, draguent, se découvrent, et un autre que la mort envahit peu à peu. Dans le regard plein d’empathie de Russell T. Davies, les deux ont le droit d’exister à égalité, mais la vie gagnera toujours. Ce sont les corps désirants qui incarnent l’avenir et la promesse d’un monde meilleur, eux qu’il faut laisser exister dans la fiction coûte que coûte.
It’s a Sin, une série créée par Russell T. Davies, avec Olly Alexander, disponibles sur France TV et diffusée le 25 mars 2024 sur France 2.