Pedro Almodóvar ouvre la Mostra de Venise avec un film fade et embarrassant
Présenté en ouverture de la Mostra de Venise, le dernier long-métrage de Pedro Almodovar, Madres Paralelas, n’entretien qu’un seul et infime lien avec la grandeur d’antan du cinéaste : Penelope Cruz.
Par Chloé Sarraméa.
Il y a deux ans, le cinéaste espagnol le plus célèbre au monde posait, dans son film autobiographique Douleur et gloire, la question de l’enfouissement du désir comme symptôme majeur de la dépression. Il avait lui-même cessé, un temps, de vivre avec le monde extérieur et vouloir de faire des films. Cette radiographie de son agonie – puis de sa renaissance – avait donné un chef-d’oeuvre en demi teinte, permettant d’offrir à Antonio Banderas un rôle de composition à la hauteur de son talent et, surtout, d’annoncer au monde : Pedro Almodóvar a enfin retrouvé l’envie de faire du (vrai) cinéma. Ce fut manifestement de courte durée.
Présenté en ouverture de la Mostra de Venise, son dernier long-métrage, Madres Paralelas, n’entretien qu’un seul et infime lien avec la grandeur d’antan du cinéaste : Penelope Cruz. L’actrice superstar incarne Janis, une photographe de mode de quarante ans heureuse d’être tombée enceinte par accident. À la maternité, elle rencontre Ana, une adolescente pommée et effrayée par son accouchement imminent… La jeune femme ne peut compter sur personne pour l’aider à élever le bébé, pas même sa mère, Teresa, une actrice vieillissante obnubilée par sa carrière et sa future tournée sur les planches. Elle va bientôt tisser un lien tout particulier avec son aînée, Janis, qui, elle, refuse tout lien avec le père de sa fille, un archéologue qui lui a promis de l’aider à retrouver la sépulture de son arrière grand-père.
D’emblée, les ingrédients ayant défini le style almodovarien qui, il y a plus de quinze ans, réjouissait la planète entière, sont réunis. On retrouve alors les obsessions du cinéaste et l’essence même de son écriture, réunissant mélo, histoire de sororité, personnages névrosés et rebondissements plus ou moins prévisibles. Pourtant, rien n’y fait. Ce qui autrefois faisait de son cinéma un territoire charmant, pas toujours subtil mais délicieusement kitsch a disparu. Il reste des actrices mal dirigées, particulièrement la jeune Milena Smit (qui incarne Ana) et une photographie et des décors digne d’un téléfilm. Bien que cela ait eu tout son charme à l’heure de ses meilleurs comédies, comme Femmes au bord de la crise de nerfs (1988), les scènes d’extérieur tournées en studio et les fondus enchaînés ne font que rendre encore plus embarrassante cette superproduction qui se veut politique mais se révèle simplement grossière.
Avec cette histoire de mères “connectées”, Almodóvar souhaite en effet zoomer sur l’histoire de l’Espagne, où, lors de la guerre civile, des milliers de victimes de la dictature franquiste ont disparu, laissant leurs enfants orphelins. Il délaisse pourtant son but au profit de sous intrigues lourdes, comme l’échange des deux bébés à la maternité et la volonté, pour le personnage de Janis, de se convaincre que les origines manifestement sud-américaines de sa fille sont héritées de son grand-père, qu’elle-même n’a jamais connu. En rupture avec la réalité – les mères se plaignent d’être débordées, mais on ne compte plus les personnages de bonnes et de filles au pair – ostensiblement “luxe” alors qu’il se veut engagé – avec des costumes griffés de grandes maisons de mode et une flopée de placements de produit… On pourrait presque voir dans Madres Paralelas une satire de la bourgeoisie. Tout est malheureusement à prendre au premier degré : Almodóvar n’est plus drôle pour un sou, et se confond en ridicule. Peut-être a t’il raté, avec Douleur et gloire, l’occasion de livrer son testament.
Madres Paralelas (2021) de Pedro Almodóvar, en salle le 1er décembre.
Un cycle Pedro Almodóvar est en ce moment programmé sur MUBI.