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Rencontre avec Olga Kurylenko, la James Bond girl devenue scream queen
Après avoir joué dans le James Bond Quantum of Solace et dans les films d’action Black Widow et Thunderbolts, l’actrice Olga Kurylenko n’en finit plus de nous surprendre. Cette semaine, elle est à l’affiche du film d’horreur psychologique Other, qui évoque les affres de la beauté, perçue comme une malédiction. À cette occasion, la star se confie sur années de mannequinat et son amour pour les films d’auteur.
propos recueillis par Violaine Schütz,
et Margaux Coratte.

Depuis sa révélation en tant que James Bond girl en 2008 dans Quantum of Solace, l’actrice franco-ukrainienne Olga Kurylenko a tourné dans plus de cinquante long-métrages, alternant entre grosses productions hollywoodiennes (Black Widow, Hitman, Thunderbolts) et films d’auteur.
À cheval entre les cultures, l’actrice s’est illustrée aussi bien auprès de Ben Affleck dans À la Merveille (2013) de Terrence Malick qu’en tant que victime directe de la catastrophe de Tchernobyl dans La Terre outragée (2012) de la réalisatrice israélienne Michale Boganim.
De James Bond girl à scream queen
Cette semaine, elle joue les scream queens dans un film d’horreur psychologique, Other. Le pitch de ce thriller prenant ? “Lorsque sa mère meurt brutalement, Alice, qui avait rompu tous les ponts depuis des années, se voit contrainte de rentrer chez elle pour régler les démarches funéraires. Elle renoue, malgré elle, avec une jeunesse traumatique quand elle revient dans cette maison où rien, pas même sa chambre d’adolescente, ne semble avoir changé…” Rencontre avec une actrice solaire et attachante.
L’interview de l’actrice Olga Kurylenko, star du film Other
Numéro : Qu’est-ce qui vous a donné envie de jouer dans le film Other ?
Olga Kurylenko : J’ai aimé le fait que le film explore tellement d’émotions et de traumas d’enfance. C’est un thriller psychologique qui évoque la maltraitance et comment nos traumas sont difficiles à résoudre lorsqu’on est adulte. J’ai toujours été fascinée par les gens traumatisés ou maltraités. Depuis mon enfance, je lis des choses sur le sujet. D’ailleurs, je voulais être psychiatre. Du coup, j’essayais de me mettre, plus jeune, dans la peau des personnes qui développent des maladies psychiatriques en raison de traumatismes. Donc évidemment, incarner ce personnage traumatisé par sa mère me semblait passionnant.

“En tant que mannequin, je recevais toujours des commentaires sur ce que je mangeais.” Olga Kurylenko
Êtes-vous fan de films d’horreur ?
J’ai toujours aimé les films d’horreur psychologiques et les thrillers. Mais je ne peux pas regarder ceux qui sont gore et comprennent de la violence physique.
Le film Other interroge, à travers la présence inquiétante de caméras de vidéosurveillance, le côté invasif de la technologie. Quel est votre rapport aux téléphones… ?
Je trouve les réseaux sociaux et les téléphones portables très nocifs pour les adultes mais surtout pour les nouvelles générations. Ça m’inquiète. Et je pense qu’à un moment donné, il faut vraiment essayer de protéger les plus jeunes de cette exposition.
“Après James Bond, j’ai voulu casser mon image et j’ai refusé beaucoup de rôles.” Olga Kurylenko
Le film parle de l’obsession pour la beauté et la perfection. En tant qu’ex-mannequin, comment cela vous a-t-il parlé ?
Je connais ça parce que j’ai évolué dans le business de la mode, dans lequel les gens étaient obsédés par la perfection. Moi, je n’ai jamais été obsédée par l’apparence. Mais en tant que mannequin, je recevais toujours des commentaires sur ce que je mangeais et ce que je buvais, par exemple. Tout était surveillé. Ça m’avait surpris à l’époque parce je ne comprenais pas pourquoi il fallait commenter ce genre de choses. Pour moi, c’était un choc. J’ai connu des filles qui ne mangeaient plus rien et qui tombaient devant les pommes. C’était très difficile. Je trouvais ça invasif et destructeur. Et quand c’est sa propre mère, comme c’est le cas dans le film Other, qui exerce ce type de pressions sur sa fille, c’est d’autant plus grave.
Et est-ce qu’à vos débuts, on vous a proposé beaucoup de rôles en lien avec votre beauté ?
Mon premier film, L’Annulaire, n’avait rien à voir avec ça (il raconte l’histoire d’une femme qui travaille dans une usine de mise en bouteilles, où elle a un accident du travail, ndlr). Mais oui, ça a été le cas après mon rôle dans Quantum of Solace (sorti en 2008) avec Daniel Craig. Après avoir tourné dans le James Bond, j’ai reçu beaucoup de propositions de rôles très glamour. J’ai alors tellement voulu casser cette image que j’ai refusé beaucoup de rôles. Y compris dans des films de réalisateurs très, très connus. Parce que j’avais tellement peur d’être enfermée dans cette image. Parfois, j’y repense et je regrette un peu car j’ai raté des films avec de grands acteurs.

“Pour James Bond, j’ai réalisé certaines de mes cascades.” Olga Kurylenko
Quels souvenirs gardez-vous de votre rôle de James Bond girl ?
Cela m’a apporté plein de choses. J’ai adoré la préparation physique. Cela m’est resté d’ailleurs. J’ai même réalisé certaines de mes cascades. Après tout ça, j’étais bien préparée pour les films d’action. Je me suis découverte un talent là-dedans (rires). On m’a dit que j’apprenais très vite et que je le faisais bien. Donc, c’est pour ça que je pense que les gens se sont mis à m’offrir beaucoup de rôles de ce genre.
Certains acteurs ne regardent pas leurs films. Qu’en est-il pour vous ?
Je pense qu’il y a deux raisons à cela : soit on est très sûr de soi et on pense qu’on a pas besoin de regarder ses films, soit on a très peur de découvrir qu’on est mauvais. Personnellement je n’ai jamais eu peur de découvrir que je n’ai pas bien joué. Si ma performance n’est pas bonne je ne vais pas déprimer et aller me pendre ! C’est essentiel pour moi de me regarder pour m’améliorer. Je pense qu’on peut toujours résoudre un problème.

Comment choisissez-vous vos rôles ?
Ce sont le personnage et l’histoire qui comptent avant tout. Le personnage doit être intéressant à développer et posséder plusieurs facettes. Il faut qu’il y ait de nombreuses émotions à vivre, mais aussi un message à défendre. Ça, c’est ce que je préfère. Après, tous mes films ne répondent pas à ces critères (rires).
On vous a vu dans de nombreux films d’action tels que Black Widow, Thunderbolts ou Tyler Rake 2… Mais aussi, dans des films d’auteur…
Oui, j’essaie toujours d’intercaler les films musclés avec des films d’auteur. Au début de ma carrière je pensais vraiment que je ne ferais que des films d’auteur ! En que spectatrice, je vais surtout voir ce genre de projets. Mais j’aime le côté très physique des rôles dans les films d’action. Le travail du corps que cela implique et les entraînements intensifs. Et puis, ce sont des films qui ont une très grande exposition. Mais j’aimerais que les films d’auteur en aient autant. Qu’ils aient une telle portée… Et que les gens aient envie d’en voir plus !
“Je suis une personne un peu extrême. Avec moi c’est tout ou rien.” Olga Kurylenko
Il paraît que pour le film À la merveille de Terrence Malick, vous n’avez pas eu le droit de lire le scénario. Comment fait-on en tant qu’actrice, pour aborder un rôle de cette manière ?
En fait Terrence m’a fait venir deux semaines avant le début du tournage et il m’a énormément parlé de mon personnage. Je ne savais pas ce qu’il disait aux autres acteurs, c’était vraiment un travail individuel. Il a une manière très particulière de filmer, c’est un peu comme un documentaire. Il demande aux acteurs de visualiser leurs personnages, d’imaginer leurs réactions dans telle ou telle situation et après il les filme au quotidien. Par exemple il me suivait avec son caméraman la journée, il me disait d’aller à la messe ou encore de me disputer avec mon compagnon dans le film, Neil (joué par Ben Affleck), mais il ne me disait jamais ce que je devais dire, c’était à moi d’improviser.
Vous êtes parfois à l’affiche de trois ou quatre films en même temps. Comment faites-vous pour travailler autant ?
Je suis une personne un peu extrême. Avec moi c’est tout ou rien, il n’y a pas de juste milieu ! Quand je me mets à travailler, j’y vais à fond, j’enchaîne les tournages et je ne m’arrête que quand je suis totalement épuisée et que je n’ai pas le choix de faire une pause.

“ Mon deuxième mari ne voulait pas du tout que je travaille, mais c’était hors de question !.” Olga Kurylenko
Dans votre film The Room, votre personnage dit à son compagnon “Tu vas devenir un grand peintre et moi une femme au foyer parfaite”. Est-ce quelque chose que vous pourriez dire dans la vraie vie ?
Il y a quelques années, je vous aurais répondu non tout de suite. Mon deuxième mari ne voulait pas du tout que je travaille, mais c’était hors de question ! Aujourd’hui, après la période du confinement, j’ai réalisé qu’en fait j’aime bien être une femme au foyer. Et ça me fait un peu peur d’ailleurs ! Mais bon je m’occupe de mon fils, je lui fais l’école à la maison, je cuisine des petits plats, je fais du jardinage… Aujourd’hui si un homme me demandait de rester à la maison, je lui dirais oui (rires). C’est peut-être l’âge qui fait ça !
Toujours dans The Room, votre personnage habite une maison magique qui peut faire apparaître tout ce qu’on lui demande. Que demanderiez-vous si vous aviez accès à cette maison dans la réalité ?
Beaucoup de gens me posent cette question, mais pour être honnête je ne veux rien. On ne peut pas demander du bonheur ou la paix dans le monde car ce ne sont pas des choses tangibles. Moi je n’ai envie de rien de matériel. J’ai assez d’argent pour m’acheter des vêtements ou à manger. Bon… une voiture à la limite !
“Je n’ai envie de rien de matériel. J’ai assez d’argent pour m’acheter des vêtements ou à manger.” Olga Kurylenko
Sur votre compte Instagram, vous avez posté une publication le 8 mai 2020 pour célébrer le jour de la victoire des Alliés, ce qui a fait énormément réagir vos followers…
C’est incroyable les réactions que cette publication a pu avoir. Ça a créé une polémique comme je ne pouvais pas l’imaginer ! En fait ma mère a offert un jouet à mon fils, un tank en carton. Je l’ai dit sur Instagram et j’en ai profité pour souhaiter un joyeux 8 mai à tous, et là… Mon Dieu! Les gens ont tout mélangé. Des nationalistes ukrainiens extrémistes m’ont insulté, traité de traitre et accusé de soutenir le gouvernement russe. Ça n’a rien à voir ! Moi je voulais simplement commémorer la mémoire de ceux qui sont morts pendant la Seconde Guerre mondiale, c’est tout, je ne parlais pas du tout du conflit entre l’Ukraine et la Russie. Malheureusement, les médias s’en sont emparés et cette histoire a fait les gros titres dans la presse et à la télévision là-bas. Heureusement, certains m’ont quand même soutenue.
Avez-vous eu le même genre de réactions quand vous avez dénoncé le comportement d’Harvey Weinstein ?
Pas du tout. Étrangement personne n’en a parlé. Mais mon histoire avec Harvey Weinstein (elle a raconté qu’il lui avait donné rendez-vous dans sa chambre d’hôtel à Londres et a voulu la pendre dans ses bras avant qu’elle ne le repousse, ndlr) n’est pas aussi grave que celles d’autres actrices qui ont été violées.
“Je ne sais jamais quoi répondre quand on me demande si je me sens plus ukrainienne ou française !”
Vous êtes née en Union Soviétique, vous avez déménagé en France à l’âge de 16 ans, vous tournez aux Etats-Unis et avez habité à Londres avant de vous installer en Suisse. Avez-vous parfois le sentiment d’être un peu perdue ?
Pour moi, avoir plusieurs cultures et plusieurs langues est une vraie richesse. Je ne sais jamais quoi répondre quand on me demande si je suis plus ukrainienne ou plus française, je n’ai pas envie de choisir ! En plus c’est un réel atout dans mon métier, je peux tourner presque partout. Dans le film de Michale Boganim La Terre outragée, je parle trois langues !
D’ailleurs vous faites souvent les doublages en français de vos films…
Oui, pour moi c’est important de le faire car ça me permet d’avoir vraiment le contrôle sur mon jeu. J’adore aussi enregistrer la post-synchro, ce qui étonne toujours les ingés sons car en général aucun acteur n’aime faire ce travail. Pour moi, ça me permet d’analyser ma performance.
Pourriez-vous nous parler des films Autoscopie et Let God Sort It Out que vous avez tournés ?
Autoscopie, c’est une comédie très drôle avec Laurent Lafitte et Blanche Gardin que l’on a fini de tourner. Cela parle d’un homme dont le nouveau voisin est le sosie parfait. Let God Sort It Out, avec Martin Freeman, est un projet intéressant car il m’a demandé d’improviser, et ce, en anglais. Je n’avais jamais fait ça avant : il n’y avait pas de scénario. Mais vraiment pas. Même avec Terrence Malick, on avait des morceaux de textes qu’on pouvait suivre. Ici, tout était inventé au fur et à mesure, au jour le jour et on a réalisé de multiples essais. Tout va se jouer au montage, je pense.
Il y a aussi les projets Misdirection et Afterburn…
Oui, le premier raconte l’histoire d’un couple qui réalise une série de cambriolages pour rembourser une dette à la mafia. Et des images devraient bientôt sortir. Et Afterburn, c’est un film d’action et de science-fiction avec Dave Bautista et Samuel L. Jackson dont la bande-annonce vient d’être dévoilée.
Quels sont vos désirs de cinéma ?
Avant je vous aurais dit que j’aimerais tourner avec Lars von Trier ou David Lynch. Mais maintenant j’attends surtout d’être emballée par un projet. Pourquoi pas faire plus de comédies, histoire de changer un peu de registre !
Other de David Moreau, au cinéma le 9 juillet 2025.