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WizKid suit les traces de Drake et de Fela Kuti avec son nouvel album
Avec son quatrième album “Made In Lagos”, l’artiste nigérian WizKid assoit un peu plus son statut de star mondiale de l’afrobeats mais ne parvient pas réellement à talonner la légende Fela Kuti.
Par Lucas Aubry.
Enfant des quartiers populaires de Lagos, capitale économique du Nigéria, mégalopole bouillonnante de près de 20 millions d’habitants et épicentre culturel du continent africain grâce à ses courants musicaux et son industrie cinématographique prolifique, Wizkid est aux côtés de Burna Boy et Davido la star incontestée de l’afrobeats. Dans la lignée de l’afrobeat sans “s” – mélange de funk, de jazz et d’instruments folkloriques nigérians créé à la fin des années 60 par la légende Fela Kuti et son batteur Tony Allen – l’afrobeats infuse aujourd’hui dans la musique mainstream mondiale, mêlant les sonorités africaines au hip-hop ou à la dance.
Depuis le succès de son featuring avec Drake sur le tube One Dance (2016), deuxième morceau le plus écouté de la décennie sur Spotify, WizKid enchaîne les collaborations avec des artistes populaires comme Beyoncé, Chris Brown, Major Lazer, GoldLink ou encore Trey Songz. L’artiste de 30 ans revient aujourd’hui avec un quatrième album, Made In Lagos qui devrait asseoir un peu plus sa reconnaissance internationale grâce à la participation de Skepta, Damian Marley ou encore de l’étoile montante du R’n’B : la chanteuse H.E.R.
Conçu pour faire bouger la planète à coup de basses hip-hop, de dancehall, de reggae et de notes latines et caribéennes, Made In Lagos n’en est pas moins tourné vers le continent africain. En plus de mettre en lumière son homologue nigérian Burna Boy, qui n’en a plus vraiment besoin depuis son featuring avec Jorja Smith sur Be Honest (2019), Wizkid invite Tems et Tay Iwar, deux artistes issus de la jeune scène “alté” de Lagos, qui produit de la musique en toute indépendance et diffuse à grande vitesse ses créations sur Soundcloud et les réseaux sociaux.
Jeunes, talentueux, les artistes de cette scène “alté” tombent toutefois souvent dans les mêmes écueils que les stars de l’afrobeats. Malgré une puissance libératrice incontestable, les artistes populaires nigérians semblent délaisser les aspirations contestataires de leurs aînés pour les voitures de luxe et les jets-privés. Un penchant pour le bling-bling et le capitalisme apolitique que WizKid n’hésite pas à partager à ses 11 millions d’abonnés sur Instagram. On est bien loin des combats panafricanistes et socialistes menés sans relâche par le “Black President” Fela Kuti, dont WizKid et les ténors de la scène afrobeats continuent pourtant de se revendiquer comme les successeurs.
Une situation qui est peut-être en train de changer. À Lagos, où des millionnaires de plus en plus nombreux côtoient une extrême pauvreté, des milliers de manifestants protestent depuis le début du mois d’octobre contre les violences policières. Une vague de contestation sans précédent, fruit de la mobilisation de la jeunesse nigériane sur les réseaux sociaux, à laquelle WizKid a tenu à apporter son son soutien. En repoussant la sortie de son album, signe de respect pour les manifestants, en prenant son mégaphone pour guider une manifestation de soutien dans les rues de Londres ou en se servant de sa popularité pour interpeller publiquement son président. Après quelques avancées obtenues il y a quelques semaines par les militants, WizKid s’est adressé à la jeunesse sur Twitter : “ce n’est que le début (…) battez-vous pour vos droits”. Le début aussi pour la star nigériane, qui après avoir marché avec succès sur les traces de Drake, a encore beaucoup de chemin à parcourir pour devenir un symbole de liberté à l’image de son idole Fela Kuti.
WizKid, “Made In Lagos” [Starboy/RCA Records], disponible.