3 juin 2019

Steve Lacy déçoit avec un album qui sent le réchauffé

Après un premier EP rayonnant (Steve Lacy's Demo), le Californien Steve Lacy revient avec Apollo XXI, mais s’empêtre dans cet album entre hip-hop et indie pop : ses compositions underground bricolées, autrefois percutantes, peinent à convaincre sur la longueur.

Steve Lacy photographié par Alan Lear.

Guitariste charismatique du groupe The Internet, collaborateur de Kendrick Lamar et mannequin pour Virgil Abloh à ses heures perdues, le jeune Steve Lacy traîne derrière lui une grosse réputation : celle d’un type cool à qui tout réussit… Le jeune homme vient de Compton, sur la côte ouest des États-Unis, fief éruptif des bad boys du hip-hop. Né en 1998, il semble pourtant bien plus plus sage que ses homologues californiens. À seulement 21 ans, il est le type dont la précocité agresse l’ego des musiciens confirmés : à peine majeur, il a donc rejoint le groupe The Internet, a récemment collaboré avec Blood Orange sur l’album Negro Swan (2018), a composé pour Solange, Denzel Curry, Ravyn Lenae ou le regretté Mac Miller.

 

En véritable bricoleur, Steve Lacy bidouille sur son iPhone et produit des titres lo-fi  (“low fidelity”), une méthode d’enregistrement primitive prisée par les compositeurs underground des eighties.

 

Sur scène, Steve Lacy porte fièrement la salopette et serre la sangle de sa Fender au maximum, jusqu’à ce que les six cordes de l’instrument fassent quasiment vibrer ses pectoraux. L’attitude en dit long, ce n’est pas une rock star mais un soul boy pour lequel une guitare n’a rien à faire au niveau des rotules. Et lors des concerts de son collectif, il interprète ses compositions personnelles, entonnant les mélodies de Ryd ou Dark Red dans son micro-casque, vestige des chanteuses survoltées du début des années 2000. Un clip réunit d’ailleurs les deux morceaux et cumule plus de 13 millions de vues sur Youtube. Dans sa veste en jean boutonnée, il se déhanche dans une laverie avant de se retrouver enfermé dans le coffre d’une voiture, seulement éclairé par la flamme de son briquet.

Ses références musicales sont celles d’un jeune amateur de soul et de hip-hop : la reine Erykah Badu et The Neptunes, duo formé par Chad Hugo et Pharrell Williams dans les années 90. Mais il emprunte aussi le son de guitare crasseux si cher à Mac DeMarco. En véritable bricoleur, Steve Lacy bidouille sur son iPhone et produit des titres lo-fi  (“low fidelity”), une méthode d’enregistrement primitive prisée par les compositeurs underground des  eighties. Ils recherchent un son sale qui fait la part belle aux grésillements telle une radio archaïque qui diffuserait une musique contemporaine. Comme il l’explique lors d’une conférence en décembre 2017, le Steve Lacy adolescent a attendu inlassablement qu’un MacBook pro  – et les logiciels de musique qui vont avec – apparaisse sous son sapin de Noël. Il l’obtient enfin et pianote alors comme un fou sur son clavier QWERTY comme si ses doigts sprintaient sur les touches d’un piano de prestige. Ses compositions iront jusqu’a séduire un certain Kendrick Lamar qui lui commande un titre : Steve Lacy est ainsi crédité sur l’opus retentissant Damn, élu meilleur album rap de l’année aux Grammy Awards 2018.

 

En 2019, Steve Lacy défend Apollo XXI, un album sur lequel plane l’ombre de Prince. On en attendait beaucoup, mais l’opus demeure simplement sympathique.

 

 

Ouvertement bisexuel, le Californien aborde principalement le thème des rendez-vous amoureux dans ses morceaux. Souvent, ses dates sont des foirades totales dans lesquelles il se fait renverser par une bagnole alors qu’il fonce sur la route en trottinette. Des albums Ego Death (2015) et Hive Mind (2018) avec The Internet à sa Steve Lacy’s Demo de 2017, le musicien, comme la plupart des artistes contemporains, n’a d’autre choix que de proposer des compositions hybrides : une soul aux influences G-funk (pour gangsta funk), un sous- genre du hip-hop issu de la côte ouest des USA. 

En 2019, Steve Lacy défend Apollo XXI, un album sur lequel plane l’ombre de Prince. On en attendait beaucoup, mais l’opus demeure simplement sympathique : les morceaux se suivent et se ressemblent telle une suite de maquettes composées au gré de ses humeurs. L’artiste prend un virage indie pop tout en restant fidèle au hip-hop underground autoproduit qui a fait sa renommée. À grand renfort de réverb, les accords de guitare altérés par la production lo-fi – encore –, n’ont plus le même éclat qu’auparavant. L’absence de surprise sans doute. Si l’on excepte les neuf minutes du titre Like Me – dans lequel il aborde pour la première fois sa sexualité –, et le lumineux Basement Jack qui réunit tout ce en quoi Steve Lacy excelle, Apollo XXI reste bien trop loin du chef-d’œuvre. Il montre que sans The Internet et ses productions redoutables, le concept Steve Lacy se résume à son attitude de type cool.

Apollo XXI de Steve Lacy, disponible.