Rencontre avec Oneohtrix Point Never, le prodige électro adoubé par The Weeknd et Rosalía
Le magicien sonore Daniel Lopatin alias Oneohtrix Point Never, imagine depuis la fin des années 2000 de prodigieuses épopées synthétiques qui puisent dans les mélodies du passé pour mieux nous projeter dans le futur. La capacité de cet américain visionnaire de 40 ans à nous embarquer dans des tourbillons psychédéliques aux retentissements métaphysiques a séduit des pointures telles que The Weeknd, Rosalía, Iggy Pop, FKA twigs et Caroline Polachek. Mais aussi des cinéastes précieux tels que Sofia Coppola et les frères Safdie, pour lesquels il a imaginé des bandes originales hypnotiques. Portrait de l’un des musiciens les plus aventureux de sa génération dont les rêves synthétiques ont plusieurs fois hanté les défilés de la maison Chanel.
par Violaine Schütz.
« Écrire sur la musique, c’est comme danser de l’architecture. » Cette citation qui a tour à tour été attribuée au musicien Frank Zappa et à l’acteur Martin Mull s’applique parfaitement au producteur de musique électronique américain Oneohtrix Point Never. Les sonorités expérimentales et hypnotiques imaginées par Daniel Lopatin (son véritable nom) depuis la fin des années 2000, provoque chez l’auditeur des sensations aussi déroutantes que bouleversantes. A tel point que tenter d’étiqueter ses collages sonores géniaux de ce visionnaire âgé de 40 ans vivant dans le Queens, à New York, semble vain. Ou éminemment réducteur.
Des collaborations 5 étoiles avec Iggy Pop, The Weeknd et Rosalía
En une dizaines d’albums studio, de collaborations prestigieuses (The Weeknd, Weyes Blood, Rosalía, Iggy Pop, FKA twigs, Caroline Polachek) et de bandes originales de films remarquées (pour Sofia Coppola et les frères Safdie), Daniel Lopatin n’a de cesse de redimensionner les contours de la musique électronique et de la pop pour les rendre plus profondes, ésotériques et magnétiques. Que ce soit en solitaire, ou en collaborant avec d’autres artistes aventureux. « Je suis toujours intéressé par les idées des autres artistes, nous confie-t-il. Peut-être est-ce dû à mon âge, mûr, mais travailler de manière solipsiste, sans jamais ressentir d’empathie ou de confrontation avec d’autres perspectives me semble être le meilleur moyen de devenir un fanatique. » Toujours prêt à de nouvelles échappées belles, Daniel Lopatin a hanté de ses chansons célestes et étranges à défilés Chanel comme celui des Métiers d’art 2021-2022. « Je pense que Virginie Viard comprend de quoi je parle musicalement, analyse l’artiste. Lorsque je travaille sur un morceau spécifiquement pour la maison Chanel, je considère l’attitude et l’âme des vêtements. »
Le chantre de la vaporwave
Daniel Lopatin explore des territoires sonores et des textures tantôt oniriques, tantôt rugueuses, qui nous poussent à nous poser mille et unes questions métaphysiques. « Quelle est la limite entre la musique et le bruit? » ; « Sommes-nous dans le rêve ou la réalité ? » « Le passé ou le futur ? » ; « La musique peut-elle faire entrevoir le divin ? » ou encore « Qu’est-ce que le beau ? ». Les millefeuilles sonores de Oneohtrix Point Never (un nom inspiré par une station de radio) puisent dans la musique synthétique des années 80 et le rock alternatif des années 90, pour enfanter de sonorités aussi inédites que complexes. Si complexes qu’elles laissent ouvertes toutes les exégèses.
Plus on écoute Oneohtrix Point Never, plus le mystère s’épaissit. Le langage a même dû s’adapter pour qualifier les épopées musicales de ce natif du Massachusetts qui se passionne pour les synthés vintage depuis le lycée et se nourrit autant de musique noise, que d’ambient et de rock progressif. L’ex-étudiant en science des archives est ainsi à l’origine d’un micro genre musical intitulé la vaporwave. Une mouvance initiée en 2009 et infusée par la culture et les publicités des années 80 et 90, qui mêle nostalgie, parodie et critique de la société de consommation. Est-ce le message subliminal de l’œuvre déjà majeure de Daniel Lopatin ?
Le Stanley Kubrick de l’électronique
Dans de rares interviews, l’artiste laisse à penser que c’est la folie du monde et la confusion dans laquelle nous immergent les réseaux sociaux qui ont enfanté sa musique aux allures de dédale appelant à un vertigineux dérèglement des sens. Il évoque aussi les centres commerciaux et les radios comme points de départ d’une musique basée sur l’échantillonnage qui navigue entre l’élégiaque, le sublime et le kitsch. Passionné par le cinéaste Stanley Kubrick, l’écrivain pessimiste Emil Cioran, l’auteur de science-fiction Philip K. Dick et le groupe de rock My Bloody Valentine, l’Américain aux airs d’éternel adolescent au regard mélancolique et perçant, ne conçoit pas seulement des objets musicaux. Ses morceaux s’accompagnent souvent de clips mis en images par des artistes comme le Canadien Jon Rafman ou l’Américain Takeshi Murata. On décrit d’ailleurs souvent Oneohtrix Point Never comme un inventeur ou un penseur du son, plus que comme un compositeur. Daniel Lopatin explique : « Je pense que tous les artistes sont enclins à la philosophie. Ils essaient de donner un sens au monde. » Peu importe la manière dont on le définit, le musicien Oneohtrix Point Never a quelque chose de l’alchimiste quand il parvient à trouver de l’harmonie dans le chaos.
Magic Oneohtrix Point Never de Oneohtrix Point Never, disponible sur toutes les plateformes.