Qui est Oete, nouvel astre flamboyant de la pop française ?
À 23 ans à peine, Oete s’impose déjà comme une future icône flamboyante de la pop française. Dans un torrent d’énergie rock et de plaisir disco, son premier album Armes & Paillettes métamorphose ses amours, sa candeur et ses doutes en une explosion de sensations charnelles et d’émotions sincères. Il s’y dévoile sans filtre, en quête de vérité et d’une communion joyeuse et libératrice avec son public. Charismatique showman, le Français enflamme la scène, porté par une irrésistible pulsion de vie.
Photos par Colin Solal Cardo.
Texte par Thibaut Wychowanok.
Sur scène, il a la beauté mystique d’un saint Sébastien de la pop française. Comme transpercé de flèches – de ces vérités qui peuplent ses chansons –, Oete fait couler sur son public un sang pailleté, un torrent d’énergie rock et de plaisir disco. Sa voix déchire l’espace avec la profondeur d’un chœur d’église punk. Son corps à la Bowie s’offre sans vergogne, martyr extatique d’une cérémonie païenne enflammée. Il y transmute son désespoir, ses amours et ses doutes en une orgie cathartique de sensations charnelles et de pulsions de vie. Oete n’a que 23 ans. Il dévoile aujourd’hui son premier album Armes &Paillettes, . “De la musique pour se faire du bien, glisse‑t-il. Même si on sait qu’on va prendre cher.” La chair, il en est beaucoup question dans ces neuf morceaux où le corps omniprésent est possédé, troublé. De la première chanson Corps & Ego (“T’es pas bien dans la cage qui te serre trop fort/ T’es pas bien dans la cage qui te sert de corps”) à HPV (“Mon corps s’est ouvert/ Vulgaire, de par nos ébats à bout de chair”) en passant par le sublime La Tête pleine : “Corps contre corps entrelacés/ Corps contre corps encore lacés”. Oete l’assume, sa musique s’adresse à la chair plus qu’à l’intellect. “Une bonne chanson est une chanson qui va droit au but, comme une flèche, confie-t-il. L’intellectualisation du sentiment le biaise. Si j’écris une chanson en pensant à émouvoir les gens, je ne vais pas les émouvoir. Elle ne sera pas incarnée. Je recherche toujours une vérité, un aspect direct et vif, très pur. J’écris instinctivement et je ne retouche presque jamais mes chansons. Ce sont des bribes qui me viennent comme ça et que j’accepte.”
Armes & Paillettes s’inscrit résolument dans une certaine histoire de la pop française, celles des outsiders devenus icônes flamboyantes ou anges noirs, presque malgré eux. La sincérité d’Oete évoque les débuts de Christine and the Queens, période Nuit 17 à 52 et Photos Souvenirs, ou la candeur d’une Vanessa Paradis. Sa noirceur flamboyante convoque Barbara, Mano Solo ou Daniel Darc qu’on aurait passé à travers la joyeuse boule disco et eighties de Niagara, des Rita Mitsouko ou des créations plus récentes de Fishbach et des nappes synthétiques de La Femme. “On peut faire de la musique avec un fond noir et névrosé et, en même temps, chercher le contraste d’un rythme entraînant, explique-t-il. Ma musique doit donner envie de danser. Je la vis comme une libération. Lorsque tu danses sur HPV [morceau inspiré du sigle du papillomavirus], tu danses sur ta MST. Tu es au max. C’est la plus grosse victoire que tu puisses avoir.” Le morceau s’écoute autant comme une chanson d’amour que comme un corps-à-corps avec un autre, virus ou humain. Loin des chansons à message, engagées et enfermées, Oete peint sa musique comme un artiste abstrait, accueillant les couleurs et les mouvements du monde sans jamais les figurer avec précision. Une musique d’exaltation des sensations et des émotions, d’impressions de vie, de sorties nocturnes et de fulgurances.
Oete – poète dont le “p” semble avoir été avalé par l’urgence de la vie et de l’écriture – est né dans une Picardie qui laissait peu d’espoir à une carrière de musicien. “Quand on me demandait ce que je voulais faire, je répondais ‘chanteur’. On me disait que ce n’était pas possible. Mais ça ne m’a jamais quitté. Je me suis promis de toujours écouter ma voix intérieure et de suivre la lumière. Et je me suis retrouvé à Paris.” Des années d’entraînement au tissu aérien (au lycée) semblent lui avoir apporté son aisance gracile sur scène. De son cursus littéraire et d’arts plastiques, Oete garde cet ancrage dans la création, un amour pour les artistes au parcours unique (Duchamp, Soulages, Miró, entre autres, viennent nourrir son univers visuel) et une passion pour la lecture. “J’ai passé tout mon été à lire la biographie d’Hervé Guibert [maître de l’autofiction en France, malade du sida et décédé en 1991]. Il m’a bouleversé. Je pense autant à L’ami qui ne m’a pas sauvé la vie qu’à Des aveugles. J’aime ce type d’écriture très direct, à moitié sale, à la Virginie Despentes. Mais j’ai également été ému par L’Alchimiste de Paulo Coelho. Beaucoup plus bénin…” Un ésotérisme qui infuse en réalité toute sa musique – sa mystique rock – et sa vie. Son appartement, peuplé de bougies et d’“objets d’âme” dénichés aux puces de Saint-Ouen, ressemble-t-il au décor space age et Art déco du film Peter von Kant de François Ozon où il se verrait bien vivre ? “Je ne sais pas vivre avec des meubles Ikea, je trouve cela vide de sens. Mais je ne veux pas non plus m’enfermer dans quelque chose de poussiéreux. Il faut apporter du nouveau, produire de la création.” Sur son plexus solaire (“le lieu de la gestion des émotions, là où tout passe”), Oete a fait tatouer un ex-voto que sa mère lui a offert. Sur sa pochette d’album, un flot de lumière puissant s’en extrait pour créer le titre de l’album : Armes & Paillettes. “Tout est résumé dans les deux premières phrases de la chanson éponyme, conclut-il. Tu vois les carences, les névroses ? Voilà les armes. Et la candeur, les rêves, c’est les paillettes.” Sur ce piano-voix, Oete chante également : “Mes larmes coulent comme des paillettes qui brillent de mille facettes. Dis‑moi si tu t’y vois ou pas.” Le public répondra aujourd’hui à ses avances, généreuses et bienveillantes.