10 oct 2023

Prix Joséphine des artistes : le jury 18-20 ans désigne son lauréat

Lancé en 2022, le prix Joséphine des artistes récompense les meilleurs albums de l’année sans critère de genre musical et quelle que soit la notoriété de l’interprète. Cette année, le rappeur Tuerie a été sacré lauréat 2023 pour son album Papillon Monarque, tandis que Prince Waly a recueilli, quant à lui, les suffrages du jury composé de jeunes âgés de 18 à 20 ans, à l’instar du Goncourt des lycéens.

1. Prix Joséphine des artistes 2023 : le rappeur Tuerie sacré après November Ultra

 

Peut-on vraiment proposer un prix musical aussi juste que légitime ? Le créateur des éditions Kitsuné, Frédéric Junqua, en reste persuadé : il est possible de proposer un prix plus juste que les autres. En 2022, il imagine donc avec Christophe Palatre, ex-directeur général du label Parlophone (Warner), une nouvelle récompense dont le nom célèbre l’héritage de Joséphine Baker et d’Alain Bashung (une référence à l’album Osez Joséphine sorti en 1991). Le prix Joséphine est présenté comme suit : “Pour la première fois, un jury entièrement composé d’artistes distinguera les albums selon le seul critère de la qualité artistique, sans barrière de genre musical et quelle que soit la notoriété de l’interprète. Un comité de sélection constitué de journalistes – non rémunérés – représentatifs de la diversité musicale établira une première liste de 40 albums parmi les productions inscrites. Cette liste sera ensuite soumise au vote du jury d’artistes pour constituer le palmarès du Prix Joséphine à savoir les dix albums de l’année.” 

 

 

En 2022, c’est la chanteuse française d’origine espagnole November Ultra qui remporte le Prix Joséphine des artistes grâce à son premier album Bedroom Walls. La première lauréate a fait ses armes lors des premières parties de Pomme et de Clara Luciani puis a été sacrée “Révélation féminine de l’année” aux Victoires de la musique 2023. En récompensant des albums plutôt que des personnalités, le prix Joséphine semble enfin avoir compris comment saisir l’hybridation de la musique contemporaine sans catégorie ni distinction de genre. Parmi les membres du jury de l’édition 2022: l’Impératricele rappeur Oxmo Puccinole producteur Mydou les compositrices et interprètes Imany et Keren Ann. Frédéric Junqua insiste: ce prix ne se positionne pas contre les autres. D’autant que les artistes, qui s’inscrivent eux-mêmes pour participer, ne le font pas seulement pour gagner mais simplement pour que leur album soit écouté. “Cela a une valeur considérable lorsque le comité est composé de membres de la profession, précise le fondateur. Même s’ils ne sont pas finalistes, les journalistes peuvent défendre leur travail dans les médias et les artistes du jury peuvent aussi leur proposer des collaborations inespérées.”

2. Les dix albums finalistes de l’édition 2023, et les grands vainqueurs

 

Cette année, changement intégral du comité de sélection ainsi que des membres du jury des artistes, présidé cette fois par Eddy de Pretto. On y retrouve Arthur Teboul, poète et leader du groupe Feu! Chatterton, le producteur Dany Synthé, les sœurs jumelles du duo Ibeyi, l’ingénieure du son Taissa Arruda ou encore le pianiste Sofiane Pamart. Cette année, 266 albums ont été proposés au comité de sélection – inscriptions libres en ligne – et seuls 10 albums ont été finalement retenus par le jury d’artistes parmi les 40 pré-sélectionnés :

 

Benjamin Epps pour La Grande Désillusion

Zaho de Sagazan pour La Symphonie des éclairs

Blick Bassy pour Mádibá

Voyou pour Les Royaumes minuscules

Eesah Yasuke pour Prophétie

Blaubird pour Le ciel est partout

Tuerie pour Papillon Monarque

Prince Waly pour Moussa

Flavien Berger pour Dans cent ans

 

C’est le rappeur Tuerie qui a été sacré grand lauréat de cette édition pour son disque Papillon Monarque sorti sur le label de son ami Luidji, Foufoune Palace. Et le nouveau jury composé de jeunes âgés de 18 à 20 ans – à l’instar du Goncourt des lycéens – a plutôt préféré l’opus Moussa de Prince Waly. Le 30 septembre 2022, dans une industrie musicale trop souvent générique, c’est un homme en noir – grillz et lunettes sur le nez – qui offre une bouffée d’oxygène. Prince Waly, 31 ans au moment des faits, présentait Moussa, premier album introspectif de 14 titres décrit par les spécialistes comme “un futur classique du rap français”. Juché sur un toit pour l’EP Junior [2016], affalé devant une Mercedes flambant neuve dans Boyz [2019], il résume trois années de mutisme triste sur la pochette écarlate de ce nouvel opus : on l’y voit de profil, le visage enfoncé dans l’airbag d’une voiture en plein crash… Au cours de l’interview qu’il avait accordé à Numéro, Prince Waly citera tour à tour Beyoncé, Dave Brubeck et Serena Williams, Booba, Marvin Gaye et The Notorious B.I.G. Et c’est en esquissant un sourire nostalgique qu’il raconte d’une voix suave son enfance à Montreuil, en banlieue parisienne, une ville à laquelle il est “encore très attaché.” Il évoque alors le parc des Beaumonts, l’odeur des barbecues et l’habitude favorite de Monsieur le Maire :  distribuer des tickets de cinéma aux gosses qu’il croisait par hasard lors de ses balades en ville.