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Interview with Paris Jackson, King of Pop’s daughter and committed grunge singer
Chanteuse, musicienne, actrice et mannequin, la sublime fille du roi de la pop Michael Jackson trace avec grâce son propre chemin. À 24 ans, cette Californienne au regard hypnotique, fan de Radiohead et de musique folk, affiche une personnalité très rock, singulière et engagée, à l’image des aspirations de sa génération. Rencontre avec une princesse punk dont les boots sont bien ancrées dans les réalités de l’époque.
Photos par Sofia Sanchez & Mauro Mongiello.
Réalisation par Danyul Brown.
Texte par Violaine Schütz.
Avec ses yeux bleu lagon, ses longs cheveux blonds décoiffés, son allure mi-sexy mi-débraillée et ses nombreux tatouages mystiques, Paris Jackson affiche, à 24 ans, l’allure des Californiennes fascinantes que l’on croise dans les salles de concert et sur les plages de L.A. On est immédiatement saisi par son aura à la fois solaire, cool et un brin cosmique. Sur son compte Instagram, l’artiste dévoile aussi une certaine spiritualité, remerciant la Lune, entourée d’une bande d’amies dénudées lors d’une sorte de cérémonie nocturne chamanique. Lorsqu’on l’interviewe via Zoom, l’auteure- compositrice-interprète, également actrice et mannequin, plaisante et confesse volontiers qu’elle incarne totalement le cliché de la Californienne : “Je me croyais unique et spéciale, mais quand j’ai vu la deuxième saison de la série You, sur Netflix, où ils se moquent des gens de Los Angeles, j’ai compris que j’étais vraiment le stéréotype de la Californienne !” D’ailleurs, comme les filles les plus branchées de cette contrée idyllique et ensoleillée des États-Unis, Paris Jackson met en avant une attitude décontractée et low profile. “Il m’arrive de monter sur scène en pyjama, confie l’artiste. Je privilégie avant tout le confort même si je me pomponne pour un événement et que j’adore des créateurs punk comme Matthew Williams de Givenchy et Vivienne Westwood. J’aime surtout porter des vêtements oversize et souples qui me donnent l’impression d’être lovée dans une couverture.”
Mais sous ses allures de jolie fille bien née (en 1998, dans la ville huppée de Beverly Hills), la jeune Américaine, qui a pour marraine Elizabeth Taylor et pour parrain Macaulay Culkin, cache une profondeur et un spleen qui la rendent d’autant plus attachante. Car être la fille d’un roi ne veut pas dire que la couronne est facile à porter et que le chemin a été pavé de félicité. De fait, le destin de Paris-Michael Katherine Jackson a été semé d’obstacles et de doutes. Son père, le “King of Pop” Michael Jackson, l’a conçue avec Debbie Rowe, une infirmière qui, après le divorce du couple, a été absente de sa vie de petite fille jusqu’à son adolescence. Élevée au ranch de Neverland – situé dans le comté de Santa Barbara, en Californie – par l’interprète de Thriller, elle semblait protégée du monde extérieur, comme si elle évoluait dans une bulle irréelle. D’ailleurs, lors des sorties publiques de la famille Jackson, le chanteur masquait le visage de ses enfants (de Paris et de ses deux frères, Prince et Blanket). Son but ? Éviter leur surmédiatisation.
Ainsi, on ne découvrira vraiment le beau minois et le regard émouvant de Paris Jackson qu’à la mort de son père, lors des obsèques très publiques de l’une des plus grandes stars de l’histoire de la musique. Paris Jackson a profondément été meurtrie par la disparition de l’idole (en 2009), alors qu’elle n’avait que 11 ans. Si sa grand-mère la prend alors sous son aile, elle se voit continuellement traquée par les paparazzis, développant un syndrome post-traumatique et souffrant d’hallucinations auditives et de paranoïa. Même une fois rentrée à la maison, elle continue de voir les flashs des photographes qui crépitent. Elle vit aussi un intense harcèlement en ligne. Des difficultés qui vont la conduire dès l’adolescence à fréquenter les réunions des Alcooliques Anonymes et dans un centre thérapeutique de l’Utah. Après avoir essayé plusieurs fois de mettre fin à ses jours, la jeune fille tente de se reconstruire. C’est finalement, comme son père, la passion qu’elle voue à la musique qui va parvenir à lui faire entrevoir la lumière. “J’ai commencé la guitare à 13 ans, mais mon engagement plus sérieux dans la musique remonte seulement à il y a trois ans. Avant cela, j’avais déjà une approche créative, mais parmi toutes mes passions, c’est vraiment le fait d’écrire des chansons qui s’est imposé à moi comme essentiel. Pour moi, la musique est cathartique. Si j’écris une bonne chanson, je me sens tout de suite mieux après. Même si ça fonctionne moins bien lorsque la chanson est mauvaise !” [Rires.]
En 2020, Paris Jackson, qui s’est déjà illustrée en tant que mannequin (posant pour Calvin Klein et défilant pour Jean Paul Gaultier) et comme actrice (vue dans Star, Scream et Gringo aux côtés de Charlize Theron) sort un EP avec son petit ami de l’époque, sous le nom de The Soundflowers. Puis un album, Wilted (qui signifie “fané”) réussi et remarqué. On y découvre un timbre spirituel, mélancolique et rêveur, celui d’une “vieille âme” – qui semble avoir vécu plusieurs vies – posé délicatement sur des mélodies pop, rock, folk authentiques et intimistes. “Je ne me considère pas comme une chanteuse, précise Paris Jackson. Je ne peux pas atteindre les notes d’une Mary J. Blige ou d’une Whitney Houston. Je me vois plutôt comme une songwriteuse et une musicienne.” Avec humilité et humour, l’artiste se définit sur son compte Instagram comme une “médiocre imitatrice de Thom Yorke”, le chanteur de Radiohead.
Parmi les influences de l’Américaine, le groupe britannique figure en très bonne place, mais elle se déclare aussi fan de metal et du chanteur de hard-rock culte Alice Cooper. Elle est même allée jusqu’à manquer son bal de promo pour se rendre à un concert de Metallica. Et elle nous avoue pratiquer ardemment le stage diving (les plongeons épiques dans la foule lors des concerts). Autre fait d’armes ? Le mot “Mötley” est tatoué à l’intérieur de sa bouche, en hommage au groupe de glam-metal Mötley Crüe. Un tatouage parmi la cinquantaine qu’elle porte, qui font allusion à son père, à David Bowie, à Prince, à John Lennon et à Van Halen. “Je suis fan de musique alternative, de folk, de rock. Tous les artistes que j’écoute, comme le groupe originaire de Nashville Kings of Leon, ont changé ma vie avec leurs chansons. Je n’ai rien contre la musique qui passe à la radio, mais j’ai besoin d’écouter chez moi des morceaux qui exercent un effet profond sur mon être et me bouleversent.” La chanteuse travaille en ce moment sur un nouvel album, inspiré par le grunge des années 90, les Smashing Pumpkins et Nirvana. D’ailleurs, en la voyant lors de notre conversation Zoom, on se dit que Paris Jackson ressemble étrangement à la fille de Kurt Cobain et de Courtney Love, Frances Bean Cobain.
Mais si la musique est l’art qui l’aimante le plus, en marge des mélodies à la guitare qu’elle compose évoquant des chagrins d’amour, Paris Jackson continue néanmoins de multiplier les aventures passionnantes. L’an dernier, elle a joué dans la série American Horror Stories et dans Habit, un film dans lequel elle incarnait une version lesbienne de Jésus (qui a provoqué un tollé aux États-Unis, suscitant une pétition de 300 000 signatures contre le long-métrage jugé blasphématoire). Elle vient également de signer un contrat beauté en tant qu’égérie et ambassadrice de la marque KVD Beauty. Un label végan et cruelty-free qui l’a séduite par son engagement en faveur de l’inclusivité, de l’expression de soi et du bien-être animal. “Je me suis toujours exprimée sur ces sujets. À chaque fois que j’ai été impliquée dans un projet mode ou cinéma, j’ai montré mon activisme en évoquant les thèmes qui me tenaient à cœur. Je veux utiliser mon temps et ma notoriété pour mettre en lumière ce qui me semble important. Et je considère que faire quelque chose uniquement pour l’argent ou pour la gloire est un gâchis. C’est pour ça que j’ai adoré poser pour Stella McCartney, qui milite pour une mode plus éthique et durable ainsi que pour la cause animale.”
Ambassadrice de l’association Elizabeth Taylor AIDS Foundation, qui récolte des fonds pour la lutte contre le sida, et de la Heal Los Angeles Foundation, qui vient en aide aux SDF, la chanteuse a aussi toujours été une activiste. Elle a affiché fièrement sa sexualité, se déclarant bisexuelle en 2018 (on lui a prêté une relation avec la mannequin Cara Delevingne) et a évoqué, sans tabou, les hauts et les bas de sa psyché. Comme Lady Gaga et Kanye West avant elle, elle a permis de briser les non-dits et d’ouvrir la discussion, notamment à propos de la dépression ou l’automutilation. “Les questions de santé mentale font partie de ma vie quotidienne. Et je pense que cela fera toujours partie de qui je suis et de ma musique, qui s’inspire de ma vie et des choses que j’ai traversées. Je ne me vois pas ne pas en parler.” Si le père de Paris Jackson n’a jamais eu le temps de tenir sa promesse de lui enseigner le moonwalk, cela n’empêche pas l’étoile montante du rock de viser la lune. Et de toujours garder espoir. Une attitude finalement toute naturelle lorsqu’on porte le nom de la Ville lumière et qu’on la considère comme sa deuxième maison.
The Lost (Republic Records/Universal) de Paris Jackson, disponible.