9 sep 2022

Meet Yungblud, the Gen Z punk idol, sanctioned by Mick Jagger and Ozzy Osbourne

L’auteur-compositeur-interprète britannique Dominic Harrison alias Yungblud incarne parfaitement l’esprit punk à l’ère de TikTok. Mélangeant les genres musicaux (rock, rap, pop) de manière décomplexée et affichant un look emo très étudié, il a réussi à séduire les pointures de la musique à guitares : Mick Jagger et Ozzy Osbourne. Rencontre avec un artiste complétement en phase avec son temps dont la mission est « d’embrasser l’étrange ».

Au festival Rock en Seine (en banlieue parisienne), Dominic Harrison alias Yungblud était accueilli telle une rock star, voire un messie, le 25 août dernier. L’artiste britannique, suivi par 3,7 millions de followers sur Instagram, dégage un charisme rare, qui électrise dès qu’il apparaît sur la scène. Celui qui a commencé par des études de théâtre à Londres (puis des apparitions dans des séries) se meut avec une énergie punk dévorante et fascine avec son look de clown gothiques et son maquillage digne de celui de Beetlejuice et du Joker. Il faut dire que le jeune auteur-compositeur-interprète a le rock’n’roll dans le sang. Son grand-père, Rick Harrison, jouait du piano et de la basse, et s’est produit avec le mythique groupe glam rock britannique T. Rex durant les années 70. Et son père possédait un prestigieux magasin de guitares qui a vendu des instruments à Noel Gallagher d’Oasis et à Johnny Marr des Smiths.

 

Ce n’est donc pas étonnant si pour Mick Jagger et Ozzy Osbourne (le leader de Black Sabbath, qui joue dans le clip The Funeral de Yungblud, sorti en 2022), l’artiste de 25 ans originaire du Yorkshire représente le renouveau du rock. Et que la scène musicale se l’arrache, de Willow Smith en passant par le chanteur-rappeur Machine Gun Kelly, le rappeur Denzel Curry et le batteur Travis Barker. En deux albums, 21st Century Liability (2018) et Weird! (2020), Dominic Harrison a fait preuve d’un sens de la mélodie accrocheuse et d’un mélange (habile) des genres (rock, punk, power pop, hip-hop, ska),. Influencé des artistes aussi différents que Oasis, les Beatles, Bob Dylan, Lady Gaga, David Bowie, Arctic Monkeys, Eminem, The Cure (qu’il sample sur son nouveau single, Tissues) ou les Clash, il séduit autant les amateurs de pop que de punk. Sa mission ? « Embrasser l’étrange« , confie l’artiste iconoclaste. Car pour lui, l’imperfection est une perfection.

 

L’ex petit ami de la chanteuse Halsey (qui aurait également fréquenté une autre rebelle de l’industrie musicale, Miley Cyrus), a déclaré être pansexuel ainsi que polyamoureux. Et il s’avère que cette fluidité (associée à ses hybridations musicales) en font une star parfaitement en phase avec la génération Z, dont il est l’une des icônes. Un engouement amplifié par la tendance de l’artiste à parler, dans des tubes cathartiques, de dépression, de troubles mentaux, de dépendance, de consentement et d’autres sujets sociétaux. Alors que sort ce vendredi 2 septembre son touchant nouvel album (intitulé Yungblud), très inspiré par les années 80 et les années 2000, rencontre avec le « sang neuf » du rock qui, selon, les rumeurs, pourrait incarner Boy George dans un futur biopic.

Numéro : Quand et comment avez-vous commencé à faire de la musique ?
Yungblud : Mon père tenait un magasin de guitares quand j’étais enfant. J’ai donc littéralement grandi avec une guitare à la main dès mon plus jeune âge. Il existe d’ailleurs une photo de moi bébé, avec cet instrument sur les jambes. Mais je pense que j’ai vraiment voulu faire de la musique lorsque j’avais 14-15 ans, parce que je venais d’un endroit appelé Doncaster, dans le Yorkshire, qui est une très petite ville du nord de l’Angleterre. Et les gens n’aimaient pas la façon dont je m’habillais et la façon dont je m’exprimais. Mais, et cela est très étrange à dire , je ne pense pas être un musicien. Je pense que je suis plus un « communicateur », une sorte de soldat qui se bat pour l’individualité. Si vous voulez aller voir un chanteur, n’allez pas me voir en concert. Si vous voulez aller voir un guitariste, n’allez pas me voir non plus. Si vous voulez que votre âme soit enflammée, que vous vous teniez dans une pièce et que vous fassiez l’expérience d’une énergie que vous n’avez jamais connue, alors, venez me voir.

 

Quels sentiments voulez-vous transmettre avec vos albums et vos concerts ?
Je veux permettre aux gens de se sentir vus, entendus, de sentir qu’ils ont une voix. Et quand vous venez à un spectacle, que ce soit presque comme si les gens pouvaient parler alors qu’ils n’avaient jamais pu le faire avant. Je veux que l’expérience soit forte et passionnée.

 

Comment décririez-vous votre nouvel album ?

Je dirais presque que c’est en fait mon premier album en tant qu’œuvre d’art. Je pense que ce disque est très cohérent et très personnel parce que tout le monde a une opinion sur qui est Yungblud. Cet album est une invitation. C’est vous, c’est moi. C’est tout ce que vous voulez être. C’est une histoire sur moi, mais c’est aussi une histoire sur vous. Parce que je crois que si je ressens quelque chose, alors quelqu’un d’autre peut ressentir ça aussi.

Dans cet album, il y a des morceaux énervés et d’autres, beaucoup plus calmes…
Il y a en effet beaucoup de colère et de douleur sur cet album. La façon dont cet album a changé depuis le début est dû au fait que j’ai commencé en tant que jeune homme de 17 ans en colère à faire de la musique. Et cette colère s’est transformée en amour. Je me suis senti aimé pour la première fois. Et il n’y a rien de plus puissant que ça. Tout se résume au final à l’amour. Cette déclaration peut sembler « cliché » mais lorsque vous trouvez une base de fans en France, en Espagne, au Portugal, en Amérique, en Australie, au Japon, en Irlande, au Royaume-Uni, au Mexique, en Malaisie, et que vous sentez toute cette connexion et cet amour, ça remplit de bonheur. Et je me devais d’écrire à ce sujet. Mais il y a aussi beaucoup de textes sur la mort dans cet album parce que j’ai toujours pensé à ce qu’il se passerait si je n’étais plus là. C’est toujours dans un coin de ma tête. J’ai fini par accepter le fait que ce sera probablement toujours dans ma tête. Je ne peux rien y faire, mais si j’apprends à vivre avec cette voix et à la gérer. Et je me dis : tout ira bien.

 

Quelle est votre chanson préférée sur cet album ?
The Funeral, dans laquelle je parle de mes complexes et de mes peurs. L’idée était de diffuser ce qui me rend vulnérable, et espérer que personne d’autre ne puisse me faire sentir mal pour ça. Je voulais que cette chanson apporte du courage aux autres et les invite à s’exprimer à leur tour. Car s’exprimer est la plus belle chose au monde pour moi. Beaucoup de gens se trompent à mon sujet. On pense que je suis un punk. Parce que c’est dans cette catégorie qu’on peut m’enfermer le plus facilement. Mais j’aime Fred Astaire, Karl Marx et Antonio Vivaldi autant que j’aime les Sex Pistols. Vous voyez ce que je veux dire ? C’est ça, le jeune « Blood » (pour le « Blud » de « Yungblud », ndr). Et c’est ça qui définit l’esprit du punk. Il s’agit d’exprimer qui l’on est vraiment plutôt que d’être juste en colère.

Vous avez collaboré avec Willow Smith sur l’un de vos derniers morceaux, Memories. Comment était-ce de travailler avec elle ?
J’adore Willow. Elle est incroyable. Nous avons commencé par être amis avant de travailler ensemble. L’enregistrement de notre chanson était juste un morceau de magie qui a réussi à se connecter avec des millions de personnes (le titre cumule plus de 4 millions de vues sur YouTube, ndr). Je ne pouvais pas y croire. Le rock’n’roll est devenu un genre tellement blanc et si prétentieux. Willow apporte une nouvelle énergie qui est excitante et folle. Elle fait partie d’un nouvel âge du rock qui « fait chier » les vieux et c’est ce qu’est censé faire cette musique. La génération qui nous a précédé avait les géniaux Arctic Monkeys. Et la génération d’avant disait d’eux : « ils sonnent comme du mauvais Oasis. » Or on avait déjà dit à Oasis qu’ils copiaient les Beatles. Et que les Beatles sonnaient comme du Chuck Berry. Et Chuck Berry ? On pourrait le relier au jazz de la Nouvelle-Orléans. Tout le monde est toujours en colère. Et quand les gens sont énervés, un nouvel univers de rock stars entre en collision avec le passé et ça s’enflamme pour engendrer quelque chose de magique.

 

Quelles sont vos plus grandes inspirations musicales ?
Madonna, Placebo, Joy Division, mais aussi Chris Difford du groupe anglais Squeeze, Bob Dylan… La liste est longue. Mais à la première place, je dirais évidemment David Bowie parce qu’avec lui, il ne s’agissait jamais que de chansons, mais d’idées qu’il voulait mettre au monde et laisser derrière lui.

Vous semblez utiliser votre musique et vos réseaux sociaux pour parler de vos engagements, notamment concernant la visibilité des problématiques de santé mentale…
La musique, c’est ma façon de dire la vérité sans avoir peur. Je pense qu’avec ma musique, je peux dire des choses que je n’avais pas le courage de dire dans la vie de tous les jours. Ce qui est drôle, c’est que sans s’y attendre le projet Yungblud est devenu énorme et commercial. Alors parfois les gens peuvent avoir peur de ce dont je parle. Pour un fan des Sex Pistols, je suis un imposteur. Pour un fan d’Ariana Grande, je suis effrayant. Je ne serai jamais Ariana Grande, ni Harry Styles. Mais je les aime. Je les adore même. Et je pense que ce qu’ils apportent au monde est cool, et qu’ils sont brillants. Sauf que je ne défierai jamais leurs arts. Car l’art est l’expression même de l’âme de quelqu’un. Et je n’oserais jamais remettre en question l’âme de quelqu’un.

 

Que diriez-vous à ceux qui ne comprennent pas qu’un homme porte, comme vous, des jupes (et se maquille) ?
Je leur dirai simplement : « essayez, et vous verrez que vous vous sentirez très bien. »

 

Yungblud (2022) de Yungblud, disponible sur toutes les plateformes.

At the Rock en Seine festival (in the Paris suburbs), Dominic Harrison alias Yungblud was welcomed like a rock star, or even a messiah, on 25th August. The British artist, followed by 3.7 million followers on Instagram, exudes a unique charisma, which whips up crowds into a frenzy as soon as he appears on stage. The man who started out studying theatre in London (then appeared in series) moves with an all-consuming punk energy and fascinates with his gothic clown look and make-up worthy of Beetlejuice and the Joker. Admittedly the young singer-songwriter has rock’n’roll in his blood. His grandfather, Rick Harrison, played the piano and bass and performed with the legendary British glam rock band T. Rex in the 1970s. And his father owned a prestigious guitar store that sold instruments to the likes of Noel Gallagher of Oasis and Johnny Marr of The Smiths.

 

No wonder Mick Jagger and Ozzy Osbourne (Black Sabbath’s frontman, who appears in Yungblud’s 2022 video The Funeral) see the 25-year-old Yorkshire native as the new wunderkind of rock. And that the music scene is snapping him up, from Willow Smith to singer-rapper Machine Gun Kelly, rapper Denzel Curry and drummer Travis Barker. In two albums, 21st Century Liability (2018) and Weird! (2020), Dominic Harrison has displayed a knack for catchy tunes and a (clever) mix of genres (rock, punk, power pop, hip-hop, ska). Influenced by artists such as Oasis, The Beatles, Bob Dylan, Lady Gaga, David Bowie, Arctic Monkeys, Eminem, The Cure (which he sampled on his new single, Tissues) and The Clash, he appeals to pop and punk fans alike. His mission? « To embrace the strange, » the iconoclastic artist proclaims. For him, imperfection is perfection.

 

The ex-boyfriend of singer Halsey (who is also reportedly dating another music industry rebel, Miley Cyrus), has declared he is pansexual as well as polyamorous. And it turns out that this fluidity (coupled with his musical hybridisations) makes him a star perfectly in tune with Generation Z, of which he is one of the icons. This enthusiasm is amplified by the artist’s tendency to talk about depression, mental disorders, addiction, consent and other societal issues in cathartic hits. As his touching new album (entitled Yungblud), very much inspired by the 80s and the 2000s, is scheduled for release on Friday 2nd September, we meet the « new blood » of rock who, according to rumours, could play Boy George in a future biopic.

Numéro: When and how did you start making music?

Yungblud: My father owned a guitar shop when I was a kid. So I literally grew up with a guitar in my hand from a very young age. There is a picture of me as a baby with this instrument on my lap. But I think I really considered making music when I was 14-15, because I came from a place called Doncaster, in Yorkshire, which is a very small town in the north of England. And people didn’t like the way I dressed and the way I expressed myself. But, and this is very strange to say, I don’t think I’m a musician. I think I’m more of a « communicator », a kind of soldier who fights for individuality. If you want to see a singer, don’t go to one of my concerts. If you want to see a guitarist, don’t go either. If you want your soul set on fire, to stand in a room and experience an energy you’ve never known, then come see me.

 

What feelings do you want to convey with your albums and concerts?

I want to enable people to feel accepted, to feel heard, to feel that they have a voice. And when you come to a show, it is almost as if people could speak although they had never been able to before. I want the experience to be powerful and passionate.

 

How would you describe your new album?

I would almost say that this is actually my first album as a work of art. I think this LP is very consistent and very personal because everyone has an opinion about who Yungblud is. This album is an invitation. It’s you, it’s me. It’s whoever you want to be. It’s a story about me, but it’s also a story about you. Because I believe that if I feel something, then someone else can feel it too.

In this album, there are angry tracks and others much quieter…

There is indeed a lot of anger and pain on this album. The way my music has evolved since the beginning is because I started as an angry 17-year-old making music. And this anger turned into love. I felt loved for the first time. And there’s nothing more powerful than that. It all comes down to love in the end. This statement may sound « cliché » but when you have a fan base in France, Spain, Portugal, America, Australia, Japan, Ireland, UK, Mexico, Malaysia, and you feel that strong connection and love, it fills you with happiness. And I had to write about that. But there are also a lot of lyrics about death on this album because I can’t stop thinking about what will happen when I am gone. It’s always in the back of my mind. I’ve come to accept the fact that it will probably always be on my mind. There’s nothing I can about it, but I can learn to live with that voice and deal with it. And I think to myself things will be okay.

 

What is your favourite track on this album?

The Funeral, in which I talk about my hang-ups and fears. The idea was to open up about what makes me vulnerable, and hope that no one else can make me feel bad about it. I wanted others to feel empowered by this song and invite them to express themselves. Because, to me, expressing yourself is the most beautiful thing in the world. A lot of people don’t get me. They think I’m a punk. Because that’s the easiest way to pigeonhole me. But I love Fred Astaire, Karl Marx and Antonio Vivaldi as much as I love the Sex Pistols. You know what I mean? That’s the young « Blood » (editor’s note: for the « Blud » in « Yungblud »). And that’s what defines the spirit of punk. It’s about expressing who you really are rather than just being angry.

You collaborated with Willow Smith on one of your latest songs, Memories. What was it like working with her?
I love Willow. She’s amazing. We started out as friends before working together. Recording our song was just magical, a song that managed to touch millions of people (editor’s note: the track has over 4 million views on YouTube). I couldn’t believe it. Rock’n’roll has become such a white, pretentious genre. Willow brings a new energy that is exciting and crazy. She’s part of a new age of rock that « pisses off » the old guys and that’s what this music is supposed to do. The generation before us had the great Arctic Monkeys. And the generation before ours said of them, « they sound like bad Oasis. » But people also claimed that Oasis were copying the Beatles. And that the Beatles sounded like Chuck Berry. What about Chuck Berry? You could link him to New Orleans jazz. Everybody’s always angry. And when people are angry, a new world of rock stars collides with the past and it produces something magical.

 

What are your biggest musical inspirations ?

Madonna, Placebo, Joy Division, but also Chris Difford from the English band Squeeze, Bob Dylan… The list goes on. But right at the top, obviously I have to say David Bowie because with him, it was never just songs, but ideas that he wanted to bring to the world and leave behind.

You seem to use your music and social media to talk about your activism, especially concerning the visibility of mental health issues…

Music is my way of telling the truth without being afraid. I think with my music I can say things that I didn’t have the courage to say in everyday life. The funny thing is that against all odds the Yungblud project has become huge and commercial. So sometimes people are afraid of what I’m talking about. For a Sex Pistols fan, I’m a fraud. For an Ariana Grande fan, I’m scary. I’ll never be Ariana Grande, or Harry Styles. But I love them. I really do. And I think what they bring to the world is cool, and they’re brilliant. Except I would never challenge their art. Because art is the very expression of one’s soul. And I would never dare to question someone’s soul.

 

What would you say to those who don’t understand why a man like you wears skirts (and make-up)?

I would simply say: « try it, and you’ll realise you feel great« .

 

Yungblud (2022) by Yungblud, available on all streaming platforms.