Maud Geffray, la compositrice de musique électronique, proche de Rebeka Warrior, qui flirte avec le cinéma
Après avoir sorti son premier album Polaar en 2017, la DJ et compositrice de musique électronique française Maud Geffray revient aujourd’hui avec Ad Astra, un second album parfaitement exécuté. Numéro est parti à la rencontre de cette artiste influencée par le cinéma, la techno et les sonorités euphoriques de la trance.
Par Marie Solvignon.
De la mélancolie, de la contemplation, des synthétiseurs, une voix d’ange et du talent… voici la miraculeuse recette de Maud Geffray pour composer sa musique. Et c’est avec celle-là que l’artiste a concocté Ad Astra, son deuxième album absolument subjuguant, convaincant et juste. Ad Astra prend parfaitement la relève du premier opus Polaar que l’artiste a sorti en 2017. Maud Geffray, autre moitié du duo Scratch Massive avec Sébastien Chenut, se distingue de ses camarades producteurs et productrices de musique électronique grâce à sa voix de cristal, à sa culture des sonorités expérimentales et trance et aux touches de mélancolie qu’elle ajoute à la majorité de ses morceaux. Celle qui a découvert les raves lorsqu’elle était adolescente a par la suite commencé à jouer sur les platines de ses amis, dont celles de son camarade Sébastien Chenut. C’est à ses côtés que Maud Geffray a démarré sa carrière dans la musique électronique. Avant d’entamer une trajectoire en solo.
En parallèle du duo Scratch Massive, Maud Geffray s’est lancée seule en 2015 lorsque son coéquipier est parti vivre à Los Angeles. C’est comme ça qu’est né son premier album Polaar en 2017. Dans celui-ci, l’artiste originaire de Saint-Nazaire captive les ondes grâce à son univers onirique, rétrofuturiste, synthwave, techno et eurodance. Maud Geffray compose aussi pour le cinéma. Elle a réalisé la bande originale du film documentaire Southern Belle, du réalisateur français Nicolas Peduzzi. De plus, elle a eu l’immense honneur de remixer la magnifique bande originale du film de Luc Besson Le Grand Bleu (1988) composée par Éric Serra. « La musique c’est ma vie. Faire de la musique électronique était une évidence pour moi. C’était ça ou rien. Elle me permet de faire tellement de choses », insiste-t-elle.
Numéro: Le titre de votre album, Ad Astra, est-il une référence au film de James Gray sorti en 2019 ?
Maud Geffray : Avec Alexia Cayre, mon amie photographe, nous sommes parties dans ma ville natale, à Saint-Nazaire et nous avons pris des photos devant cette salle de sport, dans laquelle j’allais quand j’étais petite et qui a une forme de soucoupe volante. J’aime bien cette notion de mystère qui tourne autour de ce bâtiment, on ne sait pas réellement ce que c’est, ça amène à la réflexion. Et lorsque je cherchais des mots pour le nom de l’album, je suis tombée sur la citation « Ad astra per aspera » qui veut dire « Vers les étoiles à travers les difficultés ». Et c’est là que je me suis rendu compte que c’était aussi un film. Je connais très bien le travail de James Gray, pourtant ce film m’avait échappé. Et, aussi étrange que cela puisse paraître, il a été diffusé à la télévision quelques jours après que j’ai décidé de nommer mon album ainsi. Je l’ai donc regardé et je ne voulais pas faire en fonction de ce film, qui, à mon sens, n’est d’ailleurs pas le meilleur de James Gray.
D’ailleurs, vous composez aussi des bandes originales de films. En quoi cela vous intéresse-t-il ?
J’adore le cinéma, c’est une de mes premières passions, je l’ai même étudié durant mes études. Ce que j’y trouve, c’est l’accès à l’univers d’une autre personne, et puis j’apprécie ne pas être seulement enfermée dans le son. Ce sont d’autres palettes, on est au service de personnes dont on aime l’univers, et je trouve ça réellement intéressant.
Quelle est pour vous la plus belle BO de tous les temps ?
Celle du compositeur Georges Delerue pour Le Mépris (1963) de Jean-Luc Godard.
Racontez-nous l’histoire de votre remix de la BO du film Le Grand Bleu (1988) de Luc Besson, composée par Éric Serra.
Ça s’est fait très bizarrement. J’ai reçu une demande du management d’Éric Serra dont je suis fan. Il désirait un remix du morceau du Grand Bleu mais sans toutefois être sûr à la fin de le sortir… Alors, j’ai travaillé sans relâche dessus. J’ai voulu conserver la narration du morceau tout en le modernisant. L’équipe a directement accroché. et ils m’ont alors avoué que ça faisait des années qu’ils essayaient de trouver un artiste pour remixer ce morceau mais qu’ils ne trouvaient pas le bon. S’ils m’avaient dit ça, je ne me serai pas lancée, j’aurais eu beaucoup trop de pression. Et finalement, ils l’ont sorti avec un clip absolument incroyable. J’en suis très fière.
Qu’est-ce qui différencie Ad Astra de votre premier album Polaar ?
Déjà, le contexte : pour Polaar, j’avais choisi une thématique avec le réalisateur Jamie Harley. Nous étions partis en Finlande, tout au nord, en Laponie. Nous sommes restés dans le froid et dans le noir vingt- deux sur vingt-quatre. Nous étions partis là-haut pour se baigner dans cette atmosphère glaciale et hors du temps. Il filmait, et moi, je faisais la musique. Le contexte était beaucoup plus sombre. Ad Astra c’est un autre contexte de vie, un moment où j’avais justement envie d’ouvrir plus ma musique tout en gardant la mélancolie qui la caractérise tant. J’avais envie de mettre un peu plus de voix, d’ouvrir plus les sonorités et de travailler avec d’autres personnes comme Lucien, alias Krampf, du collectif Casual Gabberz, qui a produit l’album. J’ai composé cet album en étant enceinte, pendant le confinement, et en faisant beaucoup d’allers-retours au studio de Lucien en haut de Belleville lorsque le monde était mis sur pause.
Comment intégrez-vous les paroles à vos musiques ?
Je travaille d’abord la mélodie, puis les paroles viennent après. C’est vraiment la musique qui insuffle les thématiques. Le premier morceau de l’album était au départ seulement un instrumental, puis les paroles me sont venues naturellement. Je savais ce que je voulais raconter dans le morceau de manière musicale, il était question de ces fantômes autour de moi. Alors, j’ai dit ces mots-là : « All around me » et je trouvais que ça sonnait vraiment bien avec la mélodie. Je veux que les mots s’intègrent parfaitement au reste, et là c’était le cas.
La mélancolie se ressent dans chacune de vos musiques, c’est un peu votre ingrédient magique ?
On peut dire ça, oui, la mélancolie dans ma voix est la ligne directrice de tous les morceaux, et ce quel que soit l’instrument. Un morceau comme Don’t Need qui est assez dansant possède ce petit côté 2000 désuet toujours accompagné de cette touche de mélancolie dans la voix. C’est vraiment le fil conducteur de mon travail. Evidemment, je désirais aussi que les gens dansent en écoutant l’album, mais je n’avais pas envie que ça se limite à ça. Je voulais qu’il soit homogène. J’avais envie de le nourrir de moments nostalgiques et dansants en alliant les deux.
Vous avez collaboré avec Rebeka Warrior, Koudlam et Krampf sur cet album, comment cela s’est-il fait ?
J’avais envie de complicité sur Ad Astra, et l’idée n’était surtout pas de se dire : “feat. égale combien de vues sur Spotify ?” Avec Rebeka Warrior, il était vraiment question qu’elle fasse un feat. sur mon premier album, mais je n’avais pas trouvé le bon morceau qui lui corresponde. Sur ce nouvel album, j’en avais un qui m’a paru être une évidence pour elle. Je lui ai envoyé et, en quatre jours, elle m’a écrit le texte et c’était plié. C’était super fluide. Koudlam, c’est un artiste que j’aime beaucoup, je le fantasmais un peu pour ses morceaux R’n’B du futur. Donc je lui ai envoyé un son et il l’a retravaillé de manière à ce qu’il s’intègre dans un style cloud rap et électro. Le rendu est superbe. Enfin, avec Krampf ,c’était logique. C’est d’ailleurs avec ce morceau que l’album s’ouvre.
Ad Astra (2022) de Maud Geffray, disponible sur toutes les plateformes.