7 mai 2018

Mais qu’écoutait Phoenix en août 2004 ?

Des influences aussi complètes que variées derrière une musique mélodieuse et ensoleillée. L’un des meilleurs groupes de pop française nous livre sa sélection.

Propos recueillis par Nathalie Fraser.

1 – The Beach Boys – Our Prayer

 

Il nous a fallu du temps pour trouver l’album Smile, et on l’a d’autant plus apprécié quand on a mis la main dessus. On a choisi le morceau d’ouverture, avec juste des chœurs. C’est le moment de transi- tion entre l’époque teenage du groupe et le côté plus complexe de Brian Wilson. En fait, c’est l’ADN des Beach Boys… On a vu Brian Wilson jouer l’album sur scène il n’y a pas longtemps, c’était un grand moment.

2 – Curtis Mayfield – Blue Monday People (Rhino)

 

On a découvert Mayfield alors qu’on était à fond dans l’afrobeat: il nous a réconciliés avec une ryth- mique plus douce, plus mielleuse. C’est un morceau de nuit dans lequel le silence joue un rôle important. Il nécessite une excellente chaîne ou un super casque. On aime bien l’écouter dans le bus quand on part en tournée, en regardant la route.

3 – Kenny Rogers – Ruby, Don’t Take Your Love to Town (Smash)

 

Derrière le côté joyeux de la country, des paroles d’outre-tombe : c’est hyper subversif. On adore Kenny Rogers en tant que songwriter. Tu peux passer des heures à chercher les accords sur une guitare ou au piano sans jamais te lasser. Un classique.

https://youtu.be/2ChPI5pAet8

4 – The Strokes – Under Control (RoughTrade/BMG)

 

Pour l’instant, c’est le seul morceau lent des Strokes. Un aspect inexploré chez eux qu’ils développeront sûrement à l’avenir, même si tous leurs titres ont quelque chose de très mélancolique. On est fans depuis le début: il y a un côté revival, mais la force des compositions dépasse tout.

5 – Urge Overkill – (NowThat’s) The Barclords (Touch&Go)

 

Les gens ne connaissent que l’extrait de la BO de Pulp Fiction, qui n’est pas du tout représentatif de leur travail. Ils font des mélanges incroyables et ont réussi à nous faire rêver. L’idéologie et l’imagerie politique jouent aussi un rôle important chez eux. Nash Kato, le chanteur, a un look pas possible avec des cheveux ultra raides. C’est un très grand in- terprète qui a enregistré une version de notre titre On Fire. Le rêve.

6 – Stevie Wonder – Golden Lady (Motown)

 

Un extrait d’Innervisions, un album moins connu que Songs in the Key of Life. Comme dans d’autres albums qui ont précédé sa gloire, du style Off the Wall de Michael Jackson ou Rubber Soul des Beatles, il plante les graines du travail de l’artiste. Les textes sont absolument incroyables.

7 – D’Angelo – The Root (Virgin)

 

Même si c’est un des albums que j’ai le plus écoutés, je ne comprends toujours pas comment il est fait: la rythmique… tout est vraiment d’avant-garde. Beaucoup de gens l’appellent le nouveau Prince, mais d’une manière un peu péjorative. En fait, il a ouvert beaucoup de portes, et pas simplement pour la nu soul. Son bassiste, Pino Palladino, joue sur plusieurs morceaux de notre album.

8 – Iggy Pop & James Williamson – Sell Your Love (Bomp)

 

Un extrait de l’album Kill City, enregistré pendant qu’Iggy Pop était en hôpital psychiatrique. Il sortait le week-end pour travailler avec James Williamson. Ce disque nous a réconciliés avec les saxos: avant, ils servaient seulement à illustrer une pochette ou à draguer les filles, mais ici ils sont très beaux. Il y a aussidessynthés,cequiestassezrarepourl’époque. C’est un album méconnu, hyper avant-gardiste. Il aurait pu être aussi célèbre que Raw Power.

9 – Mystikal – Bouncin’Back (Jive)

 

L’intro de trente secondes marche tellement bien que ça en devient hypnotique. La production est signée par les Neptunes. Le morceau a deux ans: à l’époque, ils pouvaient adapter leurs recettes à des personnalités très diverses. Ils ont un peu ralenti ces derniers temps, ils ont compris que ça valait mieux.

10 – Bob Dylan – Girl From the North Country (Sony)

 

S’il devait n’en rester qu’un, ce serait lui. Il s’est renouvelé constamment, comme Gainsbourg. Dans le film Dont Look Back de D.A. Pennebaker, on le voit au moment où il décide de prendre une nouvelle voie, de laisser derrière lui son public. Il est toujours en quête de vérité, il ne cherche pas la simplicité.