17 mai 2025

Rencontre avec Marco Mengoni, le chanteur italien qui a secoué l’Eurovision 2023

Alors qu’il s’apprête à entamer une tournée des stades en Italie, le beau Marco Mengoni s’affirme comme une étoile montante. Développant une pop de plus en plus mature, l’ami de la maison Fendi reste toutefois fidèle à son univers intimiste. Lors de l’Eurovision 2023, il n’a pas hésité à afficher ses engagements en faveur de l’inclusion absolue.

  • Par Olivier Joyard

    Portraits par Dylan Don .

  • Marco Mengoni, un phénomène made in Italy

    Avec ses 2,6 millions d’abonnés sur Instagram, ses sept albums numéro un des ventes et ses deux participations à l’Eurovision, Marco Mengoni est l’une des plus grandes stars de la chanson italienne depuis plus de quinze ans, capable de remporter deux MTV Europe Music Awards (en 2010 et 2015), une première pour un artiste de son pays, qui lui permet aujourd’hui de donner des concerts un peu partout, y compris en France où il a déjà rempli le Zénith de Paris.

    C’est aussi une gueule d’ange, un homme sensible inspiré par les grands de la soul, qui traverse une époque troublée en maintenant le cap de sa constante recherche de beauté. Après une année 2024 bouleversante, qui l’a vu perdre sa mère, le trentenaire issu de la ville de Ronciglione, dans le Latium, a eu besoin de se ressourcer. Nous l’avons rencontré alors qu’il prépare une tournée des stades en Italie pour l’été 2025, qu’il souhaite rendre intimiste, à l’image de sa musique et de ses mots.

    L’interview du chanteur Marco Mengoni

    Numéro : Vous êtes d’une beauté absolument solaire, comment expliquez-vous que vos derniers morceaux soient aussi sombres ?

    Marco Mengoni : C’est à mon psy qu’il faudrait en parler ! [Rires.] Je travaille dur avec lui sur ce qui est conscient et ce qui ne l’est pas.

    La musique était-elle importante dans votre enfance ?

    Ma mère adorait chanter et possédait une très belle voix. Je me souviens de soirées passées à l’écouter, quand elle animait des mariages ou des petits clubs. Elle répétait à la maison, et je la regardais. En fait, la musique est directement connectée à ma maman. Nous avons écouté beaucoup de morceaux ensemble, grâce à elle j’ai grandi avec des classiques italiens comme ceux de Mina, de Mia Martini, des voix merveilleuses. Mais aussi de la soul, Aretha Franklin ou Otis Redding. C’est là qu’est né mon amour pour les voix profondes, fortes en émotions.

    Vous avez remporté en Italie l’émission X Factor en 2009. C’est là que tout a vraiment commencé.

    J’avais 21 ans et c’était inattendu. Je n’étais pas encore certain que la musique serait mon destin. Quand j’ai commencé à vivre de cet art, je me suis senti immédiatement nu. J’étais si jeune ! Avant, je voulais devenir architecte, j’ai même étudié le design industriel. J’ai peut-être encore le temps. [Rires.]

    Une vision du succès apaisée

    Comment avez-vous réussi à maintenir la courbe du succès ?
    Je n’ai pas envie de comprendre. De toute façon, il faudrait définir le succès, qui est une notion très subjective. Pour certains, cela veut dire gagner des millions et rester numéro un. Pour moi, même si ça n’a pas toujours été le cas, c’est plutôt se lever chaque matin en se sentant le mieux possible, trouver des moyens de vivre sa vie avec bonne humeur. Ce changement est dû à certaines expériences, celle de la perte notamment.

    Quelle importance l’Eurovision a-t-elle eue dans votre carrière ? Vous y êtes allé deux fois, en 2013 et en 2023. Vous devez aimer ça !

    La première fois, j’étais encore peu expérimenté, pas très à l’aise avec l’anglais, je ne parlais à personne. Puis j’ai eu une seconde chance, et là, c’était génial. J’en ai réellement profité. L’accès à une communauté musicale internationale, à un public se trouvant bien au-delà de l’Italie, cela a représenté un moment clé. J’ai commencé à me produire dans des salles plus grandes à travers l’Europe.

    La performance remarquée et engagée de Marco Mengoni à l’Eurovision 2023

    En 2023, vous êtes apparu sur la scène de l’Eurovision avec deux drapeaux : le drapeau italien, mais aussi le drapeau LGBTQIA+. Quel était votre but ?
    J’ai ressenti le côté unique du moment. À l’Eurovision, il ne s’agit pas seulement de musique, mais de célébrer la liberté, toutes les expressions de la diversité. Porter ces drapeaux, celui de mon pays et celui de l’inclusion absolue, n’avait pas pour but de faire la une des journaux. Je l’ai fait pour des raisons profondes, comme une nécessité. J’ai toujours pensé que la musique représente un outil pour faire tomber les barrières.

    J’ai toujours pensé que la musique représente un outil pour faire tomber les barrières.”-Marco Mengoni

    Après cela, j’ai été surpris de lire des commentaires très gentils. J’ai eu le sentiment de faire quelque chose de bien pour celles et ceux qui se sentaient seuls. Voici, par exemple, l’un des messages que j’ai reçus : “En Pologne, le concours de l’Eurovision est diffusé sur une chaîne publique dont les liens avec le gouvernement anti-LGBT et anti-Europe ne sont plus à démontrer. Voir le drapeau du progrès en direct à la télévision m’a rendu tellement heureux !” J’ai eu l’impression d’utiliser le pouvoir qui m’était donné de la bonne manière.

    Parmi toutes vos chansons, laquelle choisiriez-vous pour faire comprendre votre musique à quelqu’un qui ne la connaîtrait pas ?

    Je me sens toujours très proche de Luce, qui date de 2021. Elle me rappelle ma mère. Je l’ai écrite pour elle. Je fais des chansons pour me souvenir.

    Une tournée italienne très attendue

    Quelles ont été vos principales influences en tant que chanteur ?
    Je parlerai d’abord de Lucio Dalla, un chanteur italien, et même plus que cela, un dieu italien, un génie. Ces derniers jours encore, je l’ai beaucoup écouté. C’est comme une expérience spirituelle. Il a une manière de jouer avec les mots qui n’appartient qu’à lui, et j’en suis très jaloux, car je n’en suis pas capable. [Rires.] Je ressens la douleur, la lumière, tout cela dans sa voix. Je peux également avoir ce sentiment en écoutant Sam Cooke, Donny Hathaway, Umberto Bindi, mais aussi Stromae.

    À quelques exceptions près, vous aimez la musique plutôt ancienne !
    J’ai l’air jeune, mais je ne le suis pas tant que cela. [Rires.] Cela dit, j’aime aussi des artistes actuels comme James Blake, Anohni and the Johnsons et Madame, une chanteuse italienne. Je suis un omnivore, si je peux employer cette expression. J’aime tout, de Wagner à Lady Gaga.

    Cette année, vous faites une tournée des stades en Italie.
    Je crois que ce sera mon meilleur trip, oui, c’est le mot que je peux utiliser. Un voyage. Pour la plupart de mes concerts, j’aime écrire des monologues, pour que les spectateurs repartent avec la banane, mais aussi avec des éléments de réflexion. Ce que je fais doit dépasser la musique. Je souhaite que cela ressemble à un opéra, à une tragédie grecque ! Cette tournée sera un moment important de 2025, mais j’ai également envie d’écrire et de me reposer. J’espère pouvoir me reconstruire, retrouver les parties de moi qui ont été perdues. Je veux rire pendant que je pleure, me sentir vivant, découvrir de nouveaux lieux, peut-être même une nouvelle version de moi-même.

    La finale de l’Eurovision aura lieu ce samedi 17 mai 2025 à Bâle, en Suisse.

    Marco Mengoni sera en tournée en Italie du 21 juin au 24 juillet et en Europe du 8 octobre au 10 décembre 2025.