31 mai 2021

Génie de la guitare et bassiste multicolore… focus sur quatre artistes improbables

Thibault Cauvin, Rodrigo et Gabriela, MonoNéon et St. Vincent sont bassistes ou guitaristes. Et chacun d’entre eux a une approche complètement différente de l’instrument… et de la musique. Instrumentiste délicat ou bête de scène, découvrez quatre artistes fantastiques.

Il y a trois manières bien clichées d’être guitariste. La première, c’est d’être un beau gosse avec une mèche blonde qui, les pieds dans le sable, gratte quelques cordes en chantonnant quelques airs de James Blunt. La seconde correspond au travailleur acharné, aux cheveux longs et bruns pour qui la guitare est un organe vital. Dans ses mains, pas d’acoustique mais une très belle Fender Juagar, emblématique du rock indépendant des années 1990. Puis, il y a le guitariste du dimanche, que l’instrument ne démange plus mais qui peut se vanter d’en avoir plusieurs accrochées aux murs dans sa salle de musique : une Hofner Viola , une acoustique, une Takamine. Il les empoigne parfois pour les dépoussiérer et faire vibrer les cordes. Et posé là, à côté, un médiator comme un symbole d’une passion lointaine. Trois poncifs dont on peut tirer une chose : la guitare est toujours aussi branchée. Peut-être sont-ils renforcés par ces quelques figures improbables, iconiques, géniales, qui font de la guitare un instrument à part entière. Les qualités des artistes   sont multiples : de l’imprévisible MonoNéon, au génie artistique de Thibault Cauvin, en passant par le métal mexicain de Rodrigo et Gabriela, et la voyageuse et l’énigmatique St. Vincent, découvrez quatre artistes improbables. 

 

 

Thibault Cauvin, simplement génie

 

« Mon plaisir, c’est de jouer des notes qui soient universelles et qui touchent le public de New York comme celui d’un village africain qui n’a jamais entendu le son d’une guitare. Voir ces gens si différents sensibles à ma musique, c’est un bonheur inouï ». Voilà comment le surdoué de la musique, Thibault Cauvin, évalue la portée de sa musique. La guitariste classique, 36 ans, est née avec une guitare entre les mains. Son père, guitariste de rock et de jazz, et créateur du groupe jazz-rock progressif Uppsala, lui a transmis sa passion. Un sourire rayonnant, un talent insolent. Tout semble facile pour le jeune bordelais qui, déjà, à l’âge de 20 ans, avait remporté 36 prix internationaux, dont 13 premiers prix, ce qui en fait le guitariste le plus titré au monde, et un des concertistes les plus réputés. S’ensuit une tournée exceptionnelle de près de 1 000 concerts dans 120 pays.  Après son album Cities (2012), Danse avec Scarlatti en 2013, Cities II en 2018, Thibault Cauvin Plays Leo Brouwer (2020), son album Films sorti début mai 2021 est un voyage musical très intime dans le cinéma. Il ravive avec subtilité et virtuosité toute mémoire cinématographique que chacun essaye de ne pas perdre. Car le cinéma, c’est bien plus qu’un film : c’est aussi un mélange d’émotions, de souvenirs, d’amour, et d’amitiés etc. Dans son album, il joue des interprétations très actuelles des musiques tirées de Kill Bill, La La Land, Drive, Arizona Dream, Midnight Express, In The Mood for Love...ou l’Ascenseur pour l’échafaud, titre dans lequel il est accompagné de la trompettiste Lucienne Renaudin Vary et forment un duo somptueux.  En un accord, il fait revivre les films. Les sons redeviennent des images grâce à une guitare futuriste conçue pour l’album – qu’il cache derrière son dos sur la pochette de l’album. En ajoutant sa petite touche, avec des pédales de loop (boucles), c’est toute une palette de couleurs symphoniques qu’il se permet d’utiliser. Son son est moderne, plein d’attaques et de projection. Sur scène, assis, l’instrument à la main, il est transporté par sa propre musique. Il a toujours ce sourire communicatif, comme s’il découvrait pour la première fois les quatre cordes magiques. 

 

Rodrigo et Gabriela, les Bonnie & Clyde de la guitare acoustique

 

Dans les ruelles chaudes de Mexico, les deux guitaristes, encore jeunes adolescents insouciants, s’étaient dragués… Artistes, ils suivent un petit cours de théâtre. Rodrygo, connaissait l’outil classique du charmeur : la guitare. Et pour se rapprocher de celui qui travaille assidûment, Gabriela se met, elle aussi, à apprendre l’instrument à cordes. Une fois la complicité tissée, ils crée un groupe de thrash metal, Tierra Acida, mais voyant que Mexico n’est pas une terre fertile pour des musiciens émergents, le duo mexicain s’expatrie à Dublin à la fin des années 90. Leur scène? La rue la plus passante de la capitale d’Irlande, Grafton Street, qui leur permet de gagner trois sous. Très vite, leur metal flamenco transporte des dizaines de milliers de personnes dans le monde entier. Ils sortent Foc (2001), Rodrigo y Gabriela (2006) – qui est succès international–  et 11:11 (2009). La même année, ils retournent au Mexique et un an plus tard, c’est la consécration:  ils jouent à la Maison Blanche, devant deux grands fans, Michelle et Barack Obama, et un président mexicain ébahi. C’est une immense récompense. Leur succès ? Deux guitares acoustiques aux cordes de nylon, mêlant hard rock, flamenco, heavy-metal à la sauce latine. S’ajoutent à cela des riffs puissants, des sauts. Sur scène, leur alchimie est parfaitement cimentée. L’osmose, elle, est bien réelle car elle ne se feint pas.  L’album Area 52 (2012) avec ses musiciens cubains et 9 dead Alive (2014) en témoignent. Après une tournée internationale, les duettistes ont  le sentiment de tourner dans le vide, comme lassés par des années de concerts. Mais que nenni : la flamme du groupe ne s’éteint jamais. Mieux, elle retrouve une nouvelle vitalité dans leur album Mettavolution (2009)… En effet, ils utilisent un bottleneck ( un petit cylindre en verre ou en métal pour produire un son métallique)  sur le titre “Terracentric” et reprennent très habilement “Echoes” de Pink Floyd. Un album où ils témoignent des angoisses de l’époque moderne, du changement climatique et des impacts de l’intelligence artificielle. “Même si vous n’avez pas de paroles, vous pouvez tout exprimer… car la musique est la langue de l’émotion”.

 

 

MonoNéon

 

Un bonnet rose pétant, une guitare jaune et rouge, des pulls multicolores, une grande chaussette qui regroupe la tête et la mécanique de la guitare, une gommette à son nom, collée au milieu de sa guitare,  des lunettes vertes, un masque de ski, des grosses chaussures tachetées bleues et orange. Comment décrire Dywane Thomas Jr. alias Mononénon ? Guitariste, bassiste, non conformiste et expérimental, le trentenaire commence la musique à quatre ans dans une famille de musiciens. Très vite, il s’éloigne des carcans, explore la soul – musique dérivée du rythm and blues dans les années 1950 –, le blues et le funk – le rock des années 70– et y puise une imagination sans borne. Unique, c’est bien l’adjectif qui correspond à Manonéon : il exécute tout à l’envers, utilise  le pouce et les doigts pour les slaps (technique de jeu pour produire des sons percussifs), et crée un timbre chaud et étouffé avec sa paume. En 2010, MonoNéon joue de la basse sur l’album Libra Scale de l’artiste Ne-Yo, lauréat d’un Grammy Award et 2012, il sort son album solo d’avant-garde, Down-to-Earth Art. Et dans cette musique libre, sans frontière, certaines inflexions mélodiques rendent hommage à la musique indienne avec l’utilisation de gamak, cet ornement musical qui consiste en une oscillation très rapide d’une note. Parce que sa musique est le résultat d’une folie créative et que ses frontières musicales sont poreuses, MonoNéon joue du hasard et des erreurs personnelles. Fidèle à lui-même, il est ce “funky aux caractéristiques inhabituelles”. Et à la question “qu’étiez-vous dans le passé ?”, il répond : “une installation de néons qui brillait sur les mains d’Albert King”.

 

 

St. Vincent

 

Annie Clark, aka St.Vincent, fait un retour très remarqué avec son nouvel album intitulé Daddy’s Home, dans les bacs depuis le 14 mai. Quelques jours avant sa sortie, elle dévoile le titre très vintage, “Down”, dans lequel elle plonge la tête première dans le funk et le soul des années 70. Dans son clip, on fait un voyage dans le temps : cassette, tapisseries vertes à fleurs, moquette couleur saumon foncé. Chez St Vicent, tout est une affaire de voyage, de road trip, de découvertes musicales sur les routes. Elle commence roadie (technicien qui accompagne les groupes de rock en tournée) pour le groupe de son oncle, puis s’en va à Berklee School Music de Boston, pour parfaire sa technique et trouver une identité musicale. Un cadre scolaire qu’elle quitte avant le terme pour finalement revenir au Texas, à Dallas, la ville où elle a grandi. Elle se joint au groupe The Polyphonic Spree en 2006 et termine l’année comme ses débuts, sur la route, avec Sujfan Stevens. Elle y officialise son nom : St. Vincent… En réalité, elle n’a pas trouvé (volontairement ?) son identité musicale. Pop ? Rock ? Elle refuse d’être sous le joug d’un style particulier. Elle conserve cette aura mystérieuse, en s’immisçant dans la peau d’un nouveau personnage à chaque album : prêtresse sur le titre éponyme St. Vincent, séductrice dans MASSEDUCTION (2017) ou icône de mode dans son dernier album. Sur scène, elle se tient droite, son regard est perçant, déterminé. Elle manie la guitare avec vigueur et nonchalance. Ses grandes bottes noires mi-cuisse et sa combinaison moulante lors de son passage aux Grammy’s en compagnie de Dua Lipa la rendent aussi énigmatique que lumineuse. A l’instar de MonoNéon, la mode est à l’artiste que les frontières n’arrêtent pas…. 

St. Vincent – “Daddy’s Home”

On connait tous les trois grands clichés du guitariste. D’abord : un beau gosse à mèche blonde qui, les pieds dans le sable, gratte quelques cordes en chantonnant des airs de James Blunt. Ensuite, le ou la travailleuse acharné(e) pour qui la guitare est un organe vital. Dans ses mains, une très belle Fender Jaguar, emblématique du rock indépendant des années 1990. Enfin, il y a les guitaristes du dimanche, que l’instrument ne démange plus mais qui peuvent se vanter d’en avoir plusieurs, accrochés aux murs. Ils les empoignent parfois pour les dépoussiérer et se remémorer une passion lointaine. Trois poncifs dont on ne peut tirer qu’une chose : la guitare est toujours aussi branchée. Numéro s’est intéressé à des guitaristes et à des bassistes improbables et imprévisibles, de Thibault Cauvin qui repense les bandes originales des plus grands films à la guitare acoustique à MonoNéon, le bassiste multicolore et barré qui transforme les discussions des plateaux télévisés en morceaux de musique…

 

 

1. Thibault Cauvin, le guitariste le plus titré au monde

 

Mon plaisir, c’est de jouer des notes qui soient universelles et qui touchent le public de New York comme celui d’un village africain qui n’a jamais entendu le son d’une guitare. Voir ces gens si différents sensibles à ma musique, c’est un bonheur inouï.” Voilà comment le surdoué de la musique, Thibault Cauvin, évalue la portée de sa musique. Le guitariste classique de 36 ans est né avec une guitare entre les mains. Son père, lui-même guitariste de rock et de jazz, lui a transmis sa passion. Un sourire rayonnant, un talent insolent… Tout semble facile pour le Bordelais qui, à l’âge de 20 ans, avait déjà remporté 36 prix internationaux, dont 13 premiers prix, ce qui en fait le guitariste le plus titré au monde, et l’un des concertistes les plus réputés qui a donné près de 1 000 concerts dans 120 pays différents… Après la sortie de son album Cities (2012), Danse avec Scarlatti en 2013, Cities II en 2018, Thibault Cauvin Plays Leo Brouwer (2020), son album Films sorti début mai 2021 est un voyage musical très intime dans le cinéma. Il ravive avec subtilité et virtuosité les BO des films cultes: Kill Bill, La La Land, Drive, Arizona Dream, Midnight Express, In The Mood for Love ou Ascenseur pour l’échafaud, titre dans lequel il est accompagné de la trompettiste Lucienne Renaudin Vary qui joue la partition composée – et improvisée – par Miles Davis. En ajoutant sa petite touche, avec des pédales de loop (boucles), c’est toute une palette de couleurs symphoniques qu’il se permet d’utiliser. 

2. Rodrigo et Gabriela, les Bonnie & Clyde de la guitare acoustique

 

C’est dans les ruelles chaudes de Mexico que Rodrigo et Gabriela se rencontrent, à l’époque où ils ne sont encore que deux adolescents qui suivent un petit cours de théâtre. Rodrygo, connait l’outil classique du charmeur : la guitare. Et pour se rapprocher de celui qui travaille assidûment, Gabriela se met, elle aussi, à découvrir l’instrument à cordes. Une fois la complicité tissée, ils crée ensemble un groupe de thrash metal, Tierra Acida. Mais voyant que Mexico n’est pas une terre fertile pour des musiciens émergents, le duo s’évade à Dublin à la fin des années 90. Leur scène? Un rue commerçante de la capitale d’Irlande, Grafton Street, qui leur permet de gagner trois sous. Très vite, leur metal flamenco transporte des dizaines de milliers de personnes dans le monde entier. Ils sortent Foc (2001), Rodrigo y Gabriela (2006) – qui est succès international–  et 11:11 (2009). La même année, ils retournent au Mexique et un an plus tard, c’est la consécration: ils jouent à la Maison Blanche, devant deux grands fans, Michelle et Barack Obama, et un président mexicain ébahi. C’est une immense récompense. Leur succès ? Deux guitares acoustiques aux cordes de nylon, mêlant hard rock, flamenco, heavy-metal à la sauce latine.Sur scène, leur alchimie est parfaitement cimentée. L’album Area 52 (2012) avec ses musiciens cubains et 9 dead Alive (2014) en témoignent. Après une tournée internationale, Rodrigo et Gabriela ont  le sentiment de tourner dans le vide, comme lassés par des années de concerts. Mais la flamme ne s’éteindra jamais. Mieux, elle retrouve une nouvelle vitalité dans leur album Mettavolution (2009)… En effet, ils utilisent un bottleneck (un petit cylindre en verre ou en métal permettant de produire un son métallique) sur le titre “Terracentric” et reprennent très habilement “Echoes” de Pink Floyd. Un album où ils témoignent des angoisses de l’époque moderne, du changement climatique et des impacts de l’intelligence artificielle.

3. MonoNéon, le bassiste barré qui fascine les stars

 

Un bonnet rose pétant, une guitare jaune et rouge, des pulls multicolores, une grande chaussette qui regroupe la tête et la mécanique de la guitare, une gommette à son nom, collée au milieu de l‘instrument, des lunettes vertes, un masque de ski…  Comment décrire Dywane Thomas Jr. alias MonoNénon ? Guitariste, bassiste expérimental, le trentenaire commence la musique à quatre ans poussé par sa famille de musiciens. Très vite, il s’éloigne des carcans, explore la soul, le blues et le funk et y puise une imagination sans borne. Unique, c’est bien l’adjectif qui correspond à MonoNéon. Sur les réseaux sociaux, il fascine ses followers en composant des morceaux à partir de dialogues de célébrités, extraits de vidéos piochées sur Internet. Mais il collabore aussi avec de nombreux artistes confirmés. En 2010, MonoNéon jouait la partition de basse sur l’album Libra Scale de l’artiste Ne-Yo, lauréat d’un Grammy Award et 2012, et sortait son album solo d’avant-garde, Down-to-Earth Art. Et dans cette musique libre, sans frontière, certaines inflexions mélodiques rendent hommage à la musique indienne avec l’utilisation de gamak, cet ornement musical qui consiste en une oscillation très rapide d’une note. Et à la question “qu’étiez-vous dans le passé ?”, il répond : “une installation de néons qui brillait sur les mains d’Albert King” [un célèbre guitariste de blues].

4. St. Vincent, la guitariste énigmatique

 

Annie Clark, aka St.Vincent, fait un retour très remarqué avec son nouvel album intitulé Daddy’s Home, disponible depuis le 14 mai. Quelques jours avant sa sortie, elle dévoile le titre très vintage, “Down”, dans lequel elle plonge tête la première dans le funk et la soul des années 70. Chez St. Vincent, tout est une affaire de voyage, de road trip et de découvertes musicales. Elle a d’ailleurs commencé en tant que roadie (technicien qui accompagne les groupes de rock en tournée) pour son oncle, avant d’intégrer le Berklee College of Music pour parfaire sa technique et trouver son identité musicale. Un cadre scolaire qu’elle quitte avant le terme pour finalement revenir au Texas, à Dallas, la ville où elle a grandi. Elle se joint au groupe The Polyphonic Spree en 2006 et termine l’année comme ses débuts, sur la route, avec Sujfan Stevens. Elle y officialise alors son nom de scène : St. Vincent et conserve cette aura mystérieuse, en s’immisçant dans la peau d’un nouveau personnage à chaque album : prêtresse sur le titre St. Vincent, séductrice dans MASSEDUCTION (2017) ou icône de mode dans son dernier album. Sur scène, elle se tient droite, son regard est perçant, déterminé. Elle manie la guitare avec vigueur et nonchalance. Ses grandes bottes noires mi-cuisse et sa combinaison moulante lors de son passage aux Grammy’s en compagnie de Dua Lipa la rendent aussi énigmatique que lumineuse.