De Tame Impala à Kesha, les jaquettes d’albums racontées par l’artiste Robert Beatty
On connaît surtout Robert Beatty car il a imaginé la cover de l’album « Currents » (2015) de Tame Impala. Albums, affiches de films, illustrations pour la presse… Pour tromper l’ennui, l’artiste de tout juste quarante ans crée, sans relâche, armé de son imagination et de son ordinateur, façonnant un monde chaque fois un peu plus onirique. Avec Numéro, il revient sur trois de ses jaquettes les plus emblématiques.
Par Alice Pouhier.
Au téléphone, Robert Beatty ressemble à un grand enfant. Il garde sans doute avec son jeune âge un lien indéfectible, à en juger son imagination si foisonnante, mêlant la nature et la technologie, les symboles et les couleurs, jouant avec les dimensions et les éléments. “Je pense que la meilleure manière de qualifier mon travail, ce serait de l’appeler “art numérique”, car tout est fait à l’ordinateur. Mais en réalité, je trouve que cela s’apparente à du collage : j’assemble les choses.” Un œil géant qui scrute le capitole, une rose qui fend le sol de sa tige… Tantôt absurdes ou mélancoliques, ses œuvres délirantes rappellent l’esthétique des affiches commerciales des années 1960, lui qui éprouve une fascination pour cette époque. “A ce moment-là, on commençait tout juste à utiliser les ordinateurs pour faire de l’art. Les gens ne savaient pas encore très bien ce qu’ils faisaient, j’imagine qu’ils étaient plus libres.”À un peu plus de quarante ans, Robert Beatty a déjà créé plus de 200 jaquettes d’albums. Pour “ne pas s’ennuyer”, il s’est récemment essayé aux affiches de cinéma – comme pour le film Strawberry Mansion d’Albert Birney (2021) –, et à l’illustration d’articles pour le New York Times sur les maux du monde, comme la crise climatique, créant des paysages aussi chiadés qu’inquiétants : “Je dis souvent que je serais l’illustrateur officiel de la fin du monde” rit-il.
1. Currents (2015) de Tame Impala
Quand il crée le design de l’album légendaire de Tame Impala, Robert Beatty ne se doute pas qu’on lui en parlera encore, six ans après, ni même qu’il serait décliné en tatouage par des fans du groupe. En 2014, lors de la préparation de l’album, c’est Kevin Parker qui lui soumet son idée. Le musicien lui parle de la dynamique des fluides – les ondulations créées autour d’un objet placé dans l’eau –, dont les formes psychédéliques inspirent déjà l’artiste. Parker lui présente des schémas d’air circulant autour d’une aile d’avion, comme un courant. “En réalité, le design de la cover est une interprétation littérale du nom de l’album, Currents, explique-t-il, et je ne sais pas si les gens le réalisent. Sur cet album, j’ai trouvé que c’était l’une des transpositions les plus naturelles que j’ai pu faire de l’idée d’un musicien. Ce que j’ai imaginé, était très direct.”
2. Rainbow (2017) de Kesha
“J’ai l’habitude de travailler seul, alors cette cover était un petit challenge”. Deux ans après la sortie de Currents, Robert Beatty devient victime de son succès. S’il reçoit plus de demandes qu’il ne peut en traiter, il accepte pourtant de se prêter au jeu de la cover avec Kesha pour son troisième album, Rainbow. Accompagné de la photographe Olivia Bee et du directeur artistique Brian Roettinger – qui a travaillé avec Jay-Z et Florence + The Machine –, l’artiste tente de composer avec les envies loufoques de la chanteuse : “Elle était super impliquée ! Elle voulait sans cesse rajouter des vaisseaux, des dauphins et des arcs-en-ciels, elle balançait ses idées pêle-mêle, c’était difficile de faire le tri” se remémore-t-il.
3. Birdsongs of the Killjoys (2019) de Bedouine
“Une des choses que j’essaye de faire dans mon travail, c’est de montrer le subconscient.” Empoignant toutes les possibilités offertes par le numérique, Robert Beatty façonne un monde semblant tout droit sorti d’un rêve… Sur la cover de l’album Birdsongs of the Killjoys (2019) – l’une des favorites de l’artiste –, dont le surréalisme semble avoir été emprunté à Dalí, Robert Beatty explique avoir créé un monde, dans lequel il est revenu par la suite. “J’associe souvent cette esthétique avec un autre travail que j’ai réalisé pour William Tyler. Je les vois tous les deux appartenir au même monde.”