Les confessions de l’icône du rock Marianne Faithfull : “C’est parfois périlleux de rencontrer ses idoles”
La chanteuse, compositrice et actrice britannique iconique Marianne Faithfull nous a quittés le 30 janvier 2025, à l’âge de 78 ans, En guise d’hommage, retour sur ce jour où, en 2005, la rock star livrait à Numéro une sélection musicale pleine d’âme.
par La rédaction.
et Violaine Schütz.
Un visage d’ange, une esthétique qui navigue entre élégance et décadence et une voix rocailleuse qui prend aux tripes… La chanteuse, compositrice et actrice britannique Marianne Faithfull nous a quittés le 30 janvier 2025, à l’âge de 78 ans, après avoir mené une vie répondant à l’adage “sex, drugs and rock’n’roll”.
La descendante de l’écrivain Leopold von Sacher-Masoch (inventeur du sadomasoschisme avec son roman La Venus à la fourrure) et fille d’une aristocrate autrichienne est d’ailleurs l’une des rares femmes, dans l’histoire du rock, avec Courtney Love, à avoir osé une vie faite d’autant d’excès que les existences des rock stars masculines. Sa voix en a porté les séquelles, se transformant au fil des années pour devenir de plus en plus écorchée et poignante. “Princesse, pute, rock star : je n’ai jamais vraiment fait cas du regard des autres. Je sais seulement que je suis une artiste vivante”, a-t-elle un jour déclaré.
Hommage à Marianne Faithfull, héroïne écorchée du rock
L’égérie du Swinging London et ex-compagne de Mick Jagger laisse derrière elle de sublimes chansons (As Tears Go By, Broken English, The Ballad of Lucy Jordan), une vie mouvementée (cancer, overdoses, tentative de suicide, séjours dans la rue, arrêt cardiaque…), des collaborations prestigieuses (The Rolling Stones, The Beatles, David Bowie, Metallica, PJ Harvey, Nick Cave) et des looks iconiques, copiés par son amie Kate Moss et par Sienna Miller.
Quand Andrew Loog Oldham, le manager des Rolling Stones, la découvrit dans une fête londonienne en 1964, il tomba sous son charme illico, avouant plus tard en faisant preuve d’un certain sexisme : “J’ai vu un ange avec des gros seins et je l’ai signée.” En 1967, quand Marianne Faithfull est arrêtée par la police chez Keith Richards, elle leur ouvre nue sous une couverture en fourrure.
Mais Marianne Faithfull fut bien plus qu’une très jolie fille érigée en icône au fort potentiel érotique… Grande amoureuse de poésie, personnalité aussi drôle que cultivée (qui a fait découvrir de nombreux livres à Rolling Stones) et artiste d’une incroyable longévité, elle a inspiré de nombreux musiciens. En guise d’hommage, retour sur la fois où, en 2005, elle dévoilait sa sélection musicale à Numéro.
La playlist de Marianne Faithfull pour Numéro
1. Aretha Franklin – Chain of Fools
Pour moi, elle est la voix de Dieu. Et il y en a peu dont on peut en dire autant.
2. James Brown – It’s a Man’s Man’s Man’s World
Une de mes chansons préférées. Il est peut-être la voix du diable, ou la deuxième voix de Dieu. Après tout, on peut être les deux à la fois.
3. Billie Holiday – God Bless the Child
J’écoute les disques de Billie depuis que j’ai quinze ans. J’ai choisi cette chanson parce qu’elle l’a écrite, ce qui n’était pas très habituel, mais j’aurais pu en choisir tellement d’autres.
4. Tom Waits – The Briar and the Rose
Cette chanson est extraite du spectacle The Black Rider, dans lequel je jouais le diable. Un rôle à l’opposé de celui d’Ophélie, que j’incarnais en 69. J’ai décidé de passer du statut de passive à celui d’active en 79, au moment de mon album Broken English.
5. Jimi Hendrix – Hey Joe
Fantastique. Il n’y a rien d’autre à ajouter.
6. Miles Davis – Kind of Blue
J’ai écouté toute ma vie les chansons que j’ai choisies, elles font partie de ma propre temporalité. Je n’ai pas un seul os nostalgique dans mon corps. Je ne pourrais donc pas vivre sans ce disque. Je ne sais pas quel thème choisir d’ailleurs, peut-être le premier, So What.
7. Little Richard – Good Golly Miss Molly
Je l’ai rencontré il y a onze ans, je crois, je faisais une sorte de pèlerinage dans l’hôtel où il habite à Los Angeles. C’est parfois périlleux de rencontrer ses idoles. Ça aurait pu être horrible, mais il a été délicieux. J’espère qu’il se souvient de moi. Apparemment, nous avons beaucoup d’amis en commun.
8. Will Oldham/Bonnie Prince Billy – Master and Everything
J’ai failli l’enregistrer sur mon dernier album, mais j’ai décidé d’écrire mes propres chansons, avec notamment PJ Harvey et Nick Cave. Depuis que j’ai signé Sister Morphine, j’ai toujours privilégié l’écriture. J’ai d’ailleurs participé à celle de Sympathy for the Devil : j’ai fait lire Le Maître et Marguerite de Boulgakov à Mick, et il a écrit Sympathy. J’étais plus discrète que Yoko ne l’était avec Lennon. Nous avions une relation très respectueuse.
9. Sam Cooke – A Change Is Gonna Come
C’est étrange, je choisis beaucoup de “voix de Dieu”, peut-être parce que j’ai la grippe… et puis je vois la musique comme une expérience mystique. J’adore ses disques de gospel, ceux d’Elvis aussi. Des types comme Buddy Holly ou Ray Charles ont mêlé sacré et profane pour en faire quelque chose de différent et de révolutionnaire.
10. PJ Harvey – Sheela-Na-Gig
Difficile de choisir une seule chanson dans son répertoire, mais celle-là flotte dans mon esprit. Par ailleurs, votre requête (de sélectionner dix artistes) n’est pas très humaine, il y a tellement d’autres artistes que j’aurais pu sélectionner ! Smokey Robinson, Otis Redding, Bob Dylan, Nick Cave, et tant d’autres…