1 déc 2025

Rencontre avec Aya Nakamura : “Je n’ai pas de mal à exposer ma vulnérabilité”

Une invitation au Met Gala, une performance mémorable à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et une statue au musée Grévin… L’impériale Aya Nakamura triomphe, et ce, dans le monde entier. À tout juste 30 ans, la chanteuse charismatique et talentueuse a été adoubée par Rihanna, Alicia Keys et Madonna. Pour accompagner la sortie de Destinée, son nouvel album, celle qui fait partie des artistes français les plus écoutés au monde, donnera trois concerts au Stade de France en mai 2026. Rencontre avec une star à la destinée étincelante.

  • portraits par Jean-Baptiste Mondino

    propos recueillis par Violaine Schütz

    réalisation Ayoub Agourram et Anna Castan.

  • Elle doit son pseudo à un personnage de la série Heroes qui possède le don de voyager dans l’espace et le temps. Et c’est exactement ce qu’Aya Nakamura a accompli à travers sa fulgurante ascension dans le monde de la musique. D’Aulnay-sous-Bois aux marches du Met Gala en passant par la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et une statue au musée Grévin, la chanteuse est, à tout juste 30 ans, devenue le modèle de toute une génération et une icône libre, fière et impériale dont l’aura rayonne au-delà des frontières.

    Destinée, le nouvel album d’Aya Nakamura

    Adoubée par Madonna, Alicia Keys, Kali Uchis et Rihanna, la talentueuse et charismatique chanteuse franco-malienne collectionne les tubes, les jeux de langage et les collaborations prestigieuses (Balenciaga, Lancôme) et les apparitions incandescentes en Fashion Week (chez Jean Paul Gaultier, Chanel, Jacquemus) traçant un sillon lumineux et inspirant dans le panthéon de la musique tout en restant naturelle, authentique, sincère et entière. Et le règne de cette femme puissante et indépendante issue d’une famille de griots de Bamako n’est pas près de se faner.

    L’une des dix artistes francophones les plus écoutées au monde donnera trois concerts au Stade de France en mai 2026. Celle que ses fans surnomment la Queen ou “La reine de France” défendra alors son tout nouvel album : l’émouvant et dansant Destinée, publié en novembre 2025. Un disque qui parle d’amour, d’empowerment et de santé mentale et qui croise les genres musicaux (pop, R’n’B, shatta, zouk, kompa, amapiano, jazz, afrobeat et soul) l’imposant un peu comme l’une de nos étoiles les plus brillantes et audacieuses de ces dix dernières années. Interview d’une star à la destinée étincelante.

    L’interview de la chanteuse Aya Nakamura

    Numéro : Vous venez de sortir votre nouvel album intitulé Destinée. Pourquoi avez-vous choisi ce titre ?

    Aya Nakamura : Parce que j’étais à un moment de ma vie où j’avais besoin de suivre le chemin de mon existence. J’avais l’impression que tout ce que je faisais était un accomplissement. J’ai donc décidé d’appeler cet album Destinée, un mot qui suggère que tout est déjà prévu. Je crois au destin. Je suis convaincue que, dans le monde, tout est lié. La spiritualité tient une place importante dans ma vie. Je pense que j’ai une bonne étoile et je suis attentive à mes énergies.

    Plus jeune, vous rêviez d’être modéliste. Était-ce votre destinée de devenir chanteuse ?
    Franchement, je pense que, la plupart du temps, les choses se déroulent telles qu’elles doivent se dérouler. Je ne sais pas si j’étais “destinée” à devenir chanteuse, mais en tout cas, c’est un désir qui m’habitait depuis toujours.

    L’amour est un sujet universel. C’est le sentiment capable de relier tous les êtres humains.” Aya Nakamura

    Vous dites que cet album est une partie de vous, qu’il vous ressemble. Est-ce celui dont vous êtes le plus fière ?
    Aujourd’hui, oui, parce qu’il m’est impossible de le comparer avec les précédents, tout simplement, car ils correspondent à des étapes différentes de ma vie. Il me semble que cet album est plus clair, et plus cru du point de vue des mots. Je dirais aussi qu’il est plus sincère. J’avais envie d’un disque très musical, dans les lyrics et surtout dans la voix. Je voulais qu’elle soit mise en avant. Et je désirais aussi me diversifier, et m’amuser.

    Sur la pochette de Destinée, vous apparaissez avec des cheveux gris-bleu dans un décor futuriste. Quel était le moodboard que vous aviez défini pour cette prise de vue ?
    Je dirais qu’il s’agit d’une esthétique introspective. Nous avons concrétisé en images le fait que je puisse être honnête et que je me sente un peu unique en mon genre.

    Je n’ai pas de mal à exposer les moments où je suis le plus vulnérable.” Aya Nakamura

    Sur ce disque, comme dans vos autres productions, on trouve beaucoup de chansons d’amour. Selon vous, les plus beaux morceaux parlent-ils toujours de ce sentiment ?
    L’amour est un sujet universel. C’est le sentiment capable de relier tous les êtres humains. Pour ces chansons, je me suis inspirée d’expériences arrivées à d’autres femmes, mais, la plupart du temps, je puise dans ma propre vie.

    Sur des titres comme Anesthésie ou Blues, vous abordez le sujet de la santé mentale. Vous parlez de “sentiments anesthésiés”, de “moments qui vous ont traumatisée” ou de “douleurs” encore “sensibles”. Est-ce important pour vous de vous montrer vulnérable alors que vous êtes une superstar ?
    Je pense que plus, on monte en tant qu’artiste, plus cela met de la distance entre nous et les autres, alors, de mon point de vue, montrer ma vulnérabilité constitue un pas qui me rapproche de mon public. C’est très important à mes yeux. Il n’y a pas que le côté “femme forte et hyper souriante”. Il n’y a pas que des moments de bonheur dans la vie. Je n’ai pas de mal à exposer les moments où je suis le plus vulnérable. Je trouve ça normal. Pour moi, en tant qu’artiste, c’est la base.

    Il faut s’accorder des moments de pause.” Aya Nakamura

    Compte tenu de votre degré de notoriété aujourd’hui, avec la pression et les attentes qui pèsent sur vos épaules, comment prenez-vous soin de votre santé mentale ?
    Je crois qu’il est nécessaire de savoir prendre du recul, d’apprendre à s’observer, à se connaître surtout, et être conscient qu’il faut s’accorder des moments de pause. Il faut aussi pouvoir s’entourer d’une bonne équipe, posséder un entourage capable de mesurer nos forces et nos faiblesses, attentif à nos besoins.

    Sur votre titre Summum, vous prononcez ces mots : “Au summum de ma féminité.” Pour vous, est-ce essentiel d’écrire des morceaux qui vont procurer aux femmes un sentiment d’empowerment en les écoutant ?
    Oui, c’est ce que j’essaie de faire en effet, mais, en premier lieu, je parle de ce que je ressens. [Rires.] Je nourris mes morceaux de tout ce que j’ai en moi, et c’est ce qui est peut-être ensuite ressenti par le public, tout simplement. Et surtout, je suis une femme. Aujourd’hui, j’ai le sentiment d’être au summum de ma féminité. Je ne sais pas si ça demande des sacrifices, mais ce dont je suis sûre, c’est qu’il existe certains pans de la société où on ne peut pas l’être à 100 %.

    Aya Nakamura – No Stress (2025).

    Je nourris mes morceaux de tout ce que j’ai en moi, et c’est peut-être ce qui est ressenti ensuite par le public.” Aya Nakamura

    Sur le morceau Dis-moi, vous chantez : “Je n’ai pas ma langue dans ma bouche.” On a l’impression que vous ne mentez pas dans vos textes, comme dans la vie. Cela a-t-il parfois pu vous jouer des tours ?
    Un peu, c’est vrai. Le fait d’être honnête en tant que femme, et l’honnêteté tout court, ce n’est pas forcément admis, ça n’a pas sa place tous les jours dans la société. Peu importe où l’on est et qui l’on est, toute vérité n’est pas bonne à dire. Donc, oui, mon franc-parler a pu me porter préjudice à certains moments, mais je pense également qu’à plus long terme, il m’a aussi servi.

    Dans le clip de votre single Désarmer, vous êtes l’unique femme et l’on vous voit entourée d’hommes qui se battent pour vous. Cela change des vidéos de rap et de R’n’B des années 2000 où c’était plutôt un chanteur que l’on voyait encerclé de jeunes filles…
    Je pense qu’aujourd’hui les mentalités ont évolué. On est beaucoup plus décomplexé, à tous les niveaux. Il reste de la pudeur sur certains points, mais les gens ont moins peur de dire ce qu’ils ressentent, ce qu’ils pensent. Il me semble que cela est une conséquence directe des réseaux sociaux.

    Aya Nakamura & Joé Dwèt Filé – Baddies (2025).

    Mon franc-parler a pu me porter préjudice à certains moments, mais à long terme, il m’a servi.” Aya Nakamura

    Sur Destinée, comme sur vos précédents albums, on découvre de nombreuses expressions inventives. Comment naissent‑elles ?
    Je pense qu’elles sont dues à mon entourage, aux mélanges, au métissage des environnements où j’ai grandi. C’est un mix qui m’influence naturellement, sans que je m’en rende compte.

    Vous êtes issue d’une famille de griots, et votre mère était conteuse et chanteuse. Selon vous, cela explique-t-il votre don de raconter des histoires ?
    C’est en partie grâce à elle que j’en suis là. Donc, oui, absolument.

    Vous êtes indépendante et vous avez lancé votre propre label, Nakamura Industrie. Qu’est-ce que cela change pour vous artistiquement ?
    Pas grand-chose, mis à part que je vois les factures ! [Rires.] Mais cela n’a rien changé à la façon de travailler que j’avais auparavant. Elle a toujours été la même. Et je travaille à peu près avec les mêmes personnes. Il n’y a pas une grande évolution. Depuis sept ou huit ans, de toute façon, je n’ai plus de manager (à 20 ans, lorsqu’elle attendait sa fille Aïcha, ses premiers managers lui ont demandé de choisir entre sa carrière musicale ou fonder une famille, ndlr)

    C’est quelque chose d’assez rare dans le milieu de la musique de ne pas avoir de manager. Est-ce que c’est parfois effrayant d’assumer tous ses choix ?

    C’est une décision que j’ai prise depuis le début, donc ça va. C’est une grande responsabilité, mais c’est naturel.

    Aya Nakamura – Désarmer (2025).

    Trois concerts au Stade de France… Franchement, je suis fière.” Aya Nakamura

    Vous avez déjà signé sur votre label le rappeur français RnBoi, et vous l’avez soutenu sur scène en octobre, au Centre Pompidou, au festival organisé par le label Because Music. Ce rôle de passeuse semble important pour vous…
    Étant moi-même artiste, je sais ce que c’est quand on débute. Moi aussi, j’ai eu des mentors. Et je trouve ça cool d’avoir une productrice qui s’intéresse à ce que l’on fait, sans prendre trop de place non plus. Nous nous sommes amusés tous les deux sur scène à Beauboug. Il commence sa carrière, alors si je peux l’accompagner de temps en temps, je le fais. Je l’ai découvert il y a quelques années lors d’un DVM Show [émission de freestyle de rap français diffusée sur Twitch] et j’ai eu un coup de cœur. Puis on a décidé de partir à l’aventure ensemble. J’aimerais signer d’autres artistes, mais ça prend du temps. Il faut voir car il faut assumer ça.

    Vous allez donner trois concerts au Stade de France en mai 2026. Un exploit…
    C’est un grand pas. C’est énorme. Franchement, je suis fière. Et tellement contente de voir mon public. Je me prépare physiquement, mais je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus.

    Il y a encore quelques années, vous préfériez jouer à l’Accor Arena, car vous aviez peur de la qualité sonore d’un stade…
    J’ai changé d’avis ! [Rires.]

    Il y a encore quelques années, je n’aurais jamais imaginé faire un Stade de France.” Aya Nakamura

    Est-ce parce que vous avez vu Beyoncé en live au Stade de France cette année ?

    Attendez, vous plaisantez, mais ça a joué ! J’ai vu Beyoncé, et ça m’a rassurée, puisque nous sommes de la même maison. Mais surtout, la demande était là pour ces dates. Il y a encore quelques années, je vous avoue que je n’aurais jamais imaginé faire un Stade de France. Mais tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ! Je crois que tout est possible quand on pense positivement.

    Vous parlez de Beyoncé, une artiste qui vous a beaucoup influencée. Avez-vous des icônes ? Si oui, les avez-vous rencontrées ?
    Bien sûr que j’ai des icônes ! Beyoncé, Lauryn Hill, et j’aime aussi beaucoup Erykah Badu. Ce sont les trois premières femmes qui m’ont inspirée. J’ai déjà croisé Beyoncé et Erykah Badu, mais pas Lauryn Hill. Deux sur trois, donc.

    Pour la couverture de ce Numéro, vous avez choisi de poser en kimono. Pour quelle raison ?
    C’est tout simplement un clin d’œil au personnage japonais de la série Heroes, auquel je dois mon pseudo.

    Vous avez deux petites filles. Quelles valeurs essayez-vous de leur transmettre ?
    L’acceptation de soi, la différence entre le bien et le mal, mais surtout le fait de s’amuser et d’être soi-même. C’est le plus important.

    Je suis une artiste noire et il y a des endroits en France où certaines personnes n’ont jamais vu de femmes noires.” Aya Nakamura

    Comprennent-elles que leur mère est une artiste et une star ?

    (rires) Oui bien sûr, elles comprennent très bien, notamment quand elles me voient aller en show. Parfois, ça arrive qu’elles soient là pendant le tournage de mes clips ou pendant mes shootings. Elles commencent à être un peu habituées. Après, je pense qu’elles ne s’en rendent pas compte peut-être du côté « superstar » ou « notoriété ». Mais elle connaissent mon travail.

    Qu’est-ce qui vous aide à garder les pieds sur terre ?

    Je dirais mes enfants et mon entourage.

    Vous avez dévoilé une performance inoubliable à la cérémonie d’ouverture des JO de Paris, accompagnée de vos danseuses et de la Garde républicaine. Y a-t-il eu un avant et un après ce show ?
    Non, pas spécialement. Cette performance a eu un grand retentissement, en effet. Mais, personnellement, je n’ai pas senti la différence.

    Suite à cette prestation, on a pu entendre de nombreux commentaires racistes choquants. Et vous avez fait une petite pause après ça…

    Ça ne date pas des JO que je reçoive des critiques racistes. Il y en a eu avant et après. Ce n’était pas quelque chose de nouveau pour moi. Je suis une artiste noire et il y a certains endroits en France où certaines personnes n’ont jamais vu de femmes noires. Donc, ça peut surprendre, on va dire.

    “Hautaine”, non, mais “femme qui sait ce qu’elle veut”, oui.” Aya Nakamura

    On vous voit comme une femme puissante, indépendante et libre… Y a-t-il de fausses idées qui circulent sur vous ?
    Les gens fantasment, bien sûr, parfois, mais je ne crois pas que le public se trompe, parce que je possède différentes facettes… Cependant, tout dépend de quel aspect on parle. “Hautaine”, non, mais “femme qui sait ce qu’elle veut”, oui.

    Vous avez collaboré avec la maison Balenciaga et vous assistez à de nombreux défilés… Quel est votre rapport à la mode ?

    J’aime toujours me mettre en avant, être bien habillée. Mais je ne fais rien de plus que les autres. Je dirais que mon style est avant-gardiste et en même temps très chill. Je n’ai pas forcément des eras, des looks qui changent selon mes albums et mes étapes de vie. Ce sont surtout aux States que les artistes pensent comme ça. Je me suis toujours amusée avec les couleurs et les styles, sans forcément avoir d’album en tête.

    Dernièrement, vous avez eu droit à votre statue au musée Grévin, vous avez assisté au Met Gala et vous êtes ambassadrice mondiale de Lancôme
    Oui, j’avoue, c’est une forme de consécration. Je suis fière d’être aujourd’hui ambassadrice mondiale de Lancôme. Et je suis très heureuse d’avoir été au musée Grévin au moment de la révélation de la statue, entourée de ma famille qui était là pour moi, avec mes proches, mes amis. Ce n’est pas rien. C’est l’aboutissement de dix années de travail. Quant à l’invitation au Met Gala, c’était un moment très impressionnant, notamment en raison du nombre de stars qui étaient présentes.

    Mon plus grand rêve ? Le Super Bowl avec Beyoncé.” Aya Nakamura

    De quoi êtes-vous le plus fière jusqu’ici ?
    De m’être fait confiance, d’avancer et de l’équipe que j’ai. Le meilleur conseil que je pourrais donner à un jeune artiste aujourd’hui, ce serait de lâcher prise et de se faire confiance.

    Quel est votre plus grand rêve ?
    J’ai toujours eu des rêves, mais mon rêve ultime serait peut-être de pouvoir chanter au Super Bowl. Et qui sait ? Avec Beyoncé et Lauryn Hill, ce serait vraiment pas mal…

    Un mot pour finir ?

    Rendez-vous au Stade de France !

    Destinée (2025) d’Aya Nakamura, disponible. La star sera en concert au Stade de France, à Saint-Denis, les 29, 30 et 31 mai 2026.

    Coiffure : Raphie Bantsimba. Maquillage : Carina Chatel et Lili Choi chez Calliste Agency. Manucure : Sherley Delannay. Set design : Coline Robert. Assistants photographe : Margaux Jouanneau et Loup Catusse. Assistants réalisation : Barnabé White, Ching En Kao et Éléonore Pons. Retouche : Marco Giani. Production : Iconoclast Image.