27 avr 2021

Arooj Aftab, la chanteuse pakistanaise qui fascine la planète musicale

Le nom de la musicienne et chanteuse pakistanaise est déjà un petit poème à lui tout seul : Arooj Aftab ou, littéralement, “soleil levant”. Célébrée par Pitchfork et par le New York Times, la jeune femme vient de sortir « Vulture Prince », un album hommage à son frère décédé, réinventant la poésie orale persane.

Arooj Aftab dans la vidéo de « Diya Hai », réalisée par Jesse Selleck

Les morceaux d’Arooj Aftab semblent suivre un cours que personne avant elle n’a emprunté : paisible et fluctuant, itératif et changeant, elle y creuse le lit des mots bleus, entre de longs interludes d’improvisations instrumentales. Obligeant une écoute attentive, voire recueillie, ses titres ne semblent s’embarrasser d’aucune norme et ne souffrent d’aucun formatage. Ils n’obéissent qu’à la spontanéité, tout en renvoyant aux multiples héritages de la jeune femme. Elle a grandi au Pakistan et quitté son pays à 18 ans pour étudier la musique jazz à Boston, au Berklee College of Music. Aujourd’hui installée à Brooklyn, elle dit trouver de l’inspiration aussi bien chez Nina Simone que chez Begum Akhtar (chanteuse traditionnelle d’origine indienne) ou Mariah Carey

 

 

Minimaliste et atmosphérique, la musique d’Arooj Aftab s’épanouie dans des formes cycliques, reprenant et modulant divers motifs avec différents instruments. L’écriture et le chant fonctionnent selon le même principe, avec des phrases répétées à l’envie, dans une sorte de transe qui établit in fine l’unité et la cohérence de l’oeuvre dans son ensemble. S’inspirant du « ghazal », forme de poésie persane née au VIème siècle, elle renoue avec une tradition orale de la littérature, issue d’un temps où la poésie était chantée, psalmodiée et rythmée par de la musique instrumentale ; un temps où la poésie était un véritable événement. Associé au soufisme, le ghazal est souvent considéré comme spirituel et religieux ; pourtant, il aborde essentiellement des thématiques profanes, comme l’amour, le désir ou la perte d’un être cher. Arooj Aftab trouve alors dans ce genre poétique un exutoire pour chanter son frère disparu, ses amis perdus et ses amours déçus, sans jamais perdre de vue l’espoir, soleil levant sur le champ de sa peine. 

Dans le magnifique titre bilingue Last Night, la musicienne redonne du souffle à la poésie soufi de Rûmî, guide spirituel du XIIIème siècle devenu l’un des poètes les plus lus dans le monde. Particulièrement populaire aux Etats-Unis, le poète a trouvé une chambre d’écho particulièrement forte sur les réseaux sociaux, au point que la chanteuse Beyoncé lui rende hommage en appelant sa fille Rumi. Tiré du livre Rumi: Hidden Music, le poème chanté par Arooj Aftab retrouve ses lettres de noblesses, sublimé par les sonorités groovy, presque dansantes, qu’y associe la musicienne. Bilingue, le morceau est en partie chanté en ourdou (langue parlée au Pakistan) et mêle les mots de Rûmî à ceux d’un ancien chant Thumri (chant traditionnel indien). Chantant son amour pour un être “beau comme la lune”, elle reprend un des motifs de la poésie soufi qui fait de la lune un symbole de transcendance : source d’énergie, à la fois douce et puissante, elle veille sur leur désir, et “le reste est silence”. 

 

 

Vulture Prince, d’Arooj Aftab, disponible sur toutes les plateformes d’écoute.