30 avr 2025

Diss tracks, fusillades… 5 clashs qui ont marqué l’histoire du rap

Dans le milieu rap, les clashs font partie intégrante de la culture hip-hop. Véritables duels artistiques, ils opposent les rappeurs à coups de punchlines et de provocations… voire pire. Retour sur 5 clashs mythiques ou méconnus du rap international.

  • par La rédaction.

  • Le clash, une tradition codifiée du milieu du rap

    Dans l’arène bouillante du rap, le clash est bien plus qu’une simple querelle : c’est un art, une tradition codifiée où la plume devient une arme terrible. À coups de punchlines acérées, les artistes s’affrontent pour défendre leur honneur et leur territoire symbolique. Si certains y voient une vaine surenchère d’ego, les connaisseurs savent que ces confrontations nourrissent, en fait, l’essence même du hip-hop : la compétition.

    Récemment, Kendrick Lamar a affronté Drake à coups de diss track (Not Like Us), un morceau souvent violent ayant pour but de discréditer son adversaire. Et tout est permis, quitte à recueillir des informations confidentielles sur son rival. Lorsque l’affrontement quitte le terrain musical ou les réseaux sociaux, il devient parfois une escarmouche ou une bataille rangée. En témoigne la rixe violente entre les Français Booba et Kaaris dans un hall de l’aéroport d’Orly, en août 2018. Numéro revient sur cinq affrontements légendaires ou méconnus du rap international.

    Nicki Minaj – No Frauds (2017).

    Nicki Minaj contre Remy Ma : la guerre des reines du rap

    Le clash entre Nicki Minaj et Remy Ma est sans doute l’un des affrontements les plus marquants de l’histoire du rap féminin. Longtemps sous-jacente, la rivalité éclate véritablement en 2017, lorsque Remy Ma, sortie de prison trois ans plus tôt, publie shETHER. En sept minutes d’attaques féroces, elle dynamite l’image de Nicki Minaj, l’accusant de recourir à des ghostwriters, de multiplier les opérations de chirurgie esthétique et de camoufler ses insécurités derrière des records commerciaux. Une déflagration brutale, directe et crue qui renoue avec l’esprit des batailles lyriques les plus sauvages du hip-hop.

    Face à cette offensive, Nicki Minaj tarde à répondre. Un choix stratégique qui en dit long sur son positionnement à l’époque. Lorsqu’elle réplique enfin avec No Frauds (2017), épaulée par Drake et Lil Wayne, elle préfère une approche plus clinique, presque distante et tourne en dérision son adversaire plutôt que de s’abaisser à une guerre de mots sanglante. Cette posture, si elle rassure ses fans, laisse une impression mitigée auprès des puristes. Nicki Minaj, forte de sa stature pop internationale, esquive le combat frontal là où Remy Ma réclamait un duel à l’ancienne.

    Ce clash a cristallisé des tensions bien plus larges : la difficulté pour les rappeuses de coexister dans une industrie qui oppose systématiquement les figures féminines. La frontière entre respect commercial et légitimité de rue. La manière dont la notoriété reconfigure la manière de « faire la guerre » dans le rap. Si Nicki Minaj est sortie intacte en termes de carrière, de cette querelle, c’est bien Remy Ma qui, pour beaucoup, a remporté la bataille.

    2Pac – Hit’Em Up (Dirty) (1996).

    Tupac Shakur contre The Notorious B.I.G., le clash entre rappeurs le plus connu… Et le plus violent

    Le clash entre Tupac Shakur et The Notorious B.I.G. reste la tragédie fondatrice du hip-hop américain. Plus qu’une rivalité musicale, c’est tout un climat socio-politique qui se cristallise autour de ces deux figures emblématiques. Initialement amis et collaborateurs, leur relation dégénère après la fusillade de 2Pac à New York en 1994, que ce dernier attribue aux cercles proches de Biggie et Puff Daddy. S’ensuit une escalade de provocations publiques…

    Tupac frappera le premier avec Hit ‘Em Up. Un diss track d’une violence inédite, où il attaque Biggie sur le plan personnel et familial, brisant tous les codes implicites de respect entre MCs. Biggie, plus réservé, mais tout aussi stratégique, répond de manière plus froide. Son titre Who Shot Ya?, sera perçu comme une provocation déguisée.

    Au-delà des simples piques, ce clash alimente une tension grandissante entre les scènes de la Côte Est (New York) et de la Côte Ouest (Los Angeles), menant à une spirale de haine relayée par les médias et les labels eux-mêmes. L’issue est tragique : Tupac est assassiné à Las Vegas en 1996. Son rival lui emboîte le pas quelques mois plus tard. La culture hip-hop devient alors un phénomène mondial… au prix de la vie de deux de ses plus grandes icônes.

    Jay-Z – Takeover (2001).

    Jay-Z versus Nas : un clash élégant à New York

    Le clash entre Jay-Z et Nas est sans doute le plus élégant et stratégique que le rap new-yorkais ait connu. À la fin des années 90, Nas, autrefois considéré comme le « sauveur » du rap East Coast avec le sublime album Illmatic, semble en perte de vitesse, tandis que Jay-Z, lui, grimpe les échelons avec son sens aigu du business et du storytelling.

    L’affrontement éclate réellement en 2001. Jay-Z propose Takeover sur son disque The Blueprint (2001), attaquant Nas sur ses prétendues incohérences artistiques. La réponse de Nas, Ether, sera brutale. Il ridiculise Jay-Z avec une férocité rare, inversant complètement le rapport de force médiatique.

    Ce titre devient un modèle du diss track parfait. Et le clash redonne aussitôt à Nas une crédibilité immense. Jay-Z n’a pas d’autre choix que de reconnaître, à demi-mot, la puissance de son rival. Ce duel à haute intensité, plus verbal que physique, renforce la mythologie de New York comme épicentre du rap pour puristes. Le respect mutuel finira par triompher quelques années plus tard, scellant leur rivalité dans une réconciliation historique…

    Kevin Fret – Soy Asi (2018).

    L’assassinat de Kevin Fret et la violence du rap de Porto Rico

    L’assassinat de Kevin Fret en janvier 2019 reste l’un des événements les plus troublants de l’histoire du rap latino-américain. Premier rappeur ouvertement homosexuel de Porto Rico, Kevin Fret n’était pas seulement un musicien. Il était un symbole de la lutte pour la visibilité LGBTQ+ dans une scène musicale profondément marquée par des codes machistes et hétéronormés. Rapidement devenu une figure polarisante, il utilisait sa musique et sa présence publique pour dénoncer l’hypocrisie de l’industrie urbaine portoricaine, s’attirant l’hostilité d’une partie des artistes établis.

    Dans cette affaire, aucun clash musical n’est enregistré. Mais des tensions existaient bel et bien entre Kevin Fret et plusieurs personnalités influentes du reggaeton et de la trap latino. Certains médias ont même évoqué l’implication indirecte de l’entourage de stars majeures. Mais cela n’aboutira pas à accusations formelles. Kevin Fret sera abattu en pleine rue, à San Juan. Loin du simple règlement de compte, son meurtre sera perçu comme l’aboutissement tragique d’un rejet culturel profond.

    50 Cent – Wanksta (2002).

    50 Cent contre Ja Rule : un clash qui débute dans la rue

    Rarement un clash n’a autant ruiné une carrière que celui qui opposa 50 Cent à Ja Rule. Tout débute dans la rue, bien avant que les deux hommes ne deviennent des superstars. Leur antagonisme explose médiatiquement en 2002, lorsque 50 Cent utilise la chanson Wanksta pour ridiculiser l’image « gangsta » de Ja Rule. Il l’accuse de surfer sur un rap trop mélodieux et trop commercial.

    Il s’avère que Ja Rule réplique maladroitement avec Loose Change… 50 Cent, soutenu par Eminem et Dr. Dre, assène coup sur coup à travers Back Down et d’autres interventions publiques. Le clash devient un cas d’école. La puissance d’un marketing de la destruction orchestré par 50 Cent est telle que Ja Rule voit ses ventes s’effondrer en quelques mois. Cet affrontement changera la perception de la street credibility dans l’industrie du rap. Une perte de crédibilité peut être mortelle pour un artiste, aussi célèbre soit-il.