11 sept 2020

Mostra de Venise: “La troisième guerre”, ou le combat des soldats contre… l’ennui

Présenté dans la section “Orizzonti” à la Mostra de Venise, le premier long-métrage de Giovanni Aloi dresse le portrait de militaires de l'opération Sentinelle – déployée au lendemain des attentats de janvier 2015 – plongés dans une léthargie qui les oppresse. Avec Anthony Bajon, Leïla Bekhti et Karim Leklou en têtes d'affiche, le film sortira en France en février 2021.

La semaine dernière, en même temps que débutait la 77e Mostra de Venise, s'est ouvert à la cour d'assises spéciale de Paris le procès des attentats de janvier 2015. Cinq ans après les tueries de Charlie Hebdo, de Montrouge et de l'Hyper Cacher, la France est ainsi replongée dans l'horreur et les traumatismes des attaques terroristes qui ont fait 17 morts et bléssé tant d'autres.

 

De l'autre côté des Alpes, au bord de la mer Adriatique, les festivaliers se ruent, en gondole ou en bateau et dans un autre climat de peur – celui lié à la pandémie de Covid-19 –, vers le Palazzo del Cinema. Là, est projeté en ce moment le premier long-métrage de Giovanni Aloi, La troisième guerre, qui fait écho aux évènement cités précedemment : il raconte la France post-janvier 2015.

 

 

“Nous sommes en guerre”

 

Il est désormais une situation que tous les utilisateurs de transports en commun ne connaissent que trop bien : leur métro est bloqué suite à la découverte d'un “colis suspect”. Lorsqu'un bagage abandonné est repéré dans un lieu public, des militaires de l'opération Sentinelle – associé au plan Vigipirate visant à lutter contre le terrorisme – sont mobilisés afin de neutraliser l'objet ou, le plus souvent, d'en identifier le propriétaire. C'est ainsi que s'ouvre La troisième guerre : un bagage Louis Vuitton a été oublié près d'une poubelle à la gare de Bercy. Deux soldats (Anthony Bajon et Karim Leklou) et un sergent (le seul personnage féminin, et c'est dommage, incarné par Leïla Bekhti) sont prêts à lancer la procédure de destruction. Fausse alerte. Le sac monogrammé vient d'être récupéré. 

 

Voilà ce que Giovanni Aloi dénonce dans son premier long-métrage : avec l'opération Sentinelle, des soldats sont mobilisés pour une guerre invisible et sont condamnés à l'ennui. Une léthargie que le metteur en scène matérialise à coups de scène d'errances – ou plutôt de rondes – où les militaires arpentent les arrondissements parisiens à la recherche de situations dans lesquells ils pourraient intervenir. Des disputes de couple violentes aux appréhensions de dealers – notamment lors d'une scène où Leo (Anthony Bajon) court après un criminel avant d'être devancé par des policier lui reprochant sa légitimé –… ce n'est jamais aux Sentinelle d'agir. 

 

 

De la rue à la caserne

 

 

Dans la caserne, c'est la même rengaine. Deal, petites amies imaginaires – Leo s'entiche même d'une fille dont il a dégoté le numéro de téléphone dans le répertoire du déliquant qu'il a coursé – et histoires inventées – le personnage de Karim Leklou affabule lorsqu'il raconte sa mobilisation au Mali alors qu'en réalité, il n'y a passé qu'une journée – sont autant de passes temps qui révèlent un quotidien morne. 

 

Dans La troisième guerre, la militarisation pointée du doigt nuit tant aux soldats qu'aux civils : Leo fait croire à sa mère qu'il a été assigné à une zone dangereuse alors qu'en réalité, il est à Paris. Une zone qui a certes déjà été meurtrie par des attentats mais, comme lui fait remarquer une jeune fille rencontrée dans une boîte de nuit, “si des terroristes comptent attaquer, ils y parviendront”. Reste alors des images de patrouilles de militaires lourdement armés auxquelles la population semble s'être habituée… mais ne manque pas de juger l'inaction, notamment lorsqu'un portable est volé dans le métro et que les Sentinelle n'agissent pas. C'est le rôle de la police.

 

Avec ce premier film sur l'armée – se révélant parfois imparfait, notamment à travers sa cacophonie ambiante, ses voix off pas toujours nécessaires et son manque cruel de personnages féminins  –, Giovanni Aloi signe une œuvre réussie, puisqu'engageante.

 

 

La troisième guerre (2020) de Giovanni Aloi, en salle en février 2021.