Les 5 vies d’Albert Dupontel
Trois ans après l’immense succès de son drame historique “Au revoir là-haut” (2017) – qui lui avait valu le César de la meilleure réalisation – Albert Dupontel est de retour avec “Adieu Les Cons”, une comédie empreinte du registre burlesque qu’il apprécie tant, dont la sortie est prévue pour mercredi prochain. Retour sur 5 moments qui ont façonné la carrière de cet acteur et réalisateur anticonformiste.
Par Lucas Aubry.
Renvoyer un enfant dès la maternelle pour bavardages et manque de discipline n’est pas un acte anodin. Toute sa vie, Albert Dupontel a gardé ce sentiment étrange de ne pas être conçu pour notre société. Couvé par une famille bourgeoise de l’Ouest parisien, il tente tout de même de suivre une existence “normale” et réalise des études de médecine avant de craquer à l’issue de la quatrième année. Il s’inscrit alors à l’école du théâtre national de Chaillot et enchaîne les petits rôles. En 1990, il écrit Sales histoires, une série de courts-métrages pour Canal+ qui introduisent son registre comique grinçant. Un humour décapant à la limite du fantastique que l’on retrouve dans ses films Bernie (1996), Le Vilain (2009) ou encore 9 mois ferme avec Sandrine Kiberlain – succès populaire qui fit plus de 2 millions d’entrées à sa sortie en 2013.
1. Débuts dans le one-man-show
Introduit au grand public un samedi soir de l’année 1990 lors de l’émission Sébastien c’est fou ! présentée par Patrick Sébastien sur TF1, Albert Dupontel rencontre très vite le succès avec ses one-man-show. Les spectateurs venus assister à son Sale Spectacle au théâtre Tristan-Bernard découvrent éberlués que le sketch Rambo réalisé à la télévision est très certainement le seul diffusable à une heure de grande écoute. Inceste, violence, sexisme, racisme… l’humoriste attaque à la sulfateuse les pires perversions de notre société dans une série de sketchs corrosifs restés cultes.
2. Un militaire à l’aura sulfureuse dans “Un héros très discret” (1996) de Jacques Audiard
Malgré sa notoriété naissante, trouver sa place au sein du trio Jacques Audiard-Jean-Louis Trintignant-Mathieu Kassovitz déjà auréolé du succès de Regarde les hommes tomber (1994), n’est pas une chose aisée pour Albert Dupontel. Il arrive pourtant à camper avec finesse un capitaine de l’armée française homosexuel qui transmet son goût pour la comédie et son amour du mensonge à un ancien collaborateur qui tente de se faire passer pour un résistant au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Un regard sombre sur le gaullisme qui, loin d’être considéré comme le meilleur film de Jacques Audiard, sera tout de même primé pour son scénario au Festival de Cannes.
3. Premier passage derrière la caméra avec “Bernie” (1996)
Financé en partie avec l’argent de ses spectacles, “Bernie” (1996) est la transcription de l’humour grinçant d’Albert Dupontel au cinéma. L’histoire déjantée de cet orphelin jeté à la poubelle à sa naissance qui s’invente des parents imaginaires et décide de les protéger d’un complot mafieux tout aussi fantasmagorique est un bijou de noirceur et de cruauté. Coups de pelle, de fusil et poussin croqué vif, Albert Dupontel s’autorise un tel déferlement de violence qu’elle en devient burlesque, comme dans le cinéma de Tarantino. Bernie fait couler beaucoup d’encre à sa sortie et attire la curiosité des idoles du réalisateur comme Terry Gilliam des Monty Python ou encore l’acteur Robin Williams, qui réalise une courte parodie du film à l’occasion de sa sortie en DVD.
4. Le cancer de Jean Dujardin dans “Le Bruit des glaçons” (2010) de Bertrand Blier
“Bonjour. Je suis votre cancer. Je me suis dit que ça serait peut-être pas mal de faire un petit peu connaissance ?”. 6 ans après avoir l’avoir rencontré sur le tournage du Convoyeur (2004) de Nicolas Boukhrief, Albert Dupontel retrouve Jean Dujardin – lui aussi repéré par Patrick Sébastien dans les années 90 – pour jouer le rôle de son cancer dans une comédie aux punchlines acérées de Bertrand Blier. Albert Dupontel est à la fois génial et forcément insupportable dans le rôle de cette mort prochaine qui rend visite à sa victime dans le seul but de hanter ses derniers jours à coup de réflexions mal placées.
5. Au firmament avec “Au revoir là-haut” (2017)
Adaptation d’un roman gagnant du prix Goncourt de Pierre Lemaitre, Au revoir là-haut (2017) met en scène une minorité de riches industriels et de politiques sans foi ni loi qui trouvent le moyen de tirer profit de la tragédie de la Première Guerre mondiale. Comme dans tous les films qu’il a réalisé, Albert Dupontel règle ses comptes avec la société et nous aide à mieux cerner le réel par le biais de l’imaginaire. Servi par un casting remarquable (la révélation Nahuel Pérez Biscayart mais aussi Laurent Lafitte et Niels Arestrup) et un travail de colorisation pointilleux qui évoque les plus grands films sur la Grande Guerre (À l’ouest rien de nouveau de Lewis Milestone, Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick), Au revoir là-haut est le plus grand succès médiatique et commercial d’Albert Dupontel, enregistrant plus de 2 millions d’entrées et remportant les César de la meilleure réalisation et de la meilleure adaptation.
“Adieu Les Cons” d’Albert Dupontel avec Virginie Efira, Nicolas Marié et Bouli Lanners, en salle le 21 octobre 2020.