Le réalisateur de “Taxi Téhéran” signe un court-métrage pour la 3e Scène de l’Opéra de Paris
Cette année, c’est au tour du cinéaste iranien Jafar Panahi d’offrir son regard à la 3e scène de l’Opéra de Paris. Dans un court-métrage disponible sur Arte.tv à partir de demain, le réalisateur de “Taxi Téhéran” nous plonge au coeur d’un village où demeure, cachée du regard des hommes, une chanteuse talentueuse mais souffrante d’être tenu à l’écart de la scène à cause du poids des traditions.
Par Alice Pouhier.
Lancée en 2015 sous la direction artistique du danseur et chorégraphe Dimitri Chamblas, la 3e Scène de l’Opéra de Paris a depuis dévoilé des projets plus audacieux les uns que les autres. D’abord, un premier film : Etoiles, I see you, de Wendy Morgan, qui mettait en scène le danseur de hip-hop américain Lil Buck, dans un dialogue avec les figures historiques représentées dans les fresques et les sculptures du palais Garnier, puis un festival organisé à la Gaîté Lyrique en 2017, où étaient montrées des œuvres de grandes figures de l’art et du cinéma – telles que l’artiste Xavier Veilhan, le chorégraphe William Forsythe, ou encore la cinéaste Rebecca Zlotowski. Enfin, en février 2019, on avait pu voir l’artiste japonais Hiroshi Sugimoto investir la 3e Scène avec le film Breathing, où Aurélie Dupont (directrice du ballet de l’Opéra de Paris) interprétait un solo de Martha Graham.
Il y a trois ans, lors du tournage de Trois visages (2018), l’Opéra de Paris demande à Jafar Panahi de réaliser un court-métrage pour la 3e Scène. Il a fallu attendre deux ans pour que le réalisateur iranien trouve l’inspiration. Passionné par le cinéma social, dont tout l’enjeu repose sur le “perçu” et le “vécu”, il est touché par les témoignages qu’il reçoit après la sortie de Trois visages. A travers de nombreux courriers, beaucoup de jeunes gens lui confient leur volonté d’échapper au joug d’une famille conservatrice pour tenter de vivre de leur passion artistique. Jafar Panahi a alors une idée, celle de tourner un court-métrage d’une vingtaine de minutes sur le thème du difficile – parfois même impossible – épanouissement des femmes iraniennes dans le milieu de la musique et de la performance scénique.
Tourné à l’iPhone, le court-métrage de 18 minutes réalisé par Jafar Panahi nous plonge rapidement dans une atmosphère anxiogène. Bercés par le bruit des roues sur l’asphalte, le réalisateur – au volant – et sa fille, à l’arrière, nous emmènent à la recherche d’une femme à la voix d’or, retenue presque captive dans un village où la religion lui interdit de chanter. Une femme metteur en scène – sur le siège passager – guide le réalisateur et sa fille dans le désert iranien. Au détour d’une ruelle terreuse, la femme explique qu’ici, “on pratique encore l’excision”. Alors que grandit le sentiment d’oppression produit par le huis-clos dans l’habitacle du véhicule, l’arrivée dans la famille de la chanteuse constitue le point culminant de l’angoisse. “Si les garçons du village l’entendaient chanter, toute la famille serait maudite, c’est un grand péché”, confie alors sa mère, devant le regard désemparé des trois invités.
Hidden (2021), de Jafar Panahi, disponible sur Arte.tv dès demain puis sur L’Opéra chez soi à partir du mercredi 10 mars 2020.