Le Menu : pourquoi faut-il (re)voir le thriller avec Anya Taylor-Joy sur Disney+ ?
Prenez une île déserte uniquement accessible en bateau. Ajoutez-y un restaurant haut de gamme, douze convives triés sur le volet, venus spécialement pour déguster un menu à 1250 dollars (environ 1210 euros) la soirée. Saupoudrez d’une pincée de suspense, d’une cuillère à soupe d’humour noir, le tout imbibé d’une ambiance horrifique sur le fil du rasoir. Voici la recette du thriller Le Menu – disponible sur Disney+ dès le 26 avril 2024 – mettant en scène l’actrice Anya Taylor-Joy.
Véritable plongée dans l’univers de la haute gastronomie, Le Menu (2022) du réalisateur Mark Mylod, qui a travaillé sur Game of Thrones (2011) et Succession (2018), mélange avec brio les genres, du film d’horreur à la télé-réalité culinaire en passant par la satire sociale. Le long-métrage, disponible dès le 26 avril 2024 sur la plateforme Disney+, déjoue une à une nos attentes, avec un scénario élaboré comme un château de carte constamment prêt à voler en éclats. 3 bonnes raisons d’y succomber.
1. Anya Taylor-Joy, Ralph Fiennes, Nicholas Hoult… Le casting trois étoiles du film Le Menu
Le temps d’une soirée, les convives sont invités à la table du restaurant du renommé chef Slowik et sa brigade. Brillamment incarné par l’acteur britannique Ralph Fiennes, qui jouait le mage noir Lord Voldemort dans la saga Harry Potter, ce personnage central de l’intrigue conçoit un somptueux dîner en plusieurs services, pensé comme une expérience dont on ne sortira pas indemne. Excellant dans l’exercice de narration autour de ses plats, le chef dévoile au fur et à mesure du repas une personnalité complexe, à l’image de sa cuisine.
À l’instar d’un Jack Nicholson dans Shining (1980) ou d’un Anthony Hopkins dans Le Silence des agneaux (1991), l’acteur alterne avec une grande justesse moments de vulnérabilité et scènes à nous glacer le sang, et brille dans ce rôle de chef perfectionniste et sociopathe. Comme un caillou dans le rouage bien huilé prévu par le chef, Anya Taylor-Joy incarne l’incendiaire et rebelle Margot, qui vient pimenter l’intrigue. Non prévue au menu, elle dénote avec le snobisme et la superficialité du reste des invités. Dans le film, elle accompagne son petit ami, Tyler, joué par le Britannique Nicholas Hoult. Ce foodie invétéré apporte la bonne dose de comique et de pathétique qui fait monter la sauce, celui-ci idolâtrant, sans limite, le chef Slowik.
2. Le Menu, une succession de scènes culinaires alléchantes
Si Le Menu est un thriller délicieusement bien ficelé, c’est surtout pour l’attention qui est portée aux détails, et ce jusque dans l’assiette. Comme son titre l’indique, le menu est le liant entre tous les tableaux, délicieusement ponctués d’annonces de plats à l’ironie mordante. Le film ravira autant les amateurs de thrillers que de grande cuisine, avec des séquences entières de plans tournées en cuisine, esthétisant la préparation des plats, spécialement conçus pour l’occasion par la première cheffe américaine à obtenir trois étoiles au Michelin, Dominique Crenn. Coquilles Saint Jacques glacées, espuma aux fleurs comestibles ou encore volaille parfaitement rôtie… Les mets succulents défilent parmi quelques plats plus conceptuels — on pense notamment au pain sans pain –, le réalisateur réussissant à nous faire saliver dans la salle. Cerise sur le gâteau, la bridgade réinterprète les traditionnels marshmallows grillés, venant confirmer que le dessert est le clou du spectacle.
3. Une critique de la société contemporaine
Comme un indice dissimulé parmi une quantité d’autres tout au long du film, le nom du restaurant du chef Slowik, Howthorne, fait référence à une expérience de sociologie et de psychologie menée par l’Australien Elton Mayo de 1924 à 1932. Le chercheur concluait qu’une expérience est profondément modifiée dès lors que les sujets ont conscience d’y participer. Cette conclusion inspire l’intrigue du film Le Menu, les douze convives réalisant au cours du repas qu’ils font entièrement partie du menu. Le film s’érige progressivement comme une satire sociale, dont les personnages joyeusement détestables et terriblement caricaturaux, seraient le plat principal. On assiste ainsi à une critique d’un groupe de businessmen dédaigneux, d’un couple bourgeois qui bat de l’aile et d’une star de cinéma déchue en pleine rupture avec son agent.
À la manière du réalisateur suédois Ruben Östlund (The Triangle of Sadness) ou encore de Parasite (2019), du réalisateur coréen Bo-Hoon Jung, le réalisateur Mark Mylod s’attaque avec humour aux 1% les plus riches. Il dépeint avec noirceur la violence d’une société capitaliste qui oppose de manière binaire les privilégiés et ceux qui sont à leur service. Plus que de la cuisine en général, c’est de son intellectualisation à outrance dont il est question, Le Menu interrogeant notre rapport à « l’art » (la critique pouvant être étendue au monde de l’art contemporain) dans une société axée sur « l’expérientiel ».
Comme le confiait Anya Taylor-Joy lors d’une interview à Numéro : “Je pense [que le film] met en garde contre le fait de devenir si gorgé d’expériences que vous risquez de devenir apathique face à une nouvelle expérience. La nourriture et la vie sont censées être appréciées. Mais il y a un niveau de prétention où vous arrêtez de profiter de quoi que ce soit. Tout devient une question d’image plutôt que d’une question d’expérience réelle. Et j’espère que c’est ce que les gens retiendront du film : qu’on peut parfois se permettre de prendre les choses moins au sérieux si cela veut dire en profiter davantage”.
Le Menu (2022) de Mark Mylod avec Anya Taylor-Joy, Ralph Fiennes et Nicholas Hoult, disponible dès le 26 avril 2024 sur Disney+.