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Grünt Festival 2024 : Jean Morel accueille les meilleurs espoirs du rap francophone
Lancé en 2011 par le journaliste musical Jean Morel, le média Grünt, fervent défenseur des jeunes pousses du rap francophone, revient cette année avec la troisième édition de son Grünt Festival, les 20 et 21 septembre, au parc de la Bergère de Bobigny.
Propos recueillis par Alexis Thibault.
Grünt le média incontournable du rap francophone
Lancé en 2011, Grünt est parvenu d’emblée à fédérer une incroyable communauté, celle des fanatiques de rap. Fervent défenseur d’une culture alternative et novatrice, ce média rencontrera aussitôt le succès en proposant une myriade de formats originaux : des interviews, des mini documentaires, des captations de concerts et des freestyles filmés en appartement ou dans des lieux insolites. PLK, La Fève, Nekfeu, TIF, Georgio, NeS, H JeuneCrack ou Prince Waly… Tous ont brillé sous les feux des projecteurs de Grünt qui exècre la nostalgie et parie sans cesse sur les pépites inédites et singulières de demain. Il devient alors un passage obligé pour les jeunes pousses du genre.
Comme si l’expérience médiatique proposée ne suffisait pas, la marque se lance un pari fou en 2022 : proposer un festival spécialement dédié à la jeune garde du rap français, une armada d’espoirs du hip-hop, sans tête d’affiche particulière ni hiérarchisation des artistes. C’est la naissance du Grünt Festival. Les deux premières éditions réuniront respectivement 3500 puis 7000 festivaliers Point fort d’Aubervilliers. L’événement est de retour cette année dans le 93, bastion historique du rap francophone, les 20 et 21 septembre au parc de la Bergère de Bobigny. Au programme : Isha et Limsa, Ben PLG, Jäde, NeS, TIF, Zinée ou encore TH. Numéro a interrogé Jean Morel, fondateur et rédacteur en chef de Grünt, pour en savoir davantage sur ce festival nécéssaire et bienvenu. Rencontre.
Rencontre avec Jean Morel, fondateur et rédacteur en chef de Grünt
Numéro: Pour son édition 2024, le Grünt Festival attends près de 20 000 spectateurs répartis sur deux jours. Pourquoi avoir choisi de considérablement augmenter la jauge ?
Jean Morel : Nous nous sommes rendus compte que notre public était incroyablement engagé. Les éditions précédentes, nous avions affiché sold out dès le mois d’avril alors que le festival se déroulait cinq mois plus tard ! Il fallait viser plus loin, c’était un nouveau défi à relever. Dans le cas contraire, nous aurions eu l’impression de faire encore la même chose. Je ne vous cache pas que c’est un pari risqué, d’autant que de nombreux acteurs ont émergé ces dernières années à l’instar des Ardentes ou du Yardland qui a cartonné dès sa première édition. Nous les voyons plutôt comme une source de motivation, pas comme des concurrents…
Le Grünt festival opère-t-il toutefois une sorte de contre-programmation ?
Tout ce que je peux vous dire c’est que Grünt reste à l’image de sa communauté. Preuve en est, nous n’avons pas vraiment d’énorme tête d’affiche. Notre public a soif de découvertes et a signé une sorte d’acte de confiance avec nous. Prendre un risque c’est aussi le rôle d’un acteur culturel. Si nous ne proposions des choses qu’en fonction de l’audience et de la vente de billets, nous abandonnerions notre travail de passeur. Nous voulons surtout soutenir les artistes, nous bagarrer pour eux. Si tout se déroule comme prévu, ce sera incroyable !
Vous définissez Grünt comme une “nébuleuse culturelle”. Comment expliquez-vous la longévité de votre média, lancé en 2011 ?
La grande crainte d’un média c’est de devenir le vieux con que l’on détestait quand on était jeune. Celui qui répétait sans cesse que tout était mieux avant. Grünt a accepté de se prendre des claques par des kids. Des gosses de 18 ans qui débarquent avec des idées folles et qui proposent de la musique géniale totalement en phase avec l’époque. Je crois que c’est ce qui explique notre longévité : en découvrant de jeunes rappeurs très talentueux, nous avons décidé de leur faire une passe décisive. Toute une génération d’artistes a grandi avec nous et, parfois, c’est aussi eux qui nous contactent. Grünt est le média qu’ils ont ajouté à leur to do list. Début 2020, l’une des premières émissions que nous tournons, c’est avec La Fève. Aujourd’hui, on voit ce qu’il est devenu.
Comment parvenez-vous, chez Grünt, à mettre vos goûts personnels de côté au profit d’une direction artistique globale ?
Pour commencer je ne suis pas seul décisionnaire et, dans l’équipe, nous parlons et débattons de musique toute la journée. Notre réflexe du matin c’est de se faire couler un café et d’enchainer directement : “Alors, tu as écouté ça ? Tu en penses quoi ?” Évidemment que mes goûts personnels ont un impact considérable. Vous avez beau avoir lu tous les bouquins, vu tous les documentaires et emmagasiné un maximum de connaissance, le rap reste une forme d’art qui vous touche… ou ne vous touche pas. À bien y réfléchir, c’est clairement nos goûts personnels qui sont à l’origine de ce que nous déclencherons ou pas. Et peu importe que ce soit une star ou un inconnu au bataillon.
Existe-t-il un cahier des charges Grünt ? Comme une liste de compétences qu’un artiste doit forcément acquérir avant de pouvoir espérer collaborer avec vous ?
Je pense que cet artiste doit être pertinent et proposer un son neuf, un son nouveau. Chez Grünt, on aime quand c’est bien écrit, on aime la rime, on aime quand c’est technique, mais en même temps, nous sommes aussi capables de nous laisser embarquer par la nouvelle génération et ses flows improbables. Nous sommes souvent séduits par l’écriture et l’inventivité. Tous les artistes ont leur place. Mais il arrive que ce ne soit pas le bon moment. Parfois, nous accordons une confiance infinie à une nouvelle découverte. Parfois, il manque ce petit supplément d’âme qui fait qu’on se laisse embarquer. Après, lorsque nous y allons, nous y allons à fond : “On va te faire un projet de zinzin ! Tu veux qu’on aille tourner dans le désert ?” C’est un peu comme tomber amoureux : on ne l’explique pas vraiment mais, soudain, on est prêt à tout.
Au Grünt Fstival, vous montez deux scènes de taille équivalente. Pas de tête d’affiche, tout le monde est logé à la même enseigne. N’est-ce pas risqué de programmer des artistes peu expérimenté aux côtés de rappeurs plus aguerris ? Ne craignez-vous pas de les envoyer au casse-pipe ?
Si tout le monde est logé à la même enseigne, c’est parce que nous souhaitions valoriser tous les artistes de la même façon. C’était tout un symbole. Et notre public a parfaitement conscience de cela. Il vient découvrir de nouveaux artistes et reste très bienveillant à l’égard des débutants. En tout cas, c’était l’atmosphère globale des deux premières éditions. Rassurez-vous, même les plus jeunes artistes programmés ont déjà expérimenté le live, je suis sûr qu’ils sortiront de scène en ayant trouvé cela incroyable de jouer devant 10 000 personnes.
Grünt Festival, le 20 et 21 septembre au parc de la Bergère de Bobigny.