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“Framing Britney Spears”: que penser du documentaire choc enfin disponible en France ?
Comment une artiste internationale de 39 ans, ayant réalisé neuf albums, six tournées et vendu 200 millions de disques à travers le monde, peut-elle bien être sous tutelle depuis douze ans ? Si cette question est au cœur du mouvement #FreeBritney, c’est aussi celle que s’est posée la journaliste du New York Times Samantha Stark, qui a réalisé le documentaire Framing Britney Spears (2021), disponible sur Prime Video.
Par Alice Pouhier.
Britney Spears, âgée d’à peine dix ans, est apprêtée comme une mini miss. Alors qu’elle vient de livrer une performance vocale impressionnante de maitrise à la télévision, le présentateur lui demande “You have the most beautiful little eyes ! Do you have a boyfriend ?” (“Tu as des yeux magnifiques ! As-tu un petit ami ?”). Haley Hill, son ancienne styliste, réagit à l’image à l’extrait vidéo : “De toutes les choses dont il aurait pu parler, il lui demande si elle a un copain. Car de quoi d’autre pourrions-nous bien parler à une petite fille ?”
Témoignage après témoignage, le documentaire de Samantha Stark dresse le portrait d’une femme brisée par le sexisme qu’elle a subi tout au long de sa vie, jusqu’à en devenir le symbole. Après la question déplacée du présentateur télé de soixante ans, elle doit essuyer de nombreuses remarques misogynes, notamment en 1998, au moment de la sortie du tube qui la propulsera au rang de star mondiale, Baby One More Time… les journalistes lui parlent alors sans cesse de sa virginité, et la chanteuse, encore adolescente, devient un paradoxe. On lui demande : “Vous apparaissez à la fois comme une petite fille sage et comme une vamp sexy. N’est-ce pas un peu étrange ?” Britney Spears sourit, gênée : elle n’a alors que dix-sept ans.
Alors que la chanteuse vit ses premiers émois amoureux et que son idylle avec Justin Timberlake se termine, elle est incriminée par la presse, qui lui demande ce qu’elle a fait pour tout gâcher… Au même moment, le chanteur avoue à la radio américaine, dans une liesse générale digne d’un vestiaire de stade de foot, que oui, il a bien couché avec Britney Spears – qui disait se préserver pour son futur mari –, avant de sortir un tube planétaire dont le clip l’illustre en train de le tromper. Mais Justin Timberlake ne sera pas le dernier à rendre la souffrance de Britney Spears lucrative. Pour illustrer le harcèlement médiatique dont a été victime la pop star, Samantha Stark a convoqué un ancien parapazzi, qui revient sur ces années : “C’était dur de décrocher. Une photo de Britney pouvait se vendre jusqu’à un million de dollars”. Même s’il prend des airs de pécheur repenti, la fierté brille encore au fond de ses yeux lorsqu’il décrit la fois où – alors que la chanteuse vient de se voir refuser le droit de visite à ses enfants – en 2008, il obtient des clichés d’elle chauve, furieuse, brandissant un parapluie. “Elle ne nous a jamais dit de la laisser tranquille”, dit-il pour se justifier, “parfois, elle nous demandait de la laisser tranquille pour la journée.”
Cette misogynie, Britney Spears la subit depuis l’enfance, elle qui a grandi à Kentwood, une petite ville de la Louisiane. Son père enchaîne les petits boulots pour faire vivre la famille, et n’est pas très impliqué dans l’éducation de ses enfants. Pourtant, lorsqu’il comprend que sa petite Britney est talentueuse, il agit comme un homme assis sur une mine d’or. À New York, il clame à la manager de la toute jeune Britney, seize ans : “Ma fille va être tellement riche qu’elle m’achètera un bateau”. Quelques centaines de millions d’albums vendus à travers le monde plus tard, il réapparait, devenant son tuteur légal en 2008, lorsque Britney Spears craque après des années de souffrance. Cela fait maintenant douze ans que la tutelle perdure, et que Britney Spears est dans l’incapacité de gérer ses finances, ses déplacements, ou encore ses soins médicaux. “Elle a le train de vie d’une pop star, entre albums et shows, et pourtant, on nous martèle qu’elle est fragile” s’indigne un activiste du mouvement #FreeBritney. Cette mouvance est née un peu par hasard, grâce au podcast Britney’s Gram, qui décrypte chacun des posts Instagram de l’artiste, alors qu’un anonyme, assistant d’avocat gérant les détails légaux de la tutelle, y dévoile que Britney Spears aurait séjourné de force en hôpital psychiatrique en 2018. Depuis, des milliers de fans ont rejoint le mouvement, “pour l’aider comme elle [les] a aidés”, et 300 000 personnes ont signé une pétition pour que la chanteuse ait le droit d’avoir son propre avocat…
« Framing Britney Spears » (2021) de Samantha Stark, disponible sur Prime Video.