En direct de Cannes : l’ex-call-girl Zahia Dehar dans son premier film
La réalisatrice française Rebecca Zlotowski présente son nouveau long-métrage à la Quinzaine des réalisateurs. “Une fille facile” est presque un documentaire sur Zahia Dehar, même s’il raconte un été cannois dans les pas d’une ado qui découvre, en suivant sa cousine, le monde rutilant du désir, de l’illusion et de l’argent.
Par Olivier Joyard.
Une femme nue déploie lentement son corps dans la Méditerranée, sous le soleil exactement. Nous sommes tous et toutes, de l’autre côté de l’écran, harponnés par cette vision surréelle, à la fois purement cinématographique et totalement étrange. La naïade s’appelle Sofia dans le film, mais son vrai prénom que nous connaissons par cœur, c’est Zahia. Pour sa première apparition dans un rôle principal au cinéma, l’ancienne call-girl devenue icône contemporaine se voit offrir par la réalisatrice Rebecca Zlotowski un rôle à sa mesure, comme on parlerait d’un vêtement qui tombe juste aux épaules. Une fille facile est presque un documentaire sur Zahia Dehar, même s’il raconte un été cannois dans les pas d’une ado qui découvre en suivant sa cousine le monde rutilant du désir, de l’illusion et de l’argent. Sofia lui offre un sac Chanel, puis une montre à 3500 euros, l’emmène avec elle dans des soirées qu’elle termine à peu près toujours de la même façon, par des caresses et du sexe dans une chambre ouatée avec un homme riche.
La démarche de la cinéaste est ambiguë, ce qui fait la limite du film. On ne saura jamais vraiment si elle critique en creux le mode de vie de son héroïne ou si elle lui offre un écrin pour imposer sa liberté. Une scène-clef où il est question de chirurgie esthétique illustre ce double mouvement. Ce qui est certain, en revanche, c’est que Zahia prend un plaisir évident à incarner une image fantasmatique, telle une superstar warholienne échouée sur la Côte d’Azur cinquante ans après la bataille des années pop. Cette douce mélancolie, la néo-actrice la diffuse discrètement, donnant l’impression qu’elle traverse le film dans un mélange d’absence et de présence charnelle puissante. Zlotowski a la bonne idée de lui adjoindre un souvenir de cinéma, celui de Brigitte Bardot, même si la réalisatrice n’est pas la première à le faire – le magazine V avait shooté Zahia dès 2011 sous les traits de l’actrice du Mépris.
À ce corps montré sous toutes ses coutures, seins, fesses, dos, bouche, yeux, cheveux, pieds, le film offre donc une voix trainante comme un bonbon sucré. Mais en 2019, le remake incarné de Brigitte Bardot est une femme née en Algérie, venue en France à l’âge de dix ans et qui assume de faire de son corps un lieu d’expériences. Un corps venu d’ailleurs, dans tous les sens du terme, dont la réalisatrice aime scruter la surface. A sa comédienne, la réalisatrice de Belle Epine fait d’ailleurs dire ces mots dans une belle scène de plage : “Moi, je ne pique pas, je suis douce”.
Une fille facile